Interdiction des vols nocturnes à l’aéroport de Saint-Hubert

Chrono Aviation réclame 146 millions

L’interdiction des vols nocturnes commerciaux à l’aéroport de Saint-Hubert à compter d’avril 2024 prend une tournure juridique. Chrono Aviation réclame environ 150 millions à l’organisme sans but lucratif qui gère l’endroit, à qui elle reproche d’avoir signé son arrêt de mort.

Après avoir brandi cette menace, la compagnie aérienne québécoise est passée de la parole aux actes avec le dépôt d’une demande introductive d’instance visant Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil (DASH-L), propriétaire et exploitant des installations.

« C’est Chrono en entier qui est en péril si une telle limitation des heures de vol est imposée, car les avions seront cloués au sol, ce qui fera en sorte que plusieurs pilotes, agents de bord, employés […] devront être licenciés, car ils n’auront plus ou presque de travail », peut-on lire dans le document de 12 pages daté du 20 février dernier.

L’aéroport de Saint-Hubert se retrouve donc mêlé à un litige judiciaire au moment où ses ambitions de croissance prennent forme avec l’intention de Porter Airlines de construire un terminal dans le cadre d’un projet de 200 millions qui comprend également l’aménagement d’un hôtel, projet annoncé en grande pompe lundi.

Essentiellement, Chrono reproche à DASH-L d’enfreindre les modalités du bail de 30 ans – qui comporte une option de renouvellement de 10 ans – intervenu entre les deux parties en 2018.

La compagnie allègue avoir choisi Saint-Hubert pour s’y installer en ayant l’assurance qu’il n’y « aurait jamais de couvre-feu ou de limitation » encadrant les vols de nuit.

En changeant son fusil d’épaule, le propriétaire et gestionnaire de l’aéroport contrevient au contrat, ce qui met en péril un contrat d’environ 100 millions ainsi que des investissements de plusieurs dizaines de millions de dollars.

Ces allégations n’ont pas encore été prouvées devant un tribunal. Interrogé par La Presse en marge de la conférence de presse entourant l’annonce de Porter, lundi, le directeur général de l’aéroport de Saint-Hubert, Yanic Roy, a répondu ne pas être au courant des démarches de Chrono Aviation.

Un avion bruyant

Depuis 2019, le transporteur québécois exploite des liaisons nocturnes avec la terre de Baffin deux fois par semaine, pour y conduire les travailleurs d’une mine de fer. Il s’agit d’un contrat de cinq ans dont les revenus sont estimés à 100 millions. Le problème : elle utilise un Boeing 737-200. Âgé de 45 ans, cet appareil est très bruyant, mais est le seul à pouvoir se poser sur une piste en gravier. Cela suscite de nombreuses plaintes de résidants du secteur.

Le 2 février dernier, l’aéroport annonçait, en compagnie de la Ville de Longueuil, que les vols commerciaux seraient interdits entre 23 h et 6 h. Si elle avait su que DASH-L finirait par prendre une telle décision, Chrono Aviation n’aurait jamais investi 53 millions sur la Rive-Sud dans des installations pour entretenir ses Boeing 737-200, soutient-elle dans sa poursuite.

Elle ajoute que les changements compromettent sa capacité à renouveler l’entente lui permettant de transporter des travailleurs jusqu’à la terre de Baffin.

« La simple annonce de cette mesure [le couvre-feu] fait en sorte que les chances de Chrono de renouveler son contrat sont passées de quasi-certitude à presque nulle, et ce, en raison du fait que les vols de nuit sont un élément nécessaire essentiel dudit contrat », fait-on valoir dans le document.

C’est donc plus de 100 millions en revenus qui risquent de s’évaporer. Chrono allègue qu’elle devrait obtenir un dédommagement si ce contrat lui glisse entre les mains. De plus, elle réclame 46 millions parce que les changements proposés à Saint-Hubert rendront certaines installations « inutiles ».

La démarche judiciaire de l’entreprise met également en cause Transports Canada ainsi que NAV Canada – société à but non lucratif chargée du contrôle du trafic aérien. Chrono Aviation tente d’obtenir des injonctions pour les empêcher d’acquiescer à la demande de DASH-L en ce qui a trait à l’encadrement des heures de vol.

Faute d’une injonction provisoire, Chrono fait valoir qu’elle perdrait « toute possibilité de renouveler le contrat [de la terre de Baffin] et/ou de l’exécuter ».

Des millions de passagers à Saint-Hubert

Révélés par La Presse vendredi dernier, les détails entourant le terminal que souhaite construire Porter Airlines à l’aéroport de Saint-Hubert ont été confirmés lundi. Ce projet de 200 millions prévoit une aérogare capable, à terme, d’accueillir annuellement près de 4 millions de passagers. Vers la fin de 2024, Porter offrira des vols depuis la Rive-Sud vers Vancouver, Calgary et Halifax. Le transporteur ontarien demeurera également présent à Montréal-Trudeau. D’autres compagnies aériennes sont également appelées à utiliser le complexe. Porter a déjà conclu un partenariat avec le transporteur québécois Pascan Aviation, ce qui permettra aux deux entreprises de placer leurs réseaux en complémentarité dans le cadre d’un partage de codes. Par exemple, Porter pourrait transporter des voyageurs de l’Ouest canadien vers Saint-Hubert, où ils monteraient à bord d’un avion de Pascan pour se rendre dans une région comme les Îles-de-la-Madeleine. Le voyageur n’aurait qu’un seul billet et ses bagages seraient enregistrés jusqu’à l’arrivée.

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EN SAVOIR PLUS

2004
Année où les actifs de l’aéroport ont été transférés à Développement Aéroport Saint-Hubert de Longueuil

Source: SOURCE : transports canada

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