Le forum des affaires OPINION

La section Affaires de La Presse accorde un espace à une lettre d’opinion d’un acteur du monde des affaires. Entrepreneurs et gestionnaires, la parole est à vous. Soulevez des questions, faites part de vos expériences, proposez des solutions, exprimez vos opinions.

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Non aux marques de commerce francisées

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Lorsque vous voyagez pour rendre visite à des amis à Vancouver, changez-vous votre nom de Stéphane à Steven, ou vous présentez-vous à vos nouvelles connaissances anglophones sous le nom d’April, au lieu d’Avril ?

La réponse est probablement « non », et à juste titre. Votre nom vous identifie de manière unique, avec vos propres caractéristiques et qualités, et fait partie de qui vous êtes. Votre nom peut représenter votre héritage culturel ou familial ou faire allusion à un évènement historique, un endroit ou une personne. Votre nom a de la valeur et est indissociable de votre réputation et de la façon dont les autres vous perçoivent.

Il en va de même pour les marques. Une marque identifie une entreprise, ses caractéristiques, ses qualités uniques et fait partie intégrante de l’expérience client. La marque d’une entreprise incarne souvent son héritage. Une marque a également une valeur, souvent liée à sa réputation, à son pouvoir d’attirer des clients, à sa notoriété sur le marché et à sa capacité de se distinguer des autres marques.

Ainsi, s’il n’est pas acceptable pour quelqu’un en Ontario de vous demander de changer votre nom pour refléter l’équivalent anglais, pourquoi alors devrait-il être acceptable au Québec de l’exiger d’une marque ?

C’est pourtant ce que certains demandent, allant même parfois plus loin que ce que la Charte de la langue française exigerait, que ce soit dans sa version actuelle ou telle qu’elle est amendée par la loi 96, lorsque certains des changements entreront en vigueur en 2025. Certains experts ont demandé que toutes les marques présentement employées en anglais soient traduites en français, même si cela change fondamentalement le caractère de la marque, sous prétexte de respecter la langue française. Cela va à l’encontre de la loi existante sur les marques de commerce et crée des préoccupations commerciales potentielles pour le Québec et le Canada dans son ensemble, le tout au nom du respect de la langue française.

Une marque n’est pas simplement quelque chose qu’on peut franciser sur demande, tout comme le nom d’une personne ne peut pas et ne doit pas être anglicisé pour accommoder des anglophones. Cela est particulièrement important lorsque la marque est employée et connue partout dans le monde.

La création d’une nouvelle marque dans une autre langue ne consiste pas simplement à traduire des mots d’une langue à l’autre. Il faut s’assurer que la nouvelle marque n’entre pas en conflit avec d’autres marques existantes et noms commerciaux. De nouvelles campagnes de marketing doivent être élaborées pour informer les consommateurs du changement. Les consommateurs pourraient ne pas aimer ou reconnaître la version de la marque dans une autre langue. Sans oublier que les stratégies commerciales devront alors refléter le fait que plusieurs versions de la marque existent. Tout cela peut compromettre la capacité d’une entreprise à interagir efficacement avec les consommateurs et ses clients.

Bien sûr, certaines entreprises ont choisi de franciser leurs marques, ce qui est leur choix. Mais tout comme un immigrant arrivant au Canada ne devrait pas être forcé de « canadianiser » son nom à son arrivée, et tout comme vous ne voudriez pas être forcé d’angliciser votre nom lorsque vous voyagez à Toronto, Calgary ou Halifax, les entreprises ne devraient pas être forcées de le faire lorsqu’elles s’installent au Québec.

Les lois linguistiques actuelles et nouvelles du Québec présentent des défis complexes aux entreprises qui exercent leurs activités dans plusieurs provinces du Canada et à l’échelle internationale. Ces lois doivent être rédigées et appliquées de manière à ce que les entreprises puissent s’y retrouver et que les consommateurs québécois puissent tirer profit de la variété et du choix de produits qu’ils méritent. Toutefois, si les entreprises doivent s’assurer que les consommateurs québécois disposent des informations nécessaires en français pour prendre des décisions d’achat éclairées, cela ne doit pas et ne devrait pas aller jusqu’à une obligation générale de franciser tous les aspects de la marque, simplement parce que la marque peut être présentée en français.

Tout comme vous souhaitez raisonnablement que votre nom soit respecté dans son unicité, les entreprises souhaitent, à juste titre, que leurs précieux et distinctifs noms commerciaux et marques soient également respectés, quelle que soit leur langue d’origine.

Les entreprises doivent collaborer avec les consommateurs et le gouvernement du Québec pour trouver le bon équilibre entre le respect de la culture, l’individualité, l’identité et la croissance économique afin de créer un environnement favorable aux affaires et à la consommation qui soit prospère et accueillant pour tout le monde au Québec. De nouveaux règlements seront publiés dans les semaines ou les mois à venir afin de recueillir les commentaires du public. Nous invitons toute personne préoccupée par la volonté d’obliger les entreprises à franciser leur marque à examiner attentivement les exigences proposées et à faire part de leurs commentaires à l’Office québécois de la langue française (OQLF) et aux représentants du Ministère.

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