Emploi

Les vacances comme moyen de rétention

Accorder davantage de jours de vacances à ses employés permet de réduire considérablement le nombre de départs volontaires, selon une étude menée par trois professeurs montréalais. L’impact de ces privilèges sur le roulement est similaire, voire plus important que celui d’une rémunération salariale plus imposante.

C’est ce que montre une étude dirigée par le professeur de l’Université de Montréal Stéphane Renaud, parue en mars dernier dans la revue scientifique International Journal of Manpower. Ce spécialiste des relations industrielles s’intéresse aux facteurs influençant le taux de roulement dans l’industrie des technologies de l’information et de la communication (TIC).

Aux fins de cette étude, les chercheurs ont sondé les responsables des ressources humaines de 125 entreprises québécoises des TIC. Les résultats obtenus sont clairs : ajouter 10 journées de vacances permet de faire baisser le taux de roulement global de 1 %. Cette réduction, d’apparence bien modeste, pourrait avoir un impact « énorme » sur les coûts de recrutement d’une entreprise, selon Stéphane Renaud.

Compétition féroce pour les employés

Il faut savoir que dans le secteur des technologies de l’information, la compétition est féroce pour trouver des employés. Les multinationales prospères et les jeunes pousses prometteuses rivalisent d’inventivité pour courtiser une main-d’œuvre extrêmement spécialisée et souvent ultradiplômée, ce qui représente un bassin très restreint de personnes.

Conséquence de cette compétition, les entreprises du secteur des TIC doivent composer avec un taux de roulement beaucoup plus important que les autres secteurs de l’économie. Selon une enquête réalisée en 2016 par TechnoCompétence, un organisme public, elles perdent en moyenne 12 % de leurs employés chaque année, dont 9 % en raison de départs volontaires. Le hic, c’est qu’il est extrêmement onéreux de remplacer chaque travailleur.

Selon Stéphane Renaud, remplacer un employé coûterait l’équivalent d’un an de salaire, soit plus de 68 000 $. Ce coût comprend les ressources déployées pour trouver des employés, mais aussi celles dépensées pour les former et les intégrer à l’entreprise.

D’après le professeur, cela peut prendre « des mois, voire des années », avant que les nouveaux venus atteignent la même productivité que leurs prédécesseurs.

De là l’intérêt d’étudier les facteurs qui peuvent influencer, même de manière très légère, le nombre de départs volontaires dans une entreprise. Stéphane Renaud s’est aperçu en sondant des travailleurs que la qualité d’emploi avait une grande influence sur leur décision de rester dans une entreprise ou non.

« Notre hypothèse de départ, c’était que la rémunération intangible est aussi importante que la rémunération tangible, mais on a découvert que ça l’était peut-être même plus », détaille le professeur.

Plus de vacances dans le secteur des TIC

L’étude de Stéphane Renaud et de ses collègues Denis Morin (UQAM) et Sylvie St-Onge (HEC Montréal) a montré qu’augmenter le nombre de jours de vacances permet de réduire significativement le taux de départs volontaires dans une entreprise, et ainsi de réduire les coûts de recrutement et de formation. Les entreprises des TIC l’ont déjà bien compris. « Pour notre échantillon, les entreprises offrent en moyenne 20 jours de vacances à leurs travailleurs, soit 4 semaines, ce qui est au-dessus des autres secteurs d’activité. »

GSoft Montréal, qui conçoit des logiciels pour les entreprises, est un bon exemple de cette tendance. Alors que dans la plupart des entreprises les employés disposent d’un nombre limité de vacances payées, il n’existe pas de limite fixe à GSoft, explique Geneviève Bourdeau, responsable de l’équipe de recrutement.

« Ça ne veut pas dire que tout le monde est en vacances et qu’on ne travaille jamais, ça veut dire qu’on fait confiance aux gens, qu’on croit qu’ils sont capables de dire quand ils ont besoin de congés pour se reposer. »

– Geneviève Bourdeau, responsable de l’équipe de recrutement de GSoft

Mme Bourdeau estime que les employés prennent en moyenne cinq semaines de vacances payées. À titre de comparaison, la loi n’oblige les employeurs qu’à accorder deux semaines de vacances aux employés ayant plus d’un an d’expérience et trois semaines à ceux en comptant plus de trois. Évidemment, ces employés doivent tout de même avertir leurs patrons de leur départ et s’assurer que celui-ci n’a pas d’impact sur la productivité de leur groupe de travail.

Malgré ces longs congés, conjugués à une foule d’autres avantages et d’éléments de flexibilité, Geneviève Bourdeau ne s’attend généralement pas à ce qu’un employé reste plus de cinq ans dans la boîte. « Cinq ans, ça peut paraître court, mais c’est long pour le secteur de l’information, souligne-t-elle. Nous, on ne peut pas souhaiter que les gens restent avec nous 8, 10 ou 15 ans. Ça arrive, mais ce n’est pas la norme. » D’après une étude de 2018 organisée par l’organisme TechnoCompétence, 83 % des départs volontaires auraient lieu avant cinq ans dans le secteur des TIC, et 20 % avant un an.

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