Immobilier

Nouvelle vocation pour un immeuble patrimonial

Habitué à réhabiliter de vieux immeubles dans un souci de conservation du patrimoine, Michael Courrier, à la tête de l’entreprise Dorem, a acquis un bâtiment chargé d’histoire où des frères enseignants ont vécu en résidence pendant des décennies. Il va maintenant y créer des unités locatives luxueuses. Récit d’une transaction chargée d’émotions.

Fondée à Ploërmel, en Bretagne (France), en 1819, la communauté des Frères de l’instruction chrétienne s’est installée au Québec en 1886. Cette grande organisation internationale bénéficiait de beaucoup de fonds, et pouvait donc se permettre d’acheter des terrains dans des emplacements prisés afin d’y construire des écoles et des bâtiments pour y loger les professeurs.

Le manque de relève d’enseignants religieux contraint petit à petit la communauté des Frères à vendre ses immeubles, dont celui sis au 5325, rue de Brébeuf, sur le Plateau Mont-Royal.

« Il ne restait que 8 ou 10 frères qui étaient à la retraite et devaient quitter les lieux pour se diriger vers une place mieux adaptée à leurs besoins quand le bâtiment a été mis en vente. Autrefois, ils étaient 45. J’aime profondément ce quartier où j’habite, j’étais donc très intéressé et il était important pour eux de transformer le lieu en un beau projet. »

— Michael Courrier, président de l’entreprise Dorem

Avant d’acheter, M. Courrier a d’abord joué un rôle d’entrepreneur général et il a aidé les Frères à obtenir une subvention auprès de la Ville de Montréal pour décontaminer le terrain : 178 000 $ leur ont été accordés. « J’ai dû me rendre sur place plusieurs journées par semaine pendant des mois pour gérer le chantier et il a fallu soutenir la bâtisse pour procéder à la décontamination sans démolir. J’ai donc côtoyé les Frères résidants presque chaque jour, ce qui a vraiment créé des liens entre nous. On faisait des blagues, ils m’expliquaient leur vie incroyable, et pour moi, c’est devenu bien plus qu’une transaction. Je peux dire maintenant que ce sont des amis malgré la différence d’âge, puisqu’ils ont en moyenne 80 ans, et ça m’a permis de découvrir un milieu que je ne connaissais pas du tout », relate-t-il. Pour lui, cette transaction est très spéciale parce qu’il y a un côté humain et respectueux qui subsiste. Plusieurs ont vécu là pendant 30 ans, il les a aidés à déménager et souligne que la transition s’est bien passée.

Priorité au patrimoine

Entreprendre une rénovation peut s’avérer plus compliqué, plus long et plus coûteux que de démolir pour rebâtir. Par ailleurs, repenser un vieux bâtiment pour qu’il soit aux normes actuelles exige beaucoup de planification et de réflexion. « Le changement d’usage, puisque le principe était de créer du résidentiel à partir d’un bâtiment institutionnel complexifiait également ce projet. Ça demande de la patience de rénover pour avoir les permis, puis pour travailler sur le chantier. Il faut souvent casser à la main l’intérieur quand on garde la coquille ; c’est donc moins rapide qu’avec de la machinerie, mais quand l’extérieur a du cachet ou un intérêt historique, ça fait mal au cœur de détruire et par là même d’enlever l’histoire qu’il y a en arrière. Je crois que la notion écologique est essentielle aussi, parce que démolir engendre énormément de déchets », constate le président de Dorem, qui souligne d’ailleurs que les règlements d’urbanisme pour la conservation du patrimoine sont très stricts dans les grandes villes comme Montréal, où les démolitions ne sont pas souvent bien accueillies.

Composé à l’origine d’une quarantaine de chambres, d’une cuisine et de salles de bains communes, le lieu comprendra 17 unités d’une ou deux chambres, réparties sur 4 niveaux et une annexe de 10 logements y sera ajoutée. « Je trouvais important d’augmenter l’offre d’appartements locatifs sur le Plateau Mont-Royal plutôt que de mettre les condos en vente », précise Michael Courrier. Il mise sur le haut de gamme en utilisant des matériaux de qualité, notamment pour les meubles et îlots de cuisine, et propose des appareils électroménagers de taille réduite, à l’européenne, pour maximiser l’espace. Tout est pensé dans les logements, mais aussi dans l’immeuble afin de pouvoir répondre au mode de vie contemporain. Par exemple, il y aura un endroit consacré au dépôt des colis.

Des abris pour les vélos sont prévus à l’arrière du bâtiment, car l’arrondissement veut un peu chasser les voitures du quartier pour des raisons environnementales.

« C’est un choix de société plus vert, on va aussi planter des arbres. Il y a beaucoup de commerces de proximité très accessibles, et le Plateau mise sur les déplacements à pieds ou à vélo. »

— Michael Courrier, président de Dorem

Baptisé Le Ploërmel en hommage aux Frères qui y ont vécu, ce projet devrait être achevé au printemps et certains appartements ont déjà trouvé preneur. Michael Courrier et le frère Gélinas, gestionnaire de la communauté des Frères de l’instruction chrétienne en Amérique qui a beaucoup apprécié cette relation, envisagent d’ailleurs de travailler ensemble sur d’autres projets.

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