Pas de toilettes mixtes à l’école, tranche Drainville

Québec — — Le ministre de l’Éducation, Bernard Drainville, a tranché : il interdit aux écoles de convertir leurs blocs sanitaires pour filles et pour garçons en toilettes mixtes. Interpellé « à la petite semaine » concernant des « cas isolés » vécus par les personnes trans ou non binaires « dans une école, dans un gym ou autre », le gouvernement veut mettre en place un « grand cadre » pour guider les décideurs.

Au premier jour de la rentrée parlementaire, mardi, les enjeux soulevés par les débats concernant l’identité de genre se sont taillé une place au Parlement. Le chef du Parti québécois, Paul St-Pierre Plamondon, a réclamé la tenue d’une commission parlementaire, affirmant que des idéologies liées à la « gauche radicale » s’imposent désormais dans les écoles.

Selon lui, « ce genre de questions là », en parlant de la présence de toilettes mixtes dans les établissements d’enseignement, des « nouvelles théories d’écriture inclusive » ou des pronoms neutres, comme le récent cas d’une personne enseignante non binaire qui demandait à ses élèves qu’on l’appelle Mx Martine (prononcé « mix »), doivent « être débattues ici, à l’Assemblée nationale ».

La ministre responsable de la lutte contre l’homophobie et la transphobie, Martine Biron, estime qu’une « réflexion » est nécessaire, mais elle n’accrédite pas la thèse selon laquelle les débats liés aux questions d’identité de genre proviennent de la « gauche radicale ».

« On est interpellés, nous au gouvernement, à la petite semaine, à la journée, sur chaque cas isolé dans une école, dans un gym ou autre. »

— Martine Biron, ministre responsable de la lutte contre l’homophobie et la transphobie

« Je pense que ce serait utile » de mener une réflexion, a ajouté Mme Biron. « Est-ce que c’est un débat à l’Assemblée nationale ? Est-ce que c’est une commission parlementaire ? Est-ce que c’est un comité d’experts ? Je ne sais pas. Mais je pense qu’il faut qu’on ouvre une réflexion pour voir ce qu’on fait en général, mettre justement ce grand cadre. »

Un tel cadre, comme le gouvernement le fait dans d’autres domaines, est une meilleure option à ses yeux que « commencer à faire des politiques mur à mur sur chaque petit cas qui nous est soumis ».

« On l’a vu avec les drags aussi. Le débat se polarise sans raison, parce que c’est quand même assez inoffensif, ce qui se passe. Il faut voir les choses avec calme et essayer de prendre des décisions qui sont posées et qui conviennent, car il ne faut pas oublier que ce sont des cas isolés », a-t-elle expliqué, précisant que les personnes non binaires et trans, au Québec, « sont à peu près 16 500 ».

Éviter les « moqueries »

Pour justifier sa décision d’interdire aux écoles de convertir des blocs sanitaires actuellement réservés aux filles ou aux garçons en toilettes mixtes, le ministre de l’Éducation a pour sa part expliqué qu’il avait imaginé une scène où de jeunes adolescentes qui ont leurs premières menstruations seraient la cible de moqueries de la part de leurs confrères masculins.

« J’imagine la scène, les jeunes filles de 12, 13, 14 ans qui commencent à avoir leurs règles par exemple et qui sortent du cubicule et là, il y a des garçons à côté de 13, 14 ans qui les regardent. Imaginez la scène. Les moqueries, le sarcasme, l’humiliation. Vous parlez d’élèves qui pourraient être blessés, sinon meurtris par ce genre de situation », a dit M. Drainville.

« On ne veut pas aller là. Je pense qu’il faut tirer une ligne et la ligne, on la tire maintenant. Il n’est pas question qu’on aille dans cette direction-là », a-t-il tranché dans le contexte où l’école secondaire D’Iberville, en Abitibi-Témiscamingue, a récemment annoncé que des travaux sont en cours afin que les toilettes sur les trois étages soient mixtes dès la rentrée scolaire 2024-2025.

Pour aider les personnes trans ou non binaires, qu’il s’agisse des élèves ou des membres du personnel scolaire, les écoles pourront de façon « très raisonnable et très acceptable » désigner des toilettes individuelles et fermées pour l’utilisation de tous, a affirmé le ministre Drainville.

« Sur toutes les questions d’identité de genre, nous sommes en réflexion sur le meilleur moyen de répondre aux enjeux […]. On veut se donner un cadre. Maintenant, lequel ? Nous sommes en réflexion là-dessus », a-t-il ajouté.

Transition de genre chez les mineurs

Par ailleurs, le chef péquiste, Paul St-Pierre Plamondon, a commenté mardi la décision des militants conservateurs fédéraux qui ont adopté le week-end dernier une résolution concernant les enfants trans, afin d’interdire les interventions médicales ou chirurgicales « qui changent la vie des mineurs pour traiter la confusion ou la dysphorie de genre ».

« Si vous ouvrez le Code civil, il y a plusieurs choses pour lesquelles on protège les mineurs avant 18 ans. […] Donc, à plus forte raison s’il s’agit d’une opération irréversible ou de décisions extrêmement lourdes de conséquences, je pense qu’on doit réfléchir à la protection des mineurs », a-t-il affirmé, en appelant « à la prudence parce que des mineurs [doivent], comme dans d’autres domaines, faire l’objet d’un statut juridique différent des majeurs ».

En mêlée de presse, le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a répliqué que « les enfants trans [sont] des enfants qui ont besoin de soins médicaux [et] qui ont besoin d’être accompagnés ».

« Les enfants trans ont huit fois plus de chances de se suicider que les autres enfants. Ça, ce n’est pas l’idéologie de la gauche radicale, c’est un fait. Je pense que les politiciens devraient laisser ces enfants-là tranquilles », a conclu M. Nadeau-Dubois.

Qu’est-ce que l’identité de genre ?

Le Conseil québécois LGBT explique ce concept comme faisant « référence au genre auquel une personne s’identifie, quelle que soit sa mention de sexe à l’état civil ». L’organisme Jeunesse J’écoute explique également que l’identité de genre est « une sensation ou un sentiment interne que nous avons tous concernant le fait d’être homme, femme, ni un ni l’autre, les deux ou de se trouver n’importe où ailleurs dans le spectre de genre ». Ici comme ailleurs, la notion d’identité de genre suscite des débats sur la scène politique. Au Canada, le Nouveau-Brunswick a récemment imposé l’obligation aux élèves de moins de 16 ans d’avoir le consentement de leurs parents afin de changer leur prénom ou leur nom à l’école. L’Association canadienne des libertés civiles conteste cette politique devant les tribunaux.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.