Notre choix

La tragique loi du silence

La familia grande

Camille Kouchner

Seuil

208 pages

Quatre étoiles

On ressent toujours un peu d’appréhension quand on s’apprête à lire un livre hyper-médiatisé à propos duquel on a lu des dizaines d’articles avant même de l’avoir ouvert. Sera-t-il à la hauteur des attentes ?

C’est dans cet état d’esprit qu’on a attaqué La familia grande, où Camille Kouchner révèle l’inceste dont son frère jumeau a été victime aux mains de leur beau-père, le politologue et homme des médias Olivier Duhamel. Il y avait une autre petite inquiétude en entamant ce livre : est-ce qu’on en aurait autant parlé s’il ne racontait pas l’histoire de gens hyper-connus et hyper-médiatisés, du moins en France ? Est-ce que ça vient titiller notre côté voyeur ? Heureusement, nos inquiétudes sont toutes tombées dès les premières pages. Car le livre de Camille Kouchner est tout simplement admirable.

Un beau-père exemplaire

L’auteure est une juriste française de 45 ans, fille d’Évelyne Pisier (une référence dans le monde de la pensée politique et féministe en France) et de Bernard Kouchner (ancien ministre et cofondateur de Médecins sans frontières), et nièce de l’actrice Marie-France Pisier.

Nouveau conjoint de leur mère, Olivier Duhamel est entré dans la vie de Camille Kouchner et de ses deux frères quand ils étaient enfants. Il est venu combler un vide affectif créé par l’absence de leur père, un homme colérique et distant, plus préoccupé par son image publique et ses voyages à travers le monde que par sa famille, raconte l’auteure dans son livre.

Dans la première partie du récit, Camille Kouchner décrit une enfance heureuse, presque idyllique, dans un milieu stimulant intellectuellement où les enfants étaient considérés comme des personnes à part entière. Camille et ses frères ont passé leurs étés dans la demeure familiale de Duhamel, