Musée des beaux-arts de Montréal

L’art imprimé d’Albert Dumouchel

À la suggestion de l’historienne de l’art Peggy Davis, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) présente, dans son cabinet graphique, une exposition d’estampes du père de la gravure moderne au Québec, Albert Dumouchel (1916-1971). Des œuvres principalement de la collection du MBAM qui vient d’acquérir, par don, une dizaine d’œuvres du maître graveur de Salaberry-de-Valleyfield.

Aussi talentueux qu’éveillé, Albert Dumouchel a été le compagnon d’Alfred Pellan, Jacques de Tonnancour ou encore Léon Bellefleur, avec lesquels il a signé, en 1948, le manifeste Prisme d’yeux, quelques mois avant la diffusion de Refus global, dont il ne partageait pas la radicalité. Ce maître graveur attaché aux traditions tout en étant, sur le tard, ouvert aux changements a formé ou inspiré bien des artistes québécois de la fin de l’époque moderne et du début de l’ère contemporaine, dont Richard Lacroix, Roland Giguère, Henry Saxe, Yves Gaucher, Pierre Ayot et Gérard Tremblay.

« Il a formé les trois premières générations de graveurs modernes au Québec, notamment à l’École des beaux-arts de Montréal, qui est devenue l’Université du Québec à Montréal », dit Peggy Davis, professeure d’histoire de l’art à l’UQAM et commissaire, avec la conservatrice de l’art moderne au MBAM, Anne Grace, de l’exposition.

Autodidacte, dessinateur de tissus à la Montreal Cotton durant la Seconde Guerre mondiale, il a été formé durant cette période par le graveur anglais James Lowe. Il a touché aux techniques classiques et monochromes de l’estampe, s’est frotté au figuratisme, à l’expressionnisme et au surréalisme, et a fini par aborder la couleur, la sérigraphie, la gravure sur bois et la lithographie.

L’exposition donne une bonne idée de l’étendue de son vocabulaire graphique et de son goût pour l’expérimentation. Fouillée, soignée, elle couvre toute la période de sa production, des années 1940 jusqu’à 1970, illustrant l’évolution de son style, au gré de ses apprentissages, notamment lors de ses voyages en Europe. On retrouve ses références aux textiles, son attrait pour les effets de textures, ce travail prononcé sur les matrices qui lui permettait de créer des œuvres riches, aux reliefs et empreintes variés. Et ses estampes des dernières années de sa vie, plus érotiques, inspirées d’Adam et Ève et de la nouvelle libération sexuelle.

À 5 exceptions près, les 40 œuvres exposées appartiennent au MBAM. Il y a aussi de nombreuses estampes de Dumouchel dans des collections québécoises, dont celles de Loto-Québec, du Musée national des beaux-arts du Québec, du Musée d’art de Joliette ou de Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Le musée aurait pu élargir ce regard sur le travail graphique de Dumouchel avec une expo de plus grande envergure, compte tenu du fait que les occasions de faire briller les arts de l’imprimé sont rares au Québec, mis à part lors de la Biennale internationale d’estampe contemporaine de Trois-Rivières. Mais aussi parce que cet artiste n’a pas eu droit à une expo au MBAM depuis 61 ans. La dernière exposition sur son œuvre gravée remonte à 1974, au Musée d’art contemporain de Montréal.

Anne Grace dit que l’option d’une grande exposition n’a pas été retenue. Le Musée des beaux-arts de Montréal veut désormais privilégier « une connexion entre le public et [sa] collection ». « Pourquoi regarder ailleurs alors qu’on a un fonds si important d’œuvres de Dumouchel ? », dit Mme Grace. « C’est déjà très bien comme ça, ajoute Peggy Davis. C’est une exposition concise, mais extrêmement riche. Ça n’empêchera pas d’autres projets à l’avenir. »

Du 8 février au 8 avril prochains, deux autres volets de l’exposition seront présentés. Un sur les matrices de Dumouchel au Centre de design de l’UQAM, un autre sur le livre, les archives et les artefacts, au Centre des livres rares et collections spéciales de l’UQAM. « Il y aura aussi un colloque sur l’estampe, du 16 au 18 février, à l’UQAM et à l’Atelier circulaire, qui réunira des artistes et des historiens, ce qui sera un bon remue-méninges autour de la question de l’estampe aujourd’hui », dit Peggy Davis.

Des ajouts intéressants à cette exposition admirable, représentative et instructive grâce à des cartels généreux en informations. Espérons toutefois qu’un musée québécois consacrera un jour une grande rétrospective à la mesure de ce génie de la gravure qui s’est aussi exprimé par la peinture, la photographie et l’édition.

Révélations : les estampes d’Albert Dumouchel dans la collection de l’UQAM, jusqu’au 26 mars, au MBAM.

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