Guerre en Ukraine

Le canada punit à nouveaU la russie

Ottawa — Les sanctions continuent de s’abattre sur la Russie, de plus en plus isolée. Le Canada impose un tarif de 35 % sur toutes les importations en provenance de la Russie et de la Biélorussie. Parallèlement, le gouvernement s’engage à fournir de nouvelles armes létales à l’Ukraine pour combattre l’armée russe.

L’ensemble des sanctions sans précédent imposées par les pays du G7 et de l’Union européenne depuis une semaine n’ont toujours pas fait reculer le président Vladimir Poutine. La vice-première ministre du Canada, Chrystia Freeland, soutient tout de même qu’elles fonctionnent avec la chute du rouble, la montée des taux d’intérêt, la fermeture de la Bourse russe depuis quatre jours et la dette du pays désormais considérée comme spéculative par les agences de notation.

« Il faut se souvenir que les mesures les plus sévères sont seulement appliquées depuis lundi », a-t-elle rappelé en conférence de presse, jeudi.

Le Canada serre de nouveau la vis en imposant un tarif de 35 % sur les importations de la Russie et de la Biélorussie. Le seul autre pays frappé par de tels tarifs est la Corée du Nord, a signalé Mme Freeland.

« L’impact sur les Canadiens sera très, très, très minime. »

— Chrystia Freeland, vice-première ministre du Canada

Après l’invasion russe de la Crimée dans le sud de l’Ukraine en 2014, le gouvernement avait découragé les entreprises de faire des affaires en Russie.

« C’était une politique intentionnelle parce que nous avions pensé que ce serait un risque économique pour le Canada et pour les compagnies canadiennes d’avoir des liens étroits avec la Russie », a ajouté celle qui avait été nommée ministre du Commerce international moins d’un an après l’annexion de ce territoire.

Mouvement général

Ces tarifs de 35 % seront appliqués durant 180 jours aux produits russes et biélorusses, après quoi leur renouvellement devra être approuvé par la Chambre des communes et le Sénat.

« Il y a une espèce de mouvement général dans lequel le Canada s’inscrit », a expliqué Frédéric Mérand, directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM). « Évidemment, le Canada par rapport aux Européens n’est pas le plus affecté ou n’est pas susceptible d’affecter la relation avec la Russie. On a peu de commerce avec la Russie. »

Le gouvernement pénalise également 10 dirigeants de la société pétrolière russe Rosneft et la société d’État Gazprom. Ils s’ajoutent aux nombreux autres oligarques et entités qui font l’objet de sanctions de la part du Canada – plus de 1000 depuis 2014, selon la ministre Chrystia Freeland.

« Les sanctions, actuellement, elles visent à isoler la Russie du reste du monde. Ce qu’on ne sait pas encore, c’est la mesure dans laquelle on va être capable d’isoler Poutine du reste de la population russe et notamment des élites. »

— Frédéric Mérand, directeur scientifique du CÉRIUM

« Dans un régime qui est tellement centré sur la personnalité du président et sur son pouvoir, le seul moyen d’arrêter cette guerre est que Poutine soit isolé, perde son autorité, a poursuivi M. Mérand. Donc, que les Russes se détournent de lui et que l’oligarchie qui le soutient finisse par lui dire : “Là, on est en train de perdre plusieurs milliards d’euros par jour.” Ça, c’est le pari. »

Nouvelle aide militaire

Les Forces armées canadiennes enverront 4500 lance-roquettes M72 et 7500 grenades à main aux combattants ukrainiens le plus rapidement possible. Le gouvernement fournira également 1 million de dollars à l’Ukraine pour l’achat d’imagerie satellite à très haute résolution.

« Cette capacité permettra aux militaires ukrainiens de mieux surveiller les mouvements des forces russes à l’intérieur et autour de leur territoire », a expliqué la ministre de la Défense nationale, Anita Anand, en conférence de presse.

Guerre en Ukraine

Ottawa accélère l’accueil des Ukrainiens

Ottawa — Le gouvernement fédéral ne lèvera pas l’exigence de visa pour les Ukrainiens qui fuient leur pays. Il mise plutôt sur d’autres mesures pour accélérer leur arrivée au Canada : une nouvelle autorisation de voyage d’urgence et une voie spéciale de parrainage pour la réunification familiale.

La guerre en Ukraine a débuté il y a huit jours lorsque la Russie a envahi sa voisine et procédé à des frappes aériennes. Un million d’Ukrainiens se sont enfuis dans les pays limitrophes, selon le haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés, Filipo Grandi.

Ils pourront obtenir une autorisation pour faire un voyage d’urgence au Canada et y rester jusqu’à deux ans. Celle-ci devrait être offerte dans deux semaines. Le gouvernement n’imposera aucune limite sur le nombre d’Ukrainiens qui pourront faire une telle demande. Les Ukrainiens seront toutefois soumis à une enquête de sécurité et à une analyse biométrique avant leur arrivée au pays.

« Un nombre important de ces gens ne veulent pas s’installer de façon permanente au Canada. Ils veulent retourner chez eux lorsque ce sera sécuritaire. »

— Sean Fraser, ministre de l’Immigration, en entrevue

Le gouvernement fédéral accélérera également le processus de réunification familiale pour ceux qui veulent rejoindre leurs proches et obtenir la résidence permanente. Le ministre a promis davantage de détails au cours des prochaines semaines.

Les Ukrainiens qui se réfugieront au Canada pourront demander un permis de travail ouvert, ce qui facilitera leur embauche.

Levée des visas réclamée

Bien que la nouvelle autorisation de voyage d’urgence vise à éliminer plusieurs exigences normalement requises par le ministre de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté, elle ne lève pas l’exigence de visa comme le réclamaient l’Association québécoise des avocats et avocates en droit de l’immigration et les trois partis de l’opposition à la Chambre des communes.

« C’est un peu long, Dieu sait où les Ukrainiens vont être dans deux semaines. »

— Alexandre Boulerice, député néo-démocrate

« Après ça, on ne sait pas combien de temps ça va prendre pour traiter les demandes », a fait valoir la députée bloquiste Christine Normandin lors de la période des questions. « Ce n’est pas comme si Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada nous avait habitués à la rapidité. »

« Le gouvernement peut-il faire preuve d’empathie et de souplesse [...] et permettre aux Ukrainiens de venir sans visa au Canada, là, maintenant ? », a demandé la députée conservatrice Dominique Vien.

Le ministre Sean Fraser soutient qu’il était plus simple pour le gouvernement de créer l’autorisation de voyage d’urgence que de carrément lever l’exigence de visa. « Ça aurait nécessité des changements dans notre système informatique qui auraient également affecté l’Agence des services frontaliers et le ministère des Transports », a-t-il indiqué

En conférence de presse, M. Fraser a soutenu que la levée du visa aurait aussi « ouvert la porte » à des gens que le Canada ne veut pas accueillir, comme les séparatistes russes qui ont combattu l’armée ukrainienne dans la région du Donbass et ceux qui soutiennent actuellement l’armée russe.

Et les Russes ?

Le Canada serait-il prêt à accepter des immigrants russes qui fuient la situation économique de plus en plus difficile dans leur pays ? « Je suis certain que des gens sont en train de réfléchir à ça, a dit le premier ministre Justin Trudeau. Je suis plus préoccupé par les Ukrainiens qui sont victimes de cette agression russe, pour l’instant. »

Même si certains Russes sont en désaccord avec la guerre voulue par leur président, Vladimir Poutine, ils obtiendront peu de sympathie de la part de la communauté internationale, selon Fen Hampson, professeur émérite de relations internationales de l’Université Carleton, à Ottawa, et président du Conseil mondial pour les réfugiés et la migration.

« Un Russe qui essaie de sortir de son pays parce qu’il n’aime pas ce qui est en train d’arriver n’est pas dans la même position que quelqu’un dont la maison vient d’être détruite par une bombe, souligne-t-il. Il y a des risques immédiats en Ukraine de se faire tirer dessus et d’être tué par une force étrangère qui cible des civils. »

Seule exception : les gens qui militent pour les droits de la personne et les journalistes dont la vie est menacée par le régime de Vladimir Poutine.

Accueil des réfugiés

Québec crée un « programme humanitaire spécial »

Québec — Québec s’arrime à Ottawa pour créer un « programme humanitaire spécial » destiné à favoriser l’accueil de ressortissants ukrainiens.

Ce programme vise entre autres à accélérer les démarches des membres de la communauté ukrainienne dans le cadre du programme de regroupement familial, qui permet de parrainer l’accueil d’un proche. Le programme spécial permettra d’accueillir des membres de la famille élargie, a confirmé Québec jeudi, ce qui est conforme à une annonce d’Ottawa faite dans la matinée.

Québec promet également de traiter plus rapidement les demandes d’immigration temporaire. Cela vaut pour les travailleurs comme pour les étudiants.

Alors qu’Ottawa a annoncé la mise sur pied d’un permis de travail ouvert pour les ressortissants ukrainiens, Québec ajoute de son côté que ceux-ci pourront bénéficier de certains services d’aide pour l’accès aux soins de santé, la recherche de logement, l’obtention d’un permis de conduire, l’inscription des enfants à l’école ou à la garderie. Le ministre du Travail et de l’Immigration, Jean Boulet, précise que 95 organismes partout au Québec pourront offrir un accompagnement à des ressortissants ukrainiens.

Québec s’engage également à accélérer le traitement des demandes de renouvellement des permis de travail ou d’études des Ukrainiens qui se trouvent déjà au Québec.

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