Les cancers moins urgents pourraient être opérés moins vite

Québec met un terme au délai unique de 28 jours pour l’accès à une intervention en oncologie

Le ministère de la Santé et des Services sociaux revoit sa stratégie de traitement du cancer et envisage de prolonger les délais d’accès à une intervention chirurgicale pour les cas les moins urgents, notamment certains cancers de la prostate et de la thyroïde.

Plutôt que de viser un délai de 28 jours pour l’accès à une opération oncologique pour tous les patients cancéreux, cette cible sera dorénavant adaptée en fonction de chaque type de cancer, a affirmé lundi le DJean Latreille, directeur du Programme québécois de cancérologie.

« Il faut aller vers un diagnostic rapide. En dedans de 28 jours après les premiers symptômes. […] Mais dépendamment du cancer que vous avez, on doit être plus souple, plus agile, plus malléable. Ce n’est pas tous les cancers qui ont besoin d’être opérés en dedans de 28 jours », a expliqué le DLatreille dans le cadre d’un évènement tenu par la Coalition priorité cancer à Montréal.

Selon lui, il faut maintenant viser à « traiter la bonne personne, au bon moment, avec le bon traitement ».

« L’Ontario a un système comme ça depuis des années », dit-il. Avec la nouvelle stratégie, il pourrait arriver par exemple que certaines personnes atteintes de cancers moins urgents soient opérées dans un délai plus long que 28 jours pour donner la priorité à des patients qui attendent un remplacement de hanche depuis des mois, a expliqué le DLatreille. Une révision importante, alors que les listes d’attente en chirurgie ont beaucoup augmenté à cause du délestage lié à la pandémie.

Directrice générale de la Coalition priorité cancer au Québec, Eva Villalba comprend la décision du Ministère. « Le cancer, ce n’est pas une seule maladie. Ce n’est pas un ‟one size fits all” », dit-elle.

Mme Villalba aimerait toutefois que Québec aille plus loin dans sa stratégie, notamment en établissant des « paramètres de bonnes pratiques et de délais pour chaque type de cancer ».

Le DLatreille a aussi présenté certaines données à jour sur le cancer au Québec. Il a indiqué qu’entre avril 2020 et avril 2021, le nombre de cas de cancer dépistés a diminué de 15 % au Québec. « Ce n’est pas une bonne nouvelle », a commenté Mme Villalba.

Présent en vidéoconférence, le ministre de la Santé, Christian Dubé, n’a pas caché qu’il aurait souhaité une meilleure performance. Il a toutefois précisé que malgré l’important délestage qui a touché le réseau de la santé dans la dernière année, les opérations pour les cancers ont été plutôt épargnées. « Pour ce qui est du diagnostic, ça, pour moi, c’est une autre chose », a dit le ministre, qui veut accélérer la cadence de ce côté.

Pour des données complètes et à jour

Différents intervenants ont souligné lundi l’importance d’avoir accès à des données à jour sur les cancers, dont les taux de mortalité, afin de pouvoir adopter une stratégie de prévention et d’intervention adaptée aux réalités québécoises.

« Le cancer est la première cause de mortalité au Québec. […] Dotons-nous d’un registre des tumeurs complet et inclusif pour tous les types de cancer », a dit le DJean-Claude Bahary, radio-oncologue au Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

« En 2022, la population demande d’avoir des données. De savoir où on s’en va », a déclaré Mme Villalba. Le Québec traîne de la patte depuis des années dans le déploiement d’un registre des cancers complet et à jour. Du rattrapage a été effectué ces dernières années. Certaines données de 2017 sont actuellement disponibles dans un tableau de bord.

Consultez les statistiques du Registre québécois du cancer

Celles de 2018-2019 seront publiées d’ici la fin de l’année, selon le DLatreille. Et l’an prochain, les données de 2020-2021 pourraient aussi être disponibles. La porte-parole du MSSS, Marie-Claude Lacasse, ajoute qu’« il est prévu de faire évoluer le tableau de bord […] pour y ajouter de nouvelles informations sur l’incidence (taux normalisés, projections, recherche par stade) ainsi que des indicateurs sur la mortalité, la survie et la prévalence de la maladie ».

Le DLatreille a assuré que le Ministère voulait jouer de « transparence ». « On en a. Mais des fois, elle est cachée un peu dans les ordinateurs du Ministère », a-t-il lancé en boutade. M. Dubé a dit faire de l’accès aux données une priorité. « On peut bien avoir un plan, mais si on ne le mesure pas, si on ne s’assure pas de son exécution, c’est juste un plan théorique », a-t-il dit.

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