Port de Montréal

La température monte entre débardeurs et employeur

La tension monte dans le conflit de travail qui oppose les débardeurs du port de Montréal et l’Association des employeurs maritimes. Chaque partie accuse l’autre d’être responsable du conflit actuel, tandis que le Port de Montréal les appelle à en arriver rapidement à une entente durable afin de minimiser les impacts sur l’économie de l’est du Canada.

La joute entre les deux parties a débuté tôt samedi matin, alors que l’Association des employeurs maritimes (AEM) a déclaré qu’à partir de mardi, elle cesserait de payer les heures non travaillées des débardeurs, une clause habituellement garantie dans la convention collective.

Elle justifie cette mesure par une baisse de volume de 11 % en mars 2021, par rapport au même mois l’an dernier. Selon l’employeur, cette baisse est « causée par l’incertitude et l’anxiété générées par la situation liée aux relations de travail », peut-on lire dans une déclaration de l’AEM.

« [Celui] qui a tiré la première salve, c’est l’employeur et les compagnies maritimes, a dit Michel Murray, porte-parole du Syndicat des débardeurs, affilié au SCFP, en conférence de presse lundi.

« Nous n’avions d’autre choix que de riposter par des pressions économiques sur les compagnies maritimes afin qu’on soit d’égal à égal à la table de négociation. »

— Michel Murray, porte-parole du Syndicat des débardeurs

La « grève partielle » qui a été annoncée quelques heures après l’annonce des employeurs samedi consistera en un refus de travailler les fins de semaine et un refus de faire des heures supplémentaires. Elle commence mercredi matin.

Selon M. Murray, la baisse de volume observée dans le port de Montréal ne serait pas due à l’incertitude liée au conflit de travail, mais plutôt à différentes conjonctures, dont une congestion des ports du nord de l’Europe, le blocage du canal de Suez et l’augmentation des tarifs d’une entreprise vers Montréal et non vers d’autres ports.

Cette dernière information avancée par le syndicat semble erronée, puisque selon les informations publiées sur le site de l’entreprise en question, CMA-CGM, une importante société maritime française, ses tarifs ont aussi été augmentés vers d’autres ports autour de la même date.

Appel à un règlement rapide et durable

« Le Port est considérablement affecté par un climat d’incertitude incompatible avec une industrie maritime qui doit choisir de détourner ses navires pour offrir un minimum de fiabilité », écrit Martin Imbleau, PDG de l’Administration portuaire de Montréal (APM), organisme fédéral chargé de la gestion des terrains du port, dans une lettre ouverte publiée dans La Presse mardi matin.

Il estime que la baisse de volume constatée au port de Montréal est pratiquement entièrement causée par le climat d’incertitude lié au conflit de travail. « Les décisions ont été prises d’avance par les compagnies maritimes » qui ont décidé de faire transiter leurs conteneurs par d’autres ports, a-t-il dit en entrevue lundi.

M. Imbleau ne veut pas se positionner en faveur d’une des deux parties et il rappelle que les débardeurs ne sont pas ses employés.

« Ce n’est pas la profitabilité qui nous importe. Le mandat qui nous est donné par le gouvernement, c’est d’être un service public. »

— Martin Imbleau, PDG de l’Administration portuaire de Montréal

Michel Murray, représentant du SCFP pour les débardeurs, a déclaré en conférence de presse lundi qu’il pourrait y avoir des délais « de quelques jours » dans le traitement des conteneurs parce que les débardeurs ne travailleront plus les fins de semaine. Mais selon lui, « 95 % des entreprises ne seraient pas impactées » par la grève partielle.

Vu la baisse de volume de conteneurs, le syndicat espère que les heures perdues les fins de semaine pourront toutes être reprises la semaine.

Les débardeurs ont affirmé qu’ils traiteraient des conteneurs contenant du matériel qui servirait à combattre la pandémie. Ils continueront aussi à assurer ce qui est considéré comme un service essentiel durant les fins de semaine, soit le chargement et le déchargement de céréales et le cargo lié à l’approvisionnement de Terre-Neuve-et-Labrador.

Michel Murray a assuré que les débardeurs effectueraient leur travail normalement lors des quarts de travail en semaine et qu’il n’y aurait pas de piquet de grève ni d’autres moyens de pression pour le moment.

Les rencontres se poursuivent

Malgré cette foire d’empoigne, les deux parties devraient rencontrer les médiateurs mis à disposition par le gouvernement fédéral au courant de la semaine. L’AEM a fait l’annonce qu’elle participerait à une telle rencontre mardi.

La position de la ministre fédérale du Travail, Filomena Tassi, est toujours « qu’un accord négocié demeure la meilleure option pour toutes les parties », peut-on lire dans un courriel envoyé lundi.

Par contre, Mme Tassi ouvre pour la première fois la porte à l’utilisation d’autres mesures, affirmant examiner « activement toutes les options à mesure que la situation évolue ».

« Je ne suis pas une ballerine »

Michel Murray a été appelé lundi à revenir sur un échange Twitter acrimonieux au cours duquel il a dit à la mairesse de Montréal Valérie Plante de « fermer [sa] gueule ». Il a reconnu que le choix de mots n’était pas le bon, mais s’est justifié en disant : « Je suis un débardeur, je ne suis pas une ballerine. » Son tweet a été effacé depuis. Dans le tweet initial, Valérie Plante en appelait aux deux ordres de gouvernement « à aider à trouver une solution », ce que M. Murray a considéré comme une ingérence et un appel à limiter le droit de son syndicat de négocier et d’avoir recours à des moyens de pression.

— Antoine Trussart, La Presse

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