Les rejetons perroquets

André Arthur a commencé sa carrière radiophonique à Québec en 1970.

Rush Limbaugh n’entreprendra la sienne aux États-Unis qu’en 1975.

Les deux ont innové par leur style, papier sablé gros grains. Ils sont devenus des vedettes, et les géniteurs d’une famille de rejetons perroquets, qui a tenté de les singer.

Si les frictions sociales historiques à Montréal étaient le fait des tensions entre les francophones et les anglophones, à Québec, il en était autrement.

La ville de Québec est le siège d’un gouvernement, donc une ville de pouvoir. Elle a donné naissance à une bourgeoisie, formée de notables, principalement issus des professions libérales.

Cette coterie provinciale, vivant à la Haute-Ville, s’est enrichie, ou a très bien vécu, parce qu’accrochée aux mamelles de l’État.

Comme les bourgeoisies de plus petites villes, elle était sobrement pédante, et protégeait son rang.

Les familles ouvrières, elles, vivaient en basse ville, ou dans les proches banlieues naissantes.

Si, à Montréal, il y avait l’Ouest et l’Est, la topographie de Québec, elle, séparait nettement deux milieux de vie inégaux : la haute et la basse ville.

Sylvain Lelièvre a résumé mélancoliquement cette distinction en chantant : Quand on est d’la basse ville, on est pas de la haute ville.

Éventuellement, beaucoup de gens de la Basse-Ville, ou leurs enfants, ont acquis ce bien fétiche de la classe moyenne, le bungalow, et ont formé les banlieues d’aujourd’hui.

Ces banlieues se sont aussi peuplées de natifs de l’est du Québec, pas très fortunés non plus. Ce qui est le cas de ma famille. Mon père était mécanicien, et à notre arrivée dans la Vieille Capitale, venant de Sept-Îles, nous avons habité un logement dit social.

Avec énormément d’insécurité financière, mes parents ont acquis plus tard un plain-pied de banlieue, au coût de 13 000 $. Nous sommes alors devenus membres de cette classe moyenne.

Pendant trop longtemps, comme la presque majorité des gars et des filles de ma génération, et comme nos parents, nous avons ressenti cet espèce de timidité, ou complexe, du mutant de banlieue, ou de la Basse-Ville, par rapport à la Haute-Ville.

Et c’est ce qu’avait parfaitement compris André Arthur, dont le talent n’avait d’égal que son ignominie. Un style magnétique exceptionnel. Il a été sans contredit visionnaire, mais malsain, et précurseur, chez nous, de ce style trash.

Il s’acharnait sur la péteuterie de Québec. La haute, la bourgeoisie, les politiciens, et donc le pouvoir. Il le faisait en notre nom, disait-il. Ce qui en a fait le roi de la classe moyenne et des plus pauvres, de la banlieue et la Basse-Ville. Une classe de subalternes, qui transpirait pour payer ses factures.

Une culture s’est alors installée, une mentalité est née, et perdure aujourd’hui dans les périphéries de Québec, parce qu’entretenue par la progéniture cacophonique.

Le succès d’Arthur est tout là.

Et c’était très payant ! Ce qu’il avait compris, ce qu’a saisi une génération suivante, une sorte d’animateurs radio.

André Arthur, extrêmement talentueux dans son créneau, a par ailleurs été méchant, et trop souvent cruel. Il a défait des réputations : des individus et des groupes sociaux. Il a paralysé Québec à un moment donné. Ceux qui avaient de l’initiative étaient intimidés.

Ses héritiers ont utilisé la même formule. Tant et si bien que Québec vit dans cet environnement cynique depuis 50 ans.

Et ne vous y trompez pas. Il n’y a aucun Robin des Bois chez ces individus. Aucune idéologie personnelle, même de droite réelle, malgré les apparences.

La seule motivation est le cash, et devenir de gros poissons dans un petit bocal.

J’ai souvent répété que si être à gauche, politiquement, était payant, ils le seraient tous.

Et Éric Duhaime fait partie de cette faune depuis des années. Avec la même inspiration, et visant la même finalité. Je suis convaincu qu’il est devenu plus à droite que la droite parce qu’il avait compris que cette singularité serait payante.

Il tente actuellement de se donner du lustre, comme chef du PCQ, et de créer l’amnésie sur son passé.

Ses disciples sont bien naïfs, malgré eux.

M. Duhaime ne croit même pas à son propre discours, j’en suis convaincu. En fait, il ne croit à aucun discours de toute façon, il n’a foi qu’en sa propre personne.

Mais ses sophismes lui sont utiles pour arriver à ses fins.

J’ai trop souvent l’impression qu’il instrumentalise cette cohorte, dite révoltée. Mais on ne peut rien contre la crédulité, sûre d’elle-même. Surtout au lendemain d’une pandémie.

J’ai souvent eu honte de ma ville à cause de cette radio toxique. Je me suis décarcassé, comme les maires qui m’ont précédé, pour la faire plus belle et la valoriser. Mais cette tare nous collait à la peau.

J’ai vu dans mes feuilles de thé que l’olibrius n’aurait pas ma faveur, quand je mettrai mon X sur le petit papier.

Et ce sera par solidarité, pour tous ceux qui ont voulu faire progresser Québec, pour ceux qui ont perdu leurs réputations, ou été victimes de harcèlement, directement des radios, ou indirectement par leurs va-t’en-guerre invisibles et poltrons.

Je ne souhaite pas me réveiller le 4 au matin avec le sentiment que la radio poubelle, d’une manière ou d’une autre, aurait gagné.

Mes propos ne changeront rien aux résultats, et je sais que le PCQ a des chances réelles dans la région.

Je m’en fous. Ça m’a fait du bien !

Entre nous

On confond souvent la ville de Québec et la région de Québec, où souvent deux mondes coexistent.

Et la beauté des deux est qu’à 30 minutes de route du centre-ville, vous pouvez aboutir chez un producteur de maïs ou de pommes de terre, ou à la première auberge champêtre.

J’ai toujours été convaincu que ce contexte ajoutait incroyablement à notre qualité de vie.

Nous nous différencions toutefois comme clientèle de la radio.

Dans le marché central de Québec, la radio de Radio-Canada est la plus écoutée.

Dans les périphéries, les autres le sont.

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