LA VIRÉE DES GALERIES

Quelles sont les expositions à voir ce week-end ? Chaque jeudi, nos critiques en arts visuels proposent une tournée de galeries et de centres d’artistes. À vos cimaises !

Viatour-Berthiaume

Façonner l’univers de Boucar Diouf

Après Michel Tremblay, Kim Thúy et Fred Pellerin, c’est au tour de l’univers foisonnant de Boucar Diouf de s’incarner dans les sculptures-jouets et les mises en scène de Marie-Annick Viatour et de Gaétan Berthiaume. La Presse a découvert les 15 œuvres de leur nouvelle exposition, Quand Boucar Diouf s’intègre au bois, qui sera présentée au Musée québécois de culture populaire à Trois-Rivières.

Nouvelle inspiration de Viatour-Berthiaume, Boucar Diouf a déclenché un vif intérêt chez le couple de sculpteurs de Longueuil en raison d’une convergence de vues. Pour créer ses œuvres d’art, le duo s’est imprégné des livres du célèbre Sénégalais arrivé au Québec en 1991, mais aussi de ses chroniques dans La Presse+, de ses spectacles et de l’imaginaire de cet homme qui est à la fois humoriste, conteur, animateur, scientifique et écrivain.

« Pour moi, c’est un projet de raccommodement, dit Boucar Diouf. Toutes les sculptures de Marie-Annick et Gaétan nous disent de tendre la main aux autres. Ils savent si bien résumer ta vie dans une sculpture que tu te dis : “Oui, c’est moi !” C’est un travail extraordinaire qui transmet beaucoup d’émotions. »

En parallèle à ce projet, Boucar Diouf a participé au tournage d’un court métrage réalisé, pendant plusieurs mois, par Louis-Roland Leduc et qui accompagnera l’exposition. Le film de 27 minutes retrace les différentes étapes de la création des sculptures. « Il permet de voir la fusion artistique et culturelle créée par la rencontre entre les deux sculpteurs et Boucar Diouf », explique Louis-Roland Leduc.

Cultiver ou se cultiver ?

Au Sénégal, Boucar Diouf gardait les zébus de son père, tout en étudiant. Il veillait à ce que les bêtes ne mangent pas les pousses du champ d’arachides voisin. Sur la sculpture d’une grosse arachide, il est assis, avec un livre, près d’un zébu. « Exactement dans la même position que quand j’étais jeune, alors que je n’en ai jamais parlé ! dit Boucar Diouf. C’est extraordinaire qu’ils soient parvenus à le traduire exactement. » 

Un bête jeu

Cette sculpture est venue à l’esprit de Viatour et Berthiaume après qu’ils eurent lu Le brunissement des baleines blanches, un conte de Boucar Diouf qui évoque les dangers de la pollution industrielle pour les bélugas du Saint-Laurent, de même que l’utilisation des mammifères marins pour des loisirs. La sculpture est un jeu où s’imbriquent une orque, un béluga, un dauphin et un phoque « avec un ballon sur son nez ». Des animaux empalés. « Quand l’humain aura tué le dernier animal, coupé le dernier arbre et pollué la dernière goutte d’eau, il comprendra enfin que l’argent n’est pas comestible », dit Boucar Diouf, rappelant une sagesse ancienne.

S.O.S.

Cette sculpture aborde la pollution des océans par le plastique. L’arche de Noé, avec toutes sortes d’animaux, est insérée dans la bouteille qui flotte sur l’eau. L’humanité est en danger, signale cette bouteille lancée à la mer comme un S.O.S. Et « le génie n’est pas dans la bouteille de plastique », déplore Boucar Diouf.

Le choc thermique

Deux lutins, un québécois en manteau d’hiver et un sénégalais en boubou, s’échangent un cadeau. Un Mister Frisé a donné un soleil à un Mister Freezing qui a tendu un flocon ! « Un petit moment touchant de raccommodement culturel », dit Boucar Diouf, qui ajoute : « La seule glace que je connaissais avant d’arriver au Québec, je l’avais vue dans un frigo ! »

N’en déplaise à La Fontaine

Une cigale qui joue de la guitare devant une fourmi qui fait rôtir des guimauves. La sculpture découle d’un texte de Boucar Diouf qui rejette le dicton selon lequel la fourmi est travailleuse et la cigale, paresseuse. « La cigale n’incarne pas la paresse, dit Boucar Diouf. C’est une insulte aux musiciens. De plus, la cigale ne chante pas, elle tambourine ! Elle ne mange pas de vermisseau, mais la sève des plantes ! Et des études ont montré que les fourmis sont souvent paresseuses ! Alors, n’en déplaise à La Fontaine, cette sculpture pourrait être un bon sujet de dissertation pour des étudiants ! »

Ramer pour s’intégrer 

Coiffé de sa peau de raton laveur et sous les yeux du diable, Boucar Diouf sauve le canot de la chasse-galerie, ramant à la place des bûcherons ivres. Le personnage de Boucar est le seul amovible, les autres étant fixes. Une métaphore de l’intégration de l’immigrant. Mais comme il ne sait pas bien ramer, il a accroché un sapin ! Le plus ironique, c’est que Viatour-Berthiaume ne savait pas que le mot Sénégal signifie « notre pirogue ». Le Sénégal, un pays où tout le monde doit ramer pour le bien commun, dit Boucar Diouf.

