Les hôpitaux encore visés

Après avoir passé au crible le plus important hôpital de la bande de Gaza, les troupes israéliennes, toujours sur les traces des combattants du Hamas, se tournent vers les autres établissements de santé, tandis que la pression internationale monte pour protéger les hôpitaux de l’enclave palestinienne.

Israël continue de fouiller l’hôpital al-chifa

Israël a continué jeudi d’attaquer des hôpitaux de la bande de Gaza, dans un territoire aux prises avec des coupures de communications qui rendent impossible l’acheminement d’une aide humanitaire vendredi.

Le Croissant-Rouge palestinien a annoncé qu’une « violente attaque » était menée à Gaza même sur l’hôpital Ahli Arab, qui est maintenant assiégé.

En parallèle, après avoir été pris d’assaut mercredi, le plus gros hôpital de Gaza, l’hôpital al-Chifa, faisait l’objet de fouilles par les militaires israéliens qui ont entrepris de le ratisser, bâtiment par bâtiment, étage par étage, sous les yeux des patients, des civils et du personnel. Des tirs contre cet hôpital ont aussi été rapportés par des journalistes.

Par ailleurs, un hôpital indonésien, dans le nord de la bande de Gaza, a aussi cessé de fonctionner jeudi, a annoncé son directeur.

« Une tout autre histoire »

Jeudi, les États-Unis, par le truchement du département d’État, se sont dits « profondément préoccupés » et opposés à des frappes sur des hôpitaux depuis les airs. Ces dénonciations sont venues après l’attaque contre l’hôpital militaire jordanien de Gaza, survenue mercredi, qui a fait sept blessés.

En conférence de presse, le président américain, Joe Biden, a pour sa part fait une distinction entre les attaques et les fouilles menées au sol qui, à ses yeux, sont « une tout autre histoire » et qui ne relèvent pas d’un « bombardement aveugle ».

Joe Biden a ajouté que le Hamas comptait « bon nombre de terroristes […]. Le Hamas a dit publiquement qu’ils comptaient de nouveau attaquer Israël comme ils l’ont déjà fait, en coupant et brûlant la tête de bébés, en brûlant vifs des femmes et des enfants ».

Comme l’a rappelé la France par voie de communiqué, le droit international humanitaire oblige cependant les belligérants à protéger les hôpitaux et à user du principe de proportionnalité.

Le président a-t-il des preuves que le commandement du Hamas se terre sous les hôpitaux, comme le prétend le gouvernement Nétanyahou pour justifier ses frappes contre des hôpitaux ? a demandé un journaliste au président en conférence de presse.

« Non, je ne peux pas le dire », a-t-il répondu.

A-t-il la conviction, à partir de ce qu’il sait, qu’un tel commandement se trouve sous les hôpitaux ? À cette question, le président a répondu par l’affirmative.

Toujours jeudi, Antony Blinken, le chef de la diplomatie américaine, a quant à lui appelé Israël à prendre des mesures urgentes pour mettre fin aux violences des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie.

M. Blinken a beaucoup insisté auprès des Israéliens sur « la nécessité urgente de prendre des mesures concrètes pour désamorcer les tensions en Cisjordanie, notamment en s’attaquant aux niveaux croissants de violence de la part des colons extrémistes », a déclaré Matthew Miller, porte-parole du département d’État américain.

Le corps d’une otage retrouvé

Pressé de dire combien de temps encore la guerre se poursuivrait à son avis, Joe Biden, toujours lors de sa conférence de presse de jeudi, a rappelé qu’il ne pouvait pas prédire l’avenir, mais qu’il avait été clair avec « Bibi [Benyamin Nétanyaou] et son cabinet de guerre » qu’à son avis, « la seule réponse au bout du compte se trouve dans la création réelle de deux États ».

« J’ai dit clairement aux Israéliens que je pense que c’est une grosse erreur pour eux de penser qu’ils occuperont et garderont Gaza. Je ne pense pas que ça marcherait. »

Pendant une visite dans le territoire de Gaza, le lieutenant israélien Herzi Halevi a quant à lui déclaré jeudi que l’armée estimait être « près » d’éliminer « le système militaire » du Hamas dans la partie nord de l’enclave.

Par ailleurs, l’armée israélienne a affirmé avoir pris « le contrôle opérationnel » du port de la ville de Gaza.

Notons que le corps d’une femme de 65 ans, faite otage par le Hamas, a par ailleurs été retrouvé près de l’hôpital al-Chifa. L’armée n’a pas indiqué comment elle était morte ni quand.

Médecins du monde Canada interpelle Ottawa

Dans une lettre envoyée publiquement au premier ministre Justin Trudeau et à la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly, Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du monde Canada, indique que sans un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, « il est impossible de secourir, soigner et sauver ».

Depuis le 7 octobre, près de 70 % des 11 000 personnes tuées du côté palestinien sont des femmes et des enfants. Le territoire est devenu « un cimetière pour les enfants », a vivement déploré António Guterres, secrétaire général des Nations unies un mois après le début de la guerre.

Médecins du monde a perdu pour sa part le DMaysara Rayes, médecin urgentiste, « tué avec sa famille sous les décombres de leur immeuble lors d’un bombardement survenu le 5 novembre. Les bulldozers ne pouvaient se rendre sur place pour les secourir, faute de carburant. D’autres bombardements ont ensuite interrompu les efforts de sauvetage. Leurs corps ont été retrouvés après 48 heures ».

« Les pauses humanitaires ne servent à rien, car aucune pause quotidienne de quelques heures ne permettra, d’un point de vue logistique ou physique, d’apporter l’aide et les soins nécessaires pour alléger les souffrances des 2,2 millions de Gazaouis pris au piège dans l’enclave. »

Mme Pollaert plaide pour un cessez-le-feu, qui est selon elle « primordial pour rétablir la protection des civils et apporter l’aide humanitaire vitale ».

Chaque minute qui passe « coûte des vies », rappelle Mme Pollaert.

— Avec l’Agence France-Presse

Israël et le Hamas en guerre

La (pas si) surprenante réserve de Pierre Poilievre

Ottawa — Dans le National Post, l’ancien ministre John Baird accuse Justin Trudeau de céder à la pression des membres propalestiniens de son caucus. Sur X, l’ex-ambassadrice à Tel-Aviv sous Stephen Harper, Vivian Bercovici, qualifie le premier ministre d’« antisémite toxique ». Pierre Poilievre, pendant ce temps, concentre ses attaques sur les enjeux nationaux.

« L’ancien ministre canadien des Affaires étrangères, John Baird, dit que Justin Trudeau réagissait aux pressions des membres de son propre caucus pour adopter une position plus propalestinienne lorsqu’il a exhorté Israël à faire preuve d’une grande retenue », écrit le chroniqueur John Ivison dans le National Post.

Dans le même entretien, celui qui a été le chef de la diplomatie canadienne de 2011 à 2015 a relevé que Benyamin Nétanyahou n’avait pas été le seul à condamner le premier ministre du Canada pour ses propos. « Le chef de l’opposition en Israël, Yaïr Lapid, s’est joint à lui », a noté John Baird, qui a coprésidé la campagne à la direction de Pierre Poilievre.

La sortie du politicien israélien, qui a été premier ministre avant le retour de Benyamin Nétanyahou, a attiré l’attention de l’ancienne ambassadrice du Canada à Tel-Aviv, Vivian Bercovici. « Le premier ministre Justin Trudeau est et a toujours été antisémite », lui a-t-elle répondu sur X, mercredi.

L’ex-diplomate, qui a été limogée par le gouvernement libéral en 2016 – elle a ensuite poursuivi le gouvernement ; un règlement est intervenu entre les deux parties –, a utilisé l’expression « antisémite toxique » dans un autre message. À l’époque où elle était à Tel-Aviv, ses publications sur Twitter (aujourd’hui X) avaient fait sourciller⁠1.

Le chef conservateur Pierre Poilievre, lui aussi extrêmement actif sur les réseaux sociaux, a de son côté publié relativement peu de messages sur la guerre entre Israël et le Hamas depuis le 7 octobre dernier. Nous en avons recensé environ 25 sur plusieurs centaines2.

Sollicitée mercredi par La Presse pour une réaction au durcissement de ton du premier ministre Trudeau et à la colère de Nétanyahou, son équipe n’a pas répondu. Relancée le lendemain, une attachée a notamment fourni un lien vers une vidéo d’un point de presse de Pierre Poilievre remontant à lundi – donc antérieur à la nouvelle.

Ne pas dévier du message

On sait cependant très bien à quelle enseigne loge le Parti conservateur : Israël a le droit de se défendre contre ce que le chef a appelé la « secte terroriste du Hamas ». Cela dit, à la Chambre des communes, le nombre de questions que consacrent Pierre Poilievre et ses troupes à la guerre est marginal.

L’écrasante majorité des interpellations portent sur le coût de la vie et la « taxe carbone ».

Au Bloc québécois, en revanche, on réclame fréquemment des comptes aux libéraux. Et le chef Yves-François Blanchet a multiplié les prises de parole sur l’enjeu – au risque de se peinturer dans un coin et de devoir marcher sur la peinture, notamment sur la question du cessez-le-feu, qu’il a fini par exiger après avoir jugé la chose irréaliste.

Si Pierre Poilievre préfère s’en remettre à des membres de son caucus comme Michael Chong ou Melissa Lantsman lorsque vient le temps de se prononcer sur la guerre, c’est probablement en partie pour éviter de se mettre les pieds dans le plat, avance la politologue Geneviève Tellier.

« C’est un terrain glissant. Je pense qu’il a plus à perdre en parlant qu’en ne parlant pas. On connaît sa position. »

— Geneviève Tellier, professeure titulaire de l’École d’études politiques de l’Université d’Ottawa

Mais il n’y a pas que cela : ce n’est pas « dans son script », ajoute-t-elle.

« Je pense qu’il ne veut pas diluer son message. Il veut vraiment se concentrer sur un thème – le coût de la vie – et vraiment le marteler. Après tout, ça a fonctionné avec la tarification sur le carbone », remarque-t-elle en faisant référence au recul des libéraux sur le plan climatique.

La stratégie de l’équipe Poilievre se comprend, juge Marc-André Leclerc, ancien tacticien des conservateurs. « Moi, si j’étais à leur place, c’est sûr que je ferais attention. Si j’étais là, je dirais : “Gang, on ne va pas ajouter de l’huile sur le feu, il y a déjà assez de tension dans l’ensemble du pays” », plaide-t-il au téléphone.

Mais n’est-ce pas le rôle de l’opposition de s’opposer ou de proposer ? « Est-ce qu’on est toujours obligé de s’opposer sur tout ? C’est sûr que c’est un enjeu primordial, et c’est sûr que les conservateurs, un jour ou l’autre, n’auront pas le choix de prendre position », croit l’ancien chef de cabinet d’Andrew Scheer.

Le 24 octobre dernier, le conservateur Michael Chong a déclaré que le parti appuyait les « pauses humanitaires » qui ont été réclamées par plusieurs pays, y compris le Canada. La formation n’a pas précisé sa position sur le cessez-le-feu – aucun élu n’a toutefois fait de telle demande – ni sur l’appel de Justin Trudeau à une « plus grande retenue » dans la bande de Gaza.

2. La plupart des messages publiés portaient sur les meurtres de Canadiens par le Hamas. La recension inclut des propos indirects, par exemple ceux de députés sur le traitement journalistique du Hamas par la CBC, et soustrait les messages publiés deux fois, en français et en anglais.

Guerre entre Israël et le Hamas

Le nombre de Canadiens à évacuer de Gaza bondit

Ottawa — Ils sont environ 750 citoyens et résidents permanents canadiens, ainsi que les membres de leur famille admissibles, à vouloir quitter la bande de Gaza (386) ou à l’avoir déjà fait (367). C’est beaucoup plus que les chiffres précédemment communiqués par le gouvernement fédéral.

Leur nombre a augmenté de façon significative au cours des derniers jours, si l’on se fie aux informations en provenance d’Affaires mondiales Canada (AMC).

De 200 Canadiens, résidents permanents et membres de leur famille à Gaza avec qui le Ministère disait être en contact le 12 novembre, on est passé à 386 en date du 15 novembre.

Ceux-ci « demandent de l’assistance et diverses informations, y compris, mais sans s’y limiter, une aide pour les départs assistés », a-t-on indiqué à La Presse, jeudi matin.

Le nombre 386 a disparu du bilan quotidien transmis par le Ministère, quelques heures plus tard.

Il est toujours valide, a indiqué Emily Williams, directrice des communications de la ministre des Affaires étrangères, Mélanie Joly.

Deux facteurs ont contribué à cette hausse, a-t-elle expliqué.

« Premièrement, alors que la crise se poursuit et que la situation humanitaire se dégrade, plus de Canadiens ont décidé qu’ils souhaitaient partir », a soutenu Mme Williams.

« L’autre chose, c’est que les Canadiens voyaient que d’autres parvenaient à franchir la frontière, ce qui les a incités à vouloir faire de même », a-t-elle enchaîné.

Si le Ministère a fait passer cette information à la trappe, jeudi, il a toutefois précisé quels étaient les critères d’admissibilité pour une assistance canadienne.

Les membres de la famille admissibles non canadiens comprennent « les époux ou les conjoints de fait des citoyens canadiens ou des résidents permanents, ainsi que leurs enfants à charge âgés de moins de 22 ans ».

De plus, AMC dit faciliter « le regroupement immédiat des membres de la famille admissibles qui ne sont pas accompagnés d’un Canadien ou d’un résident permanent à Gaza ».

Environ la moitié des Canadiens évacués

Le gouvernement canadien avait auparavant chiffré à 450, puis à 550 le nombre de Canadiens, citoyens et résidents permanents et membres de leur famille à évacuer de l’enclave.

Jusqu’à présent, 367 d’entre eux – soit près de la moitié de ceux à qui Ottawa vient en aide – ont traversé en Égypte par le poste frontalier de Rafah, où l’accès fluctue de jour en jour.

Et la situation ne va pas en s’améliorant, a prévenu AMC.

« Les principaux services de télécommunications de la bande de Gaza ont cessé de fonctionner suite à l’épuisement ce matin [jeudi] des sources d’énergie alimentant le réseau », a écrit le Ministère.

Le Canada ne détermine pas quand ni combien de personnes peuvent traverser au quotidien et doit composer avec l’instabilité à la frontière.

Une fois arrivés en Égypte, les Canadiens et leurs proches disposent de 72 heures pour quitter le territoire, en vertu de l’entente conclue entre Ottawa et Le Caire.

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