« C’est urgent »

Des experts demandent que la deuxième dose de vaccin soit administrée sans tarder dans les milieux où les aînés vivent en communauté, alors que le nombre de cas actifs a augmenté depuis le début d’avril. L'inquiétude se fait sentir depuis que les délais de livraison des vaccins de Moderna au Canada « retardent le processus » de vaccination dans certains CHSLD et RPA du Québec.

Milieux d'hébergement pour aînés

« Il faut donner la deuxième dose »

Le nombre de cas actifs de COVID-19 en CHSLD a quadruplé depuis le début d’avril, passant de 30 à 125 au Québec. Préoccupés par cette hausse, des experts plaident pour que les CHSLD, les ressources intermédiaires et les résidences pour aînés reçoivent sans délai leur deuxième dose de vaccin.

« Il faut donner la deuxième dose dans les milieux où les aînés vivent en communauté. Ça presse », affirme le DRéjean Hébert, porte-parole du Collectif Action COVID-19.

Le gériatre Quoc Dinh Nguyen croit lui aussi que les deuxièmes doses doivent être données sans tarder dans ces milieux. Car plusieurs études ont démontré que la première dose est moins efficace chez les personnes de 80 ans et plus, explique-t-il.

Ces jours-ci en Beauce, des CHSLD et des résidences pour aînés sont aux prises avec des éclosions de COVID-19. Les ressources intermédiaires ne sont également pas à l’abri du virus, même si les résidants y ont reçu une première dose du vaccin. Dans ces établissements, le nombre de cas actifs est passé de 4 à 50 depuis le début du mois au Québec, note le DNguyen.

En mêlée de presse lundi, le directeur national de santé publique du Québec, le DHoracio Arruda, a confirmé que des cas sont enregistrés dans les milieux de soins pour aînés actuellement. « Mais ce n’est absolument pas comparable à ce qu’on a vécu. Des gens font la maladie, mais ils n’ont pas besoin d’être hospitalisés », a-t-il dit, tout en ajoutant que ces milieux restent « à risque ».

« Peut-être que les gens seront moins malades. Peut-être qu’ils mourront moins. Mais ça reste des gens très vulnérables. On reste inquiets. »

— La Dre Sophie Zhang, cofondatrice de la Communauté de pratique des médecins en CHSLD

Le DHébert ajoute que des études ont montré que la protection contre la forme grave de la COVID-19 chez les personnes plus âgées et fragiles ayant reçu une dose de vaccin n’est pas aussi élevée que pour la population générale et pourrait même être de moins de 50 %.

Des retards de livraison qui inquiètent

Au départ, les fabricants de vaccins demandaient que le délai entre la première et la deuxième dose soit de 21 jours (Pfizer) ou de 28 jours (Moderna). Québec avait d’abord étiré cet intervalle à trois mois, puis a ajouté un mois de plus au début de mars, après une recommandation en ce sens du Comité consultatif national sur l’immunisation.

Les premières doses de vaccins en CHSLD ont été données en janvier dans la province. Dans les résidences pour aînés, ces doses ont été distribuées majoritairement en février. Au ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS), on affirme que l’administration des deuxièmes doses « est déjà débutée en CHSLD » et que le délai de 16 semaines entre les deux doses sera respecté. Mais pour les experts, ce délai devrait être raccourci dans tous les milieux d’hébergement pour aînés.

« Il y a une bonne écoute pour les CHSLD. Mais on le souhaite aussi pour les gens en RPA. »

— Le DRéjean Hébert, porte-parole du Collectif Action COVID-19

Depuis le début du mois d’avril, des délais dans la livraison des vaccins de Moderna sont enregistrés au Canada. Ce vaccin a été administré en première dose dans certains CHSLD et RPA du Québec, et les délais de livraison actuels « retardent un peu le processus », constate le DHébert.

La Dre Zhang, qui travaille à Montréal, explique que l’administration des deuxièmes doses qui devait avoir lieu cette semaine dans son CHSLD a été repoussée. « J’espère que ce ne sera pas trop long », dit la Dre Zhang, qui prône une approche de « prévention ».

Selon le Dr Hébert, il n’y a pas de raison d’attendre avant de distribuer les deuxièmes doses dans tous les milieux où vivent les aînés, ce qui demanderait environ 160 000 doses. « Ça retarderait la campagne de vaccination générale d’environ trois jours », dit-il.

Pour la Dre Zhang, si les délais continuent de s’accumuler avec le vaccin de Moderna, la Santé publique devrait aussi déterminer s’il ne serait pas souhaitable d’administrer une deuxième dose de vaccin Pfizer dans les CHSLD qui avaient reçu une première dose de Moderna, question de ne pas perdre de temps. « C’est urgent. On voit des cas apparaître », dit-elle.