Péter au frette

Œuvre inspirée des sculptures africaines et d’un extrait d’un livre de Boucar Diouf où il relate qu’un professeur de Moncton avait raconté que des étudiants burkinabés arrivés au Nouveau-Brunswick dans les années 90 s’étaient acheté des mitaines de four après avoir entendu dire que les mitaines étaient plus efficaces que les gants pour affronter l’hiver !

Tisser des liens

Dans un vieux rouet, Viatour-Berthiaume a voulu traduire comment le thème de la laine est présent dans l’univers de Boucar Diouf. « Le Québec tissé serré est devenu métissé serré, dit-il. Le plus curieux est qu’on utilise l’expression “pure laine” alors que le Québec n’a jamais été un grand producteur de laine ! Les Québécois sont plutôt des “pure fourrure” ! »

Trouver son équilibre

Boucar Diouf, en équilibre précaire sur la glace, a oublié d’enlever ses protège-lames ! Il tire la queue d’un lion, référence à son grand-père qui lui avait dit qu’il ne fallait jamais attraper la queue d’un lion, sinon « accrochez-vous solidement » ! Ce que Boucar Diouf faisait avec des patineurs quand il a appris à patiner ! Dans cette sculpture, le personnage en bois est réellement en équilibre sur des boules de neige. Comme Boucar Diouf, oscillant entre l’Afrique et le Québec…

Au Musée québécois de culture populaire de Trois-Rivières du 10 mai au 12 novembre, puis à Longueuil en 2019

LA VIRÉE DES GALERIES

En bref

150 ans – 150 œuvres

La Galerie de l’UQAM et sa directrice Louise Déry nous convient à une passionnante expérience avec l’exposition 150 ans – 150 œuvres, l’art au Canada comme acte d’histoire, mise en ligne, hier et pour cinq ans. Une immense galerie d’art virtuelle qui offre un regard sur l’héritage pictural canadien. Avec une loupe qui permet d’apprécier les détails de chaque œuvre, des capsules, un jeu-questionnaire, un index des artistes et des fiches explicatives intéressantes, dans un commissariat de Josée Desforges. Une initiative très bienvenue !

Cynthia Dinan-Mitchell

L’artiste québécoise Cynthia Dinan-Mitchell expose ses dernières créations à la galerie d’Este, jusqu’au 27 mai. Lueur de minuit est une série d’œuvres faussement ornementales, mais qui recèlent un foisonnement de références à l’histoire de l’art et une réflexion sur la condition humaine. Avec des associations étranges comme celles de crânes d’oiseaux avec des torches ou de jerricans d’essence avec des singes ! Et un sens de la lumière assez phénoménal…

À la galerie d’Este (4396, boulevard Saint-Laurent, Montréal), jusqu’au 27 mai

Yayoi Kusama

Compte tenu du succès populaire de l’exposition Infinity Mirrors présentée par l’artiste japonaise Yayoi Kusama au Musée des beaux-arts de l’Ontario (AGO), à Toronto (plus de 150 000 billets vendus en prévente), l’institution ajoute des plages horaires de visite pour les deux derniers week-ends de l’événement. S’achevant le 27 mai, l’exposition sera ouverte jusqu’à minuit les 17, 18, 19, 24, 25 et 26 mai. Et 4000 nouveaux billets ont été mis en vente, mais à la billetterie du musée seulement.

la Galerie 3… à Montréal

À l’occasion de son 3e anniversaire, la Galerie 3, de Québec, « s’exporte » à Montréal pour un mois, afin de présenter une sélection d’œuvres de ses artistes dans l’espace 216 de l’édifice Belgo. Avec des créations de Thierry Arcand-Bossé, Daniel Barrow, BGL, Julien Boily, Martin Bureau, Cooke-Sasseville, Annie Descôteaux, Doyon-Rivest, Claudie Gagnon, Paryse Martin, Tim Moore, Jean-Pierre Morin, Andrea Mortson, Graeme Patterson, Amélie Proulx et Mathieu Valade.

Dans l’espace 216 de l’édifice Belgo (372, rue Sainte-Catherine Ouest) jusqu’au 20 mai. Du mardi au dimanche, de 11 h à 18 h.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.