Mon clin d’œil

Plus importante que la question de l’urne, la question du portique : « Vais-je aller voter ? »

Élections Québec

Et les sondages ?

Cet article se propose de répondre aux questions les plus fréquentes sur les sondages en campagne électorale après avoir fait un bref rappel de la dernière campagne québécoise.

Que s’est-il passé en 2018 ?

On se rappellera que la campagne électorale de 2018 s’est soldée par une mauvaise prédiction des sondages pour les deux partis en tête, une situation qui ne s’était pas vue au Québec depuis les élections de 1998. Les sondages avaient estimé que le Parti libéral du Québec (PLQ) et la Coalition avenir Québec (CAQ) étaient au coude-à-coude avec entre 30 % et 35 % des intentions de vote et que le Parti québécois (PQ) et Québec solidaire (QS) étaient au coude-à-coude, entre 15 % et 20 %. Or, la CAQ a terminé 13 points en avance sur le PLQ. Que s’est-il passé ?

La tentation était facile de conclure que les sondages étaient « brisés », d’autant que plusieurs mauvaises prédictions avaient eu lieu également dans d’autres pays.

La situation était d’autant plus étonnante que tous les sondages, utilisant des méthodologies et des sources d’échantillon différentes, avaient mal prédit les résultats, et ceci uniquement pour les deux partis en tête. Difficile, donc, d’attribuer l’erreur de prédiction à la méthodologie. Mon collègue André Blais et moi-même avons montré⁠1 que la mauvaise prédiction pouvait s’expliquer par un mouvement de dernière minute vers la CAQ de la part des électeurs des autres partis.

Aurions-nous pu prévoir ce dénouement ? C’est une question que se posent les chercheurs depuis longtemps lorsque certaines conditions sont réunies : la présence de plusieurs partis d’égale force et des mouvements dans les intentions de vote pendant la campagne, entre autres. Toutefois, les mauvaises prédictions se sont toujours révélées des surprises.

Qu’en est-il cette fois ?

En ce début de campagne, il n’y a qu’un seul parti en tête dans les intentions de vote, les autres partis se retrouvant avec des intentions de vote similaires. Toutefois, des mouvements qui verraient certains partis se détacher du lot en fin de campagne se sont déjà produits au cours de campagnes récentes, tant fédérales que provinciales. C’est une possibilité qu’il ne faut pas négliger et ce sont les sondages qui pourront nous indiquer si cette situation se présente.

Comment savoir à quel sondeur se fier ? La réponse scientifique à cette question est d’abord qu’il faut regarder tous les sondages.

Les sondeurs n’utilisent pas tous la même méthodologie. Lorsque ces méthodologies convergent pour donner des intentions de vote similaires, on peut avoir bon espoir que l’on a l’heure juste. Par ailleurs, plus un sondeur donne des informations précises et transparentes sur sa méthodologie et les caractéristiques de son échantillon, plus on peut s’y fier. Certains sondeurs ont-ils un parti pris ? Personnellement, je ne le crois pas, et cela, pour une raison simple. Les sondeurs jouent leur crédibilité dans les sondages électoraux. Ils n’ont aucun intérêt à manipuler les résultats. De plus, rien n’indique qu’une telle manipulation puisse aider un parti.

Comment lire les sondages ?

Il sera important de regarder quels groupes sociaux sont attirés par quels partis. Une intention de vote de 15 % disséminée sur l’ensemble du Québec n’aura pas le même impact qu’une intention de vote concentrée dans certaines régions ou certains groupes d’âge. Toutefois, il faut souligner que les intentions de vote publiées pour les sous-groupes sont soumises à des marges d’erreur – des intervalles de crédibilité pour les sondages web – énormes. Et donc, les chiffres publiés seront habituellement très variables d’un sondage à l’autre pour ces sous-groupes. Il faut aussi souligner que la participation est très variable selon les groupes. Les personnes âgées et les francophones votent plus que les jeunes et les non-francophones.

Quelles sont les conséquences ? Les agrégateurs – comme Qc125, par exemple – tentent de prédire le nombre de sièges qui sera remporté par chaque parti. Pour ce faire, ils se basent sur les sondages, en plus des estimations par région et d’autres paramètres « historiques » comme le vote dans chaque circonscription aux élections précédentes, la composition sociodémographique des circonscriptions, etc. Comme les intentions de vote pour les sous-groupes sont plus incertaines, leurs prédictions le sont également.

De plus, avec des courses à cinq partis dans certains cas, l’incertitude est très importante.

Si les intentions de vote pour la CAQ demeurent ce qu’elles sont en ce moment, la prédiction sera plus fiable pour ce parti. Toutefois, pour les autres partis, particulièrement ceux qui ont un électorat surtout francophone, l’incertitude est très grande.

Traquer les changements de dernière minute

Il est souhaitable que plusieurs sondeurs utilisant des méthodologies différentes soient présents dans cette campagne, ce qui permettrait d’avoir une meilleure confiance dans les estimations si elles convergent. Il serait également souhaitable que les sondages soient effectués le plus tard possible dans la campagne pour pouvoir traquer les changements de dernière minute et ainsi éviter les surprises.

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