un Scénario funeste redouté à montréal

Le déconfinement pourrait engendrer plus de 150 morts quotidiennes en juillet, selon l’INSPQ

Des données publiées sans préavis par l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) vendredi après-midi suscitent des craintes pour la grande région de Montréal advenant un déconfinement, alors que la métropole cherche toujours à accroître sa capacité de dépistage. Plus de 150 morts quotidiennes liées à la COVID-19 pourraient survenir en juillet, si l’on se fie aux prédictions sous forme de graphiques illustrés dans le document.

Même sans déconfinement, la situation épidémique de la COVID-19 dans le Grand Montréal demeure fragile. « Une petite croissance des contacts sociaux pourrait mener à une augmentation rapide des cas, des hospitalisations et des décès », peut-on lire. Le modèle suggère que le scénario pour les autres régions est optimiste.

Il y a une grande disparité entre le Grand Montréal et les régions québécoises par rapport à l’évolution de la COVID-19, plaide le rapport datant du 7 mai, chapeauté par un groupe de l’INSPQ et de l’Université Laval, dirigé par Marc Brisson. À Montréal, les hospitalisations et les morts sont à la hausse, alors qu’on note une baisse dans les autres régions.

Un assouplissement des mesures de distanciation s’avérerait néfaste pour la métropole. On dénombrerait plus de 10 000 cas par jour dès le mois de juin, selon les prédictions. 

Un déconfinement à l’heure actuelle pourrait mener à une augmentation très rapide des cas, des hospitalisations et des morts à Montréal. 

Ce scénario de déconfinement risquerait d’augmenter la croissance du virus en région, mais sa croissance demeurerait faible.

L’un des objectifs du nouveau rapport est de déterminer les répercussions potentielles de la séquence d’ouverture d’écoles et du retour au travail au Québec et de cerner les facteurs qui pourraient mener à une augmentation importante des cas et des morts.

À noter que les projections ne tiennent pas compte de l’état des lieux en CHSLD. À maintes reprises en point de presse, le premier ministre du Québec, François Legault, a souligné la particularité de la situation en centres de soins de longue durée, en insistant sur le fait qu’il y a « deux mondes ».

Le modèle des prédictions ne tient pas compte des mouvements entre les régions, précise-t-on. On indique aussi que la proportion de personnes infectées par la COVID-19, mais asymptomatiques est inconnue.

Si la majorité des cas et des morts se trouvent dans la grande région de Montréal, la situation semble s’être stabilisée ailleurs au Québec.

Objectif 3000 tests

À l’approche d’un possible déconfinement, augmenter la cadence du dépistage de la COVID-19 à 3000 tests par jour s’annonce un défi de taille dans les zones chaudes de Montréal, où les autorités sanitaires jonglent avec le manque de « dépisteurs » et la barrière des langues.

C’est ce qu’a reconnu vendredi la Dre Mylène Drouin, qui est à la tête de la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal, lors d’une conférence de presse virtuelle sur le nouveau plan de dépistage massif au Québec. Les deux unités mobiles de dépistage qui se déplacent dans les secteurs où le transport est plus difficile et où la langue peut être un obstacle pour informer la population accentueront leur travail amorcé depuis la semaine dernière.

« On vise à faire 3000 tests par jour, le plus rapidement possible. […] C’est tout le défi de recruter des équipes de dépisteurs », a-t-elle affirmé avant de préciser qu’une centaine de personnes supplémentaire était nécessaire pour mener à bien l’opération. Le dépistage sera concentré sur les personnes présentant des symptômes de la COVID-19 (toux, fièvre, difficultés respiratoires, par exemple).

Ces 3000 tests font partie du plan annoncé il y a maintenant une semaine, qui vise à réaliser 14 000 tests quotidiens au Québec, plutôt que les quelque 10 000 effectués à l’heure actuelle. Pour officialiser la stratégie, le directeur national de santé publique, le Dr Horacio Arruda, s’était déplacé à Montréal-Nord, qui est au cœur de la pandémie de COVID-19.

80 % 

Proportion des analyses disponibles qui seront faites dans les secteurs chauds, là où la contamination communautaire est soutenue. Les quartiers Montréal-Nord, Saint-Michel et Rivière-des-Prairies sont sur l’écran radar de la Santé publique.

Selon la Dre Drouin, le geste de son collègue envoie « un message très fort pour la population montréalaise » afin de lui permettre de traverser les prochaines semaines. « Parce qu’on est un peu différents du reste du Québec, et même du reste du Canada dans cette grande pandémie », a ajouté la Dre Drouin.

Au Québec, on rapportait vendredi 94 nouveaux décès relativement à la COVID-19, soit au total 2725. De ce nombre, 1727 victimes habitaient dans l’île de Montréal. Le nombre de cas s’élève à 36 150 au Québec et la moitié d’entre eux ont été confirmés à Montréal (18 435 cas). Dans le seul arrondissement de Montréal-Nord, on dénombrait vendredi 1615 cas et 102 victimes de la COVID-19.

GÉRER LES ÉCLOSIONS À VENIR 

Le DArruda a expliqué que « la nouvelle approche » devrait permettre de mieux mesurer la transmission communautaire et ainsi de mieux protéger la population. Ce dépistage massif est intimement lié au plan de déconfinement de la population prévu par le gouvernement du Québec. Mais le Dr Arruda a rappelé que « déconfinement ne signifie pas relâchement ». 

« Arrêter tout, c’est facile. Repartir, c’est un grand défi. »

— Le Dr Horacio Arruda, directeur national de santé publique, au sujet du déconfinement

Le déconfinement montréalais avait d’abord été annoncé pour le 11 mai, puis reporté une semaine plus tard. Finalement, le premier ministre, François Legault, a annoncé jeudi que les 82 municipalités qui composent la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM) devraient patienter jusqu’au 25 mai.

À cet égard, la Dre Drouin a dit se préparer à la « gestion des éclosions » qui risquent de survenir avec la réouverture des écoles, des garderies et des commerces non essentiels à compter du 25 mai. « Quelques centaines » de personnes de plus seront nécessaires pour permettre aux équipes des enquêtes épidémiologiques de suffire à la tâche. Il faut réagir en 24 heures, estime-t-elle.

Selon le Dr Arruda, la réussite de la stratégie de dépistage dépend de la collaboration de la population. Il ne s’est toutefois pas avancé sur le moment où la situation pourrait être maîtrisée à Montréal. « Ça va dépendre comment la population va se comporter » ainsi que de la capacité d’effectuer suffisamment de tests pour établir un bon diagnostic, a-t-il indiqué.

L’ÉTIQUETTE RESPIRATOIRE 

Aux côtés des Drs Arruda et Drouin, la ministre déléguée aux Transports et responsable de la Métropole, Chantal Rouleau, s’est chargée de rappeler les consignes relativement à la pandémie, notamment le port du masque ou du couvre-visage dans les transports collectifs. Cette recommandation apparaît importante en raison du déconfinement, qui devrait ramener des usagers dans les autobus et dans le métro.

En conférence de presse quelques heures plus tôt, la Société de transport de Montréal (STM) avait indiqué ne pas avoir l’intention de rendre le port du masque obligatoire pour la clientèle. La STM table plutôt sur « la pression sociale » qui fera en sorte que la clientèle portera le masque lors de ses déplacements. On se prépare à distribuer entre 500 000 et 600 000 masques réutilisables aux usagers, avec les autres sociétés de transport de la grande région de Montréal.

« Si on rendait [le masque] obligatoire, il faudrait des mesures de contrôle pour s’assurer que les gens respectent cette obligation. Mais les inspecteurs et les policiers ont d’autres choses à faire que de devenir une “police du masque”. »

— Philippe Schnobb, président de la STM

La STM installera aussi dans ses autobus, sous peu, des cloisons faites de plexiglas ou d’un autre matériau transparent, pour isoler les chauffeurs de la clientèle. L’entrée par l’avant des bus et la perception des titres de transport reprendra donc graduellement dans les prochaines semaines.

Pour qu’une distance de deux mètres puisse être maintenue entre les usagers des transports en commun, il faudrait un maximum de 15 personnes par autobus et de 153 personnes par rame de métro. Ainsi, des discussions sont en cours avec la Chambre de commerce du Montréal métropolitain et avec les grands employeurs pour leur demander de maintenir le télétravail et d’étaler les horaires de travail, afin d’éviter un trop grand achalandage dans le transport en commun.

— Avec la collaboration d’Isabelle Ducas, La Presse

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