Trinquer au caviar pour le Nouvel An

Voici venu le temps de célébrer la nouvelle année ! Et si on ajoutait un peu de caviar aux bulles et aux huîtres qu’on réserve souvent pour cette célébration ? Cet aliment noble est actuellement fort populaire… et on le déguste à la « royale », sur le dos de la main !

Au printemps dernier, le New York Times publiait un article qui s’intéressait à la tendance des « caviar bumps », adoptée par des jeunes milléniaux et de la génération Z dans les bars et restaurants branchés. Cette façon coquine et un brin décadente de déguster le caviar sur le dos de la main – qui rappellera à certains le sel qu’on lèche avant d’avaler une rasade de tequila, ou encore une référence à une certaine drogue illicite – peut jurer avec l’idée qu’on se fait de cet aliment de luxe.

« Ça permet de démystifier, de démocratiser le caviar, d’offrir une expérience immersive, un peu comme on le fait avec les huîtres », remarque Jean-Michel Leblond.

À son élégant bar Kabinet, ouvert le printemps dernier avenue Laurier Ouest, le chef affirme avoir été le premier à Montréal à mettre du « caviar bump » à sa carte, au prix très abordable de 20 $ – qui inclut un shooter de vodka bien froide, ou un martini –, lors des soirées Caviar & Martinis du dimanche.

« Ce n’est pas encore dans notre culture québécoise de manger du caviar et je voulais offrir une option aux gens qui n’ont jamais dégusté de caviar de leur vie pour découvrir le goût en bouche et vivre l’expérience. Il y a un côté moins guindé en le dégustant sur le dos de sa main », remarque-t-il.

Les variétés proposées varient. On y a goûté du caviar d’esturgeon sauvage du Nouveau-Brunswick de la société Acadian Esturgeon Caviar, un produit unique au monde, ou encore l’exceptionnel caviar Antonius, qui vient de Pologne.

« Je compare souvent le caviar aux huîtres, qu’on va déguster en douzaine, avec trois différentes sortes. C’est excitant de comprendre les différentes saveurs et textures du caviar », remarque celui qui s’est d’abord fait connaître il y a plusieurs années avec son restaurant Tripes et Caviar… où il ne servait d’ailleurs pas de caviar !

« Déguster du caviar, c’est un évènement sensoriel, presque sensuel. On conseille à nos clients de fermer les yeux pour vivre pleinement ce moment privilégié. C’est à la fois déstabilisant et satisfaisant, très gourmand, la texture est agréable en bouche avec l’explosion des petits œufs. »

— Jean-Michel Leblond, chef et copropriétaire du Kabinet

Depuis qu’il a mis le « caviar bump » à son menu, les ventes de cet aliment noble sont « exponentielles ». « Les gens tombent en amour et ont ensuite le goût d’investir 150 $ pour vivre l’expérience avec une boîte de caviar de 30 g. »

La beauté du geste

François-Xavier Déhédin, importateur exclusif des produits Antonius au Canada avec son entreprise Oysters & Caviar, abonde dans le même sens : les ventes d’œufs d’esturgeon femelle non fécondés connaissent depuis quelques années une forte croissance, qui ne devrait pas s’essouffler de sitôt.

Mais si le « caviar bump » semble une façon excitante et plus actuelle de consommer ce produit d’exception, déguster les œufs de poisson sur le dos de la main n’a rien de nouveau, explique l’importateur qui a travaillé pendant une quinzaine d’années à la Poissonnerie La Mer avant de lancer son entreprise en 2020.

« On appelle ça du caviar “à la royale” ; quand on va dans une dégustation de caviar, c’est vraiment la manière de le manger. Au contact de la peau, il va se tempérer tranquillement, comme un fromage qu’on sort à l’avance du frigo », explique-t-il, tout en déposant une grosse quenelle de caviar sur le dos de notre main.

Nous avons rencontré l’importateur en compagnie du restaurateur Dominic Laflamme (Heirloom Pizza), au Kaviar, nouvel espace qui ouvrira à la mi-janvier dans Le Central. « On avait envie de proposer un endroit dans le Quartier des spectacles où on peut se saper et venir boire du champagne et déguster des canapés, avec ses doigts. Et la reine des canapés, c’est le caviar ! », résume-t-il.

Située en Pologne, Antonius est l’une des plus grandes fermes d’élevage d’esturgeons au monde. On y produit du caviar de grande qualité comme l’osciétra, à la couleur jade et au goût « délicat et féminin », qui se marie bien avec les fines bulles de champagne, ou le sibérien, aux œufs d’un noir scintillant, qui présente « plus de caractère, de punch et de tanin, avec un côté gras rappelant des notes de fromages gorgonzola », à goûter idéalement avec de la vodka, commente M. Déhédin.

Car comme tout produit animal, ce que les bêtes mangent influe directement le goût de l’aliment. Encore plus pour le caviar, un produit peu transformé, légèrement salé et non pasteurisé. Ainsi, le goût du caviar sauvage d’Acadian Esturgeon Caviar présente des notes plus herbacées et salines.

Gare à la contrefaçon

Comme tous les produits de luxe, le caviar n’échappe pas au phénomène de la contrefaçon. Au cours de sa carrière, M. Déhédin dit en avoir été témoin plus d’une fois. Ainsi, il ne vend plus de caviar béluga, souvent présenté comme le plus réputé et recherché au monde.

« L’esturgeon béluga est l’espèce originelle de la mer Caspienne, où l’Empire perse a commencé à développer le caviar et à le saler. On parle de 300, 400 ans après Jésus-Christ, quand même ! Aujourd’hui, l’Iran n’est plus un très gros producteur. Le caviar béluga est survendu et il y a beaucoup de contrefaçon. Je serais prêt à en vendre, mais seulement si je peux être à 100 % sûr de la provenance, car c’est celui qui va coûter 20 000 $ le kilo ! »

Tout comme une montre Rolex porte un numéro de série, toutes les boîtes de conserve scellées contenant du caviar devraient comporter un numéro assurant la traçabilité et l’authenticité du produit.

« Le caviar est à la mode et on risque d’en retrouver de plus en plus sur le marché. Il faut faire attention de ne pas se faire avoir. Le mot “caviar” se retrouve un peu partout. Un gros pot de caviar à 10 $, c’est louche ! », conclut M. Déhédin.

Kabinet organise une Soirée du Nouvel An le 31, un menu huit services où on promet bulles, caviar et autres mets délicats (90 $ par personne, accord à 65 $, sur réservation).

Élevage ou sauvage ?

Depuis 1998, le commerce international de l’esturgeon est réglementé par la Convention sur le commerce international des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction (CITES). Pour assurer la survie de l’espèce, seule la vente de caviar d’élevage est autorisée. Au Canada, la société Acadian Esturgeon Caviar est une des seules au monde à pouvoir commercialiser de l’esturgeon sauvage, certifié Ocean Wise. On pêche aussi l’esturgeon sauvage dans le lac Saint-Pierre, au Québec.

12 à 15 ans

Nombre d’années qu’il faut en moyenne à une femelle esturgeon pour atteindre sa maturité.

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Nombre d’espèces d’esturgeon à travers le monde. Les plus connues sont l’esturgeon béluga, osciètre et sibérien. Au Canada, on retrouve notamment l’esturgeon d’Atlantique, à museau court et jaune.

250 millions d’années

Apparition des ancêtres des esturgeons, l’une des plus anciennes espèces de poissons osseux encore vivantes

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