Québec

Leitao s’inspire du rapport Godbout

QUÉBEC — Le gouvernement Couillard entend hausser la TVQ d’un point et baisser les impôts en contrepartie, une opération qui serait mise en branle dès l’an prochain.

Le ministre des Finances, Carlos Leitao, a annoncé hier qu’il veut aller de l’avant rapidement avec les recommandations de la commission Godbout sur la fiscalité, dont le rapport fait l’objet d’une consultation en commission parlementaire.

Le rapport Godbout recommande de faire passer la TVQ de 9,975 à 11 % et, en contrepartie, de baisser les impôts d’un montant équivalent, soit environ un milliard de dollars. Il suggère d’aller plus loin encore : augmenter une série de taxes et de tarifs (électricité, essence, alcool, tabac, immatriculation) et compenser ces hausses par une baisse d’impôt. Au total, il y aurait réduction d’impôt de 4,4 milliards en contrepartie d’une augmentation de taxes et de tarifs.

« Mon intention est de mettre en application les réformes proposées par la commission Godbout. » 

— Carlos Leitao, ministre des Finances

La réforme fiscale pourrait être amorcée dès 2016. Elle s’échelonnerait sur quelques années. Car on ne peut pas faire un réaménagement de plusieurs milliards « d’un coup », a dit le ministre. Il présentera un calendrier de mise en œuvre au cours des prochains mois.

Possiblement aussi tôt que l’an prochain, le gouvernement veut baisser les impôts puis, « quelques mois plus tard », augmenter la TVQ. Le ministre a expliqué que cette stratégie vise à répondre au scepticisme de la population, qui croit que le gouvernement haussera les taxes sans jamais baisser les impôts. Le ministre souhaite que « les gens puissent voir directement, concrètement, sur le chèque de paie » la réduction d’impôt avant de procéder à l’augmentation de la TVQ.

Son objectif est de faire passer la taxe de vente à 11 % à terme, une hausse d’un point, comme le recommande la commission Godbout. La baisse d’impôt totaliserait donc un milliard de dollars. L’opération serait globalement à coût nul pour les contribuables.

Carlos Leitao exclut de l’équation l’abolition graduelle de la taxe santé que son gouvernement a déjà promis de faire grâce aux surplus budgétaires qui seraient dégagés à compter de 2016-2017. Il y aurait donc un allégement fiscal supplémentaire, financé par la hausse de la TVQ.

Même si, de son propre aveu, son idée est arrêtée, M. Leitao a soutenu que la consultation sur le rapport Godbout sera utile. Il espère « dégager un large consensus ».

DES REVENUS « PLUS ÉLEVÉS »

Cette réforme fiscale « rend notre système plus efficace, plus performant », a plaidé le ministre. « Une baisse d’impôt sur le revenu accompagnée d’une hausse des taxes à la consommation, c’est la chose la plus logique et efficace à faire. Le Québec a besoin d’une telle réforme, ça nous placerait à l’avant-garde en Amérique du Nord et nous donnerait un coup de pouce très fort pour la croissance économique. On a besoin d’un tel boost pour pouvoir moderniser notre économie. Il y aura un effort positif sur le PIB. » La réforme ferait gonfler le produit intérieur brut de deux milliards de dollars, estime la commission Godbout dans son rapport.

Pour Carlos Leitao, « la plupart des Québécois, pas tous, sortiraient gagnants » et auraient des revenus « plus élevés ». 

« La réforme est neutre pour l’État. On va chercher les mêmes revenus qu’avant. »

— Carlos Leitao, ministre des Finances

UNE OPÉRATION « RISQUÉE »

Le député péquiste et ex-ministre des Finances, Nicolas Marceau, trouve le gouvernement « très téméraire ». L’opération est « risquée » et nuira à la reprise économique en freinant la consommation. Il ajoute que la hausse de la TVQ aura un impact négatif sur les détaillants qui connaissent déjà des difficultés en raison de la concurrence exercée par le commerce électronique. Il craint que la réforme ne profite surtout aux mieux nantis et ne désavantage les plus pauvres.

Le député caquiste François Bonnardel doute quant à lui que le gouvernement réduise globalement le fardeau fiscal des contribuables. Il rappelle les nombreuses hausses de tarif décrétées par les libéraux.

Dans son budget du printemps dernier, Carlos Leitao avait suivi une recommandation du rapport Godbout avec la création d’un « bouclier fiscal », qui permet aux petits et moyens revenus d’éviter de perdre des crédits d’impôt dès que leur salaire augmente.

ILS ONT DIT 

« Avec toutes les conférences que nous avons faites, il y a quand même une constatation qui ressort : les gens semblent surestimer l’impact négatif d’une utilisation accrue d’un mode d’imposition et ne pas considérer les gains potentiels de la diminution de l’impôt sur le revenu. »

— Luc Godbout, fiscaliste et président de la Commission sur la révision de la fiscalité québécoise

« La Chambre appuie le rapport Godbout dans sa globalité. Ce rapport-là, dans son esprit, dans ses principes, va exactement dans la direction où on veut aller. C’est un rapport dont les mesures globalement favoriseraient le travail, l’investissement et l’épargne. »

— Michel Leblanc, président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain

« On est fortement préoccupés par les effets qu’aurait une hausse de la TVQ sur les entreprises, notamment [dans les secteurs] du commerce de détail et du tourisme. Le gouvernement ne peut emprunter cette voie-là sans avoir bien mesuré les effets d’une telle hausse et mis en place une série de mesures qui visent à soutenir les industries qui seraient touchées dans cette transition. »

— Martine Hébert, porte-parole de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante

« [Augmenter la TVQ et baisser les impôts] c’est une idée qui semble assez fondamentalement régressive. Parce qu’une hausse de la taxe à la consommation touche à peu près tout le monde de la même façon, alors qu’une baisse d’impôt sur le revenu touche positivement beaucoup plus les revenus bien plus élevés que la moyenne. »

— Jean-Martin Aussant, directeur général du Chantier de l’économie sociale

« On s’oppose fortement à une troisième hausse de la TVQ en cinq ans. À quoi servira cette commission parlementaire si le ministre des Finances a déjà décidé d’augmenter la TVQ ? »

— Léopold Turgeon, président du Conseil québécois du commerce de détail

« Baisser les impôts pour augmenter nos taxes et tarifs, non merci, ce n’est pas ça du tout qui va améliorer les conditions de vie de la classe moyenne et des plus pauvres. On nous dit depuis des mois qu’on n’a pas d’argent, et là, ce qu’on fait, c’est se priver de nouveaux revenus pour faire une réforme fiscale à coût nul qui n’apportera rien de nouveau pour augmenter les revenus de l’État. »

— Véronique Laflamme, porte-parole de la Coalition opposée à la tarification et à la privatisation des services publics, qui réunit des groupes communautaires, syndicaux et étudiants

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