Gare au yoyo au bout du tunnel

Il fallait déjà un œil de lynx pour voir la « lumière au bout du tunnel » dont parlait François Legault il y a deux semaines. Mais il faut maintenant une bonne dose d’imagination pour suivre le premier ministre, qui estime qu’on est carrément « sortis du tunnel ».

Si vite ? Vraiment ?

Pourtant, la baisse des hospitalisations reste fort timide. Pour tout dire, les quelque 3300 patients atteints de la COVID-19 créent une telle surcharge dans nos hôpitaux qu’on doit laisser tomber plus de la moitié des opérations habituelles. Même des interventions urgentes, pour des cancers par exemple, ont dû être reportées ces derniers jours.

Personne ne se plaindra des assouplissements annoncés mardi. Rassemblement de deux bulles familiales à la maison, ouverture des restaurants à 50 % de leur capacité, sports pour les jeunes, visites pour les aînés en CHSLD… Tous ces gains qui entreront en vigueur le 31 janvier apporteront une bouffée d’air très appréciée.

Mais on ne veut surtout pas regagner ces bribes de liberté sur le dos des malades qui souffrent d’un report de traitement. Ou des gens qui continuent de mourir de la COVID-19. Dans un monde idéal, on aurait préféré attendre que le délestage redescende du niveau 4 – le niveau maximal actuellement en place – au niveau 2.

Mais voilà, nous ne sommes pas dans un monde idéal.

Après 22 mois de pandémie, l’isolement pèse sur la santé mentale des Québécois et on croise les doigts pour que le plan présenté par le ministre Lionel Carmant porte ses fruits malgré la pénurie de main-d’œuvre (voir l’écran suivant).

Aussi, les sondages des derniers jours ont bien montré que l’adhésion sociale aux mesures sanitaires avait perdu des plumes, en particulier chez les jeunes. Selon CROP, la moitié des 18 à 34 ans admettent ne plus toujours suivre les règles sanitaires. Et ce groupe d’âge, qui a largement voté pour la CAQ, n’accorde même plus la note de passage au gouvernement Legault, alors que les élections approchent.

De plus, la désobéissance civile gagne du terrain dans la population, comme en témoigne le cas de la pâtissière Stéphanie Hariot, qui a décidé malgré l’interdiction d’ouvrir son commerce de Jonquière, un geste assumé avec aplomb à Tout le monde en parle.

Tel un équilibriste, le premier ministre avance donc sur un fil de fer. Doucement. À petits pas. Même si la cheffe du Parti libéral, Dominique Anglade, réclame un plan de déconfinement, avec des dates, des critères et des protocoles.

Avec son passé d’homme d’affaires derrière la cravate, François Legault est bien placé pour comprendre que les entreprises ont besoin de prévisibilité pour mener leur barque. En fait, tout le monde rêve de recommencer à faire des plans d’avenir.

Mais on n’a pas le choix de rester extrêmement prudent si on ne veut pas faire marche arrière une fois de plus. Tout le monde en a marre de jouer au yoyo.

Pour l’instant, on n’a pas encore vu l’impact de la réouverture des écoles. Et personne ne veut d’un scénario comme en France où l’on vient d’atteindre un nombre record de 500 000 nouvelles contaminations quotidiennes, juste après la rentrée scolaire.

La dernière chose dont les Québécois ont besoin, ce sont de nouveaux espoirs déçus. Souvenez-vous, en mai dernier, la CAQ avait présenté une carte routière qui devait nous guider vers un retour à la vie normale en suivant l’évolution de la campagne de vaccination. « Vacciner, ça rime avec été, mais aussi avec petits partys », claironnait François Legault.

Mais le passeport vaccinal a été déjoué par Omicron. Et la situation reste très précaire, très incertaine, même si l’INESS table sur une baisse des hospitalisations à 2500 d’ici quelques semaines. Il faut donc rester vigilants si on ne veut pas se retrouver avec un yoyo au bout du tunnel.

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