Proxénétisme

Une victime pourra retirer ses implants mammaires aux frais de la RAMQ

En apprenant qu’elle pouvait enfin faire enlever les implants mammaires démesurés que son proxénète, Josué Jean, l’avait poussée à se faire poser, Marie-Michelle Desmeules ne pouvait être plus heureuse.

« Je criais dans mon auto. Je capotais. J’étais complètement folle », s’exclame la femme au bout du fil. Après deux refus, la Régie de l’assurance maladie du Québec (RAMQ) a fait volte-face et a autorisé sa demande à la mi-août.

Pendant les quatre années passées aux côtés de Josué Jean, Marie-Michelle Desmeules a été forcée de se prostituer et était régulièrement battue. « Il me rabaissait tout le temps sur mon physique. Je me trouvais laide, dégueulasse, répugnante. Je l’ai cru longtemps. C’est fou tout ce qu’un proxénète peut te faire croire », se remémore Mme Desmeules.

En 2008, il l’oblige à se faire poser des implants mammaires. « J’ai 800 ml par sein. C’est énorme », dit la femme. Ces prothèses disproportionnées lui causent des problèmes importants au dos.

Dans les mois qui suivent, son pimp lui fait vivre l’enfer. En 2009, elle s’enfuit de son appartement. Elle porte plainte cinq ans plus tard. Jean est finalement reconnu coupable de 14 chefs d’accusation et condamné à une peine de prison de huit ans en 2019.

Aujourd’hui, Marie-Michelle Desmeules n’en peut plus du regard des autres sur sa poitrine. « Tout le monde voit ça. Je travaille avec des traumatisés crâniens et je me fais souvent dire que j’ai l’air d’une danseuse, d’une pute. Ça me blesse. J’ai hâte de ne plus avoir ce look-là », confie-t-elle.

« Retrouver son corps d’avant »

En 2019, Mme Desmeules entame les démarches auprès de la RAMQ pour obtenir un retrait des implants et un redrapage mammaire. Son but : « retrouver son corps d’avant ». Elle inclut dans sa demande des lettres de soutien de son médecin de famille, de son anesthésiologiste et de divers intervenants communautaires, dont la criminologue Karine Damphousse.

Malgré les avis médicaux, la RAMQ refuse sa demande. À l’été 2021, elle entame un processus de révision avec les mêmes lettres. Elle essuie à nouveau un refus.

Après un article de La Presse publié le 15 janvier dernier, où elle raconte son histoire, Mme Desmeules reçoit un appel de la RAMQ. « La femme au téléphone me dit qu’ils ont lu l’article dans La Presse et qu’ils sont vraiment désolés. Elle me suggère d’aller en révision de mon dossier », se remémore Mme Desmeules. En mars, elle envoie sa troisième demande.

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« Nous avons tenté de multiples molécules pharmacologiques et support psychologique, ainsi que de la physiothérapie. Tous les intervenants impliqués dans le dossier confirment que la composante de la surcharge amenée par les implants mammaires de Mme Desmeules est un facteur limitant l’amélioration de ses douleurs », indique son anesthésiologiste dans une lettre jointe à la demande.

« Il me semble inconcevable que nous ne puissions pas aider Mme Desmeules dans la recherche de solution pour diminuer sa douleur chronique connaissant le contexte difficile qu’elle a vécu », ajoute la spécialiste, qui accepte de faire son anesthésie pro bono.

« Le plus beau cadeau »

À la mi-août, elle reçoit finalement la réponse tant espérée : la RAMQ couvrira l’entièreté des frais liés au retrait des implants et au redrapage mammaire. « C’est le plus beau cadeau qu’on peut me faire », lance-t-elle.

« Je suis persuadée que si je n’avais pas dénoncé la RAMQ et montré mon visage dans La Presse, jamais je n’aurais été acceptée », se désole-t-elle. Elle s’inquiète pour les victimes qui pourraient se trouver dans une situation semblable à la sienne.

« Qu’est-ce qu’on fait des autres victimes ? C’est ça qui me fait de la peine. Ce ne sont pas toutes les victimes qui sont capables de parler. Dénoncer, ce n’est pas la solution pour tout le monde. »

– Marie-Michèle Desmeules

Mme Desmeules est impatiente de faire retirer ses implants. « Je ne veux plus porter ça. Ce sont les dernières empreintes de mon proxénète. »

Karine Damphousse, criminologue et chargée de cours à l’École de criminologie de l’Université de Montréal, s’est dite très heureuse d’apprendre la nouvelle. « Enfin des avancées pour les victimes d’exploitation sexuelle », a-t-elle déclaré.

En réponse à une demande de La Presse, la RAMQ a indiqué ne jamais commenter publiquement les cas personnels de citoyens pour des raisons de confidentialité.

– Avec la collaboration de Katia Gagnon, La Presse

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