Projet de loi sur la langue officielle

La santé et les services sociaux doivent être exemptés

Selon un nouveau sondage Léger, 95 % des Québécois affirment qu’une communication adéquate est un facteur clé dans la prestation de services sociaux et de santé sûrs et efficaces. Malgré les affirmations contraires du gouvernement, le projet de loi 96 créera de sérieux obstacles à la prestation de soins sûrs et efficaces pour tous les Québécois.

Puisqu’il n’inclut pas d’exemption explicite du système de santé et de services sociaux, le projet de loi 96 soumet tous les secteurs de l’administration civile du Québec – des bureaux de permis de conduire aux bureaux de permis municipaux en passant par les centres d’hébergement et de soins de longue durée – à l’obligation identique d’utiliser exclusivement le français dans les communications écrites et orales avec leurs clients, sous réserve d’exceptions pour certaines catégories de personnes et de circonstances. Le choix du client et les besoins du service ne sont alors plus pertinents.

La raison d’être du système de santé et de services sociaux est la prestation de soins sûrs et efficaces aux personnes qui en ont besoin. Les deux dernières années de pandémie ont démontré à quel point le système est surchargé, sous-financé et en sous-effectif, avec des conséquences mortelles pour beaucoup trop de Québécois vulnérables. Ces services essentiels ne devraient jamais être utilisés pour atteindre d’autres objectifs qui sont politiques.

Il ne peut y avoir de comparaison entre les besoins d’un patient gravement malade ou handicapé et les préoccupations d’une personne qui cherche à renouveler son permis de conduire. Le projet de loi 96 transforme les communications sur la vie et la mort en une occasion supplémentaire de faire avancer l’objectif, par ailleurs raisonnable, de la protection de la langue française au Québec. Et il le fait de quatre façons principales.

Premièrement, le projet de loi 96 crée des obstacles pour la plupart des immigrants et de nombreux résidants de longue date dans tous les secteurs des services publics.

Comme il n’y a pas d’exemption explicite du système de santé et des services sociaux, les immigrants se verraient refuser l’accès à des services d’interprétation ou à des services dans leur langue maternelle seulement six mois après leur arrivée.

En outre, des centaines de milliers de personnes qui ne sont pas considérées comme des « anglophones historiques » se verraient également refuser l’accès.

Deuxièmement, le projet de loi 96 augmente les obstacles à l’embauche de personnel, dans tous les secteurs de l’administration civile, qui peut communiquer dans une langue autre que le français.

Les services sociaux et de santé n’étant pas explicitement exemptés de la loi 96, les candidats recrutés et retenus dans le système seront beaucoup moins susceptibles de communiquer dans une langue autre que le français. Dans le monde réel, moins de personnel bilingue signifie moins de services accessibles, et une probabilité beaucoup plus grande de mauvaise interprétation et de risque d’erreurs.

Troisièmement, le projet de loi 96 prévoit la dénonciation anonyme des employés dans tous les secteurs des services publics pour manque de conformité à la loi.

Puisqu’il n’y a pas d’exemption explicite pour les services sociaux et de santé, le projet de loi 96 et ses modifications au code professionnel laisseront les professionnels de la santé coincés entre leurs obligations en vertu du code d’éthique professionnelle et la charte linguistique.

De plus, le projet de loi ferait de la violation de la charte linguistique un acte dérogatoire au Code des professions équivalent à l’abus de confiance, la corruption ou l’abus sexuel d’un patient.

Puis, quatrièmement, le projet de loi 96 permet la saisie sans mandat de dossiers, y compris de dossiers médicaux confidentiels.

Sur la base d’une dénonciation anonyme, l’Office québécois de la langue française serait habilité à pénétrer dans tout local, à l’exception d’un logement, sans mandat, sans préavis ni motif raisonnable, et à saisir des documents et des dossiers, même électroniques, y compris les dossiers médicaux personnels. Avec la suspension des protections fondamentales, la confidentialité des dossiers de santé personnels serait menacée. Une réticence à l’égard de la divulgation peut entraîner les risques pour le client.

Les gens ont l’impression que notre société est divisée, mais les Québécois s’entendent presque unanimement pour dire qu’une communication efficace est essentielle à la prestation de services de santé et de services sociaux sûrs et efficaces. Le système de santé et les soignants devraient être autorisés à jouer leur rôle exigeant sans avoir à supporter le fardeau supplémentaire et dangereux d’équilibrer les besoins des clients et les priorités de la politique linguistique. Les clients devraient pouvoir accéder au système sans risquer de recevoir des soins de qualité inférieure à cause d’une mauvaise communication.

Le gouvernement devrait clairement et explicitement amender le projet de loi 96 pour exempter le système de santé et de services sociaux.

La santé et le bien-être des Québécois n’en demandent pas moins.

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