Au ministère de la Santé, on affirme que des travaux sur l’interchangeabilité des vaccins sont en cours et que les résultats seront divulgués « lorsque disponibles ».

— Avec la collaboration de Louise Leduc, La Presse

Vaccin d’AstraZeneca

Vers une baisse de l’âge minimal

La forte possibilité que le vaccin AstraZeneca soit maintenant offert à des citoyens plus jeunes pourrait permettre au Québec d’accélérer davantage encore la vaccination, qui a beaucoup augmenté sa cadence depuis une semaine. Au total, 27,2 % des Québécois ont maintenant reçu au moins une dose.

Tout juste après s’être fait vacciner en pharmacie lundi matin, le DHoracio Arruda a indiqué qu’il y aurait manifestement une baisse de l’âge minimal à partir duquel les Québécois pourront recevoir le vaccin d’AstraZeneca. « Est-ce que ce sera 50 ans, 45 ans, 40 ans ? Je vais attendre de voir ce que dira le Comité d’immunisation », a-t-il indiqué.

Le Comité consultatif national de l’immunisation, dont les experts se sont réunis lundi, doit émettre ses recommandations en lien avec le sérum d’AstraZeneca ce mardi.

L’Ontario, l’Alberta et le Manitoba proposent maintenant ce vaccin dès l’âge de 40 ans. Au Québec, la barre demeure à ce jour à 55 ans.

Jusqu’ici, 700 000 vaccins d’AstraZeneca ont été distribués au pays. Les réticences à distribuer plus largement ce vaccin sont liées à son risque de thrombose.

Au Canada, deux cas ont été rapportés. L’Agence européenne des médicaments a fait état, au 4 avril, de 222 cas de thrombose, pour 34 millions de personnes vaccinées dans l’Union européenne et au Royaume-Uni. Lors des essais cliniques de phase 3, 12 incidents de la circulation sanguine ont été recensés par AstraZeneca.

Selon le DArruda, « les trois vaccins sont bons ».

Le Québec a considérablement augmenté la cadence de sa campagne de vaccination depuis une semaine. Au cours des sept derniers jours, 455 000 doses ont été administrées, soit en moyenne 65 000 par jour. À ce jour, 27,2 % de la population québécoise a ainsi reçu au moins une première dose. Environ 32 000 personnes ont reçu deux doses, soit 0,4 % des Québécois.

La province attend la livraison de 230 000 doses de vaccins cette semaine. Elle pourra maintenir sa cadence de vaccination, puisqu’elle dispose de 430 000 doses en réserve ou en transit dans son réseau.

La question des frontières entre les frontières

Sur la question des frontières, le DHoracio Arruda a indiqué qu’une réflexion est en cours à propos de la Colombie-Britannique, où se trouve la plus grosse concentration du variant brésilien à l’extérieur du Brésil. Il n’a pas exclu qu’il puisse être recommandé d’interdire tout voyage dans cette province. « On a des discussions avec Israël et avec d’autres pays qui exercent eux-mêmes un contrôle aux frontières pour éviter des variants, le variant indien, par exemple. »

Avant qu’une décision soit prise à ce sujet, il a rappelé qu’il n’est pas recommandé de voyager, y compris à l’intérieur du Canada. Des vols quotidiens arrivent encore de Vancouver, de Calgary et d’Edmonton, sans que les passagers soient soumis à des quarantaines ou à des tests.

Le DArruda a signalé que l’entrée de variants est inévitable, mais que le but de la fermeture de frontières est de « retarder leur introduction ».

S’il se dit loin de crier victoire, le DArruda se réjouit que le Québec semble atteindre un plateau, voire enregistrer une baisse de cas. « Je me pince tous les soirs en le constatant », a-t-il expliqué, ajoutant que notre situation n’a rien à voir avec celle d’autres provinces canadiennes.

Notons que le directeur national de santé publique a été vacciné en matinée lundi avec Moderna. Il l’a fait en s’enregistrant sur Clic santé, a-t-il précisé, et en pharmacie pour « souligner les efforts des pharmaciens communautaires ».

Il dit s’être senti privilégié d’avoir reçu un vaccin, particulièrement en songeant à quel point des citoyens de nombreux pays n’y ont pas encore accès.

Le DArruda a saisi l’occasion pour rappeler que même une fois qu’ils sont vaccinés, les gens doivent continuer de garder leurs distances avec les autres, de se laver les mains et de porter le masque.

— Avec Fanny Lévesque, La Presse

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