L’indépendance du Québec revit sur Twitter
Alors que le Québec entame une période électorale où la question de la souveraineté est peu présente, voilà que son avenir constitutionnel fait un retour en force grâce à des comptes Twitter saoudiens.
Depuis quelques jours, les tensions sont vives entre Riyad et Ottawa. Vendredi dernier, le Canada a critiqué l’emprisonnement de militantes saoudiennes pour les droits des femmes – notamment Samar Badawi, la sœur du blogueur Raif Badawi, dont la famille vit à Sherbrooke – et a demandé leur libération.
Contrariée, l’Arabie saoudite a rappelé son ambassadeur d’Ottawa et a déclaré persona non grata l’ambassadeur du Canada à Riyad. Depuis, des « trolls » saoudiens ont critiqué en anglais le « génocide culturel commis contre les autochtones » au Canada, tout en soutenant le « droit du Québec à devenir une nation indépendante ».
Or, n’en déplaise aux « trolls » saoudiens, le Québec critique depuis plusieurs années l’Arabie saoudite et sa gestion des droits de la personne. Déjà en 2015, l’ambassadeur d’Arabie saoudite à Ottawa avait envoyé une lettre au président de l’Assemblée nationale, Jacques Chagnon, demandant aux parlementaires québécois de cesser de critiquer l’emprisonnement du blogueur Raif Badawi.
Hier, confrontés à des tweets leur étant sympathiques, les souverainistes québécois ont rapidement répliqué aux comptes Twitter saoudiens.
« Mémo aux dictateurs saoudiens : le PQ a été le premier à dénoncer l’arrestation de Raif Badawi. Nous avons réclamé en même temps qu’Ottawa la libération de Samar Badawi et nous nous sommes prononcés contre la vente de matériel militaire à votre régime. »
— Jean-François Lisée, chef du Parti québécois, sur Twitter, hier
« Si ces trolls appuient vraiment le peuple québécois, ils devraient soutenir le retour de Raif Badawi au Québec. Il est déplorable que Justin Trudeau n’ait pas eu le courage d’interrompre ses relations avec l’Arabie saoudite avant de recevoir des leçons de diplomatie de cette dernière », a également écrit le député sortant de Québec solidaire Amir Khadir.
« Que les choses soient bien claires pour tout le monde [...]. Le Canada défendra toujours les droits humains au Canada et dans le reste du monde », a déclaré Chrystia Freeland, ministre canadienne des Affaires étrangères, réagissant pour la première fois à l’expulsion annoncée de son ambassadeur à Riyad, Dennis Horak.
La ministre avait auparavant précisé par voie de communiqué que l’ambassade du Canada dans la capitale saoudienne poursuivait ses activités régulières.
Kyle Matthews, directeur exécutif de l’Institut montréalais d’études sur les génocides et les droits humains de l’Université Concordia, affirme que « les Québécois ne sont pas idiots et ne veulent pas être utilisés par l’Arabie saoudite dans son projet contre les droits de la personne ».
« On a vu [les tweets saoudiens] répétés des milliers de fois par différents comptes. Ce sont des robots qui diffusent ces messages. L’Arabie saoudite utilise ces robots comme la Russie l’a fait par le passé pour intervenir dans l’élection américaine. On publie ces tweets pour changer la discussion et pour que les gens ne regardent plus les réels problèmes de droits de la personne », analyse-t-il.
Au cours des prochains jours, il faudra voir si Riyad intensifiera les messages qui sont envoyés sur les réseaux sociaux à l’endroit du Canada, estime le chercheur.
Entre-temps, certains internautes ont également noté hier quelques faiblesses dans les connaissances québécoises des comptes Twitter saoudiens, alors que certains ont confondu des symboles. L’un de ces comptes a notamment écrit qu’il soutenait l’indépendance du Québec en publiant le symbole de la Ville de Québec plutôt que le fleurdelysé.
Des images de Télé-Québec ont également été utilisées par certains gazouilleurs saoudiens. Un utilisateur Twitter a notamment modifié une séquence vidéo de l’émission Les francs-tireurs où l’on voit le chroniqueur Patrick Lagacé affublé d’un drapeau de l’Arabie saoudite devant Justin Trudeau, alors que celui-ci déboule un escalier.
« L’Arabie saoudite aurait facilement pu appuyer le référendum de 1995 en finançant des campagnes médiatiques et des attaques contre le gouvernement canadien pour assurer une victoire des souverainistes québécois, mais nous ne nous mêlons pas des affaires internes des autres nations, contrairement au Canada », a écrit ce même utilisateur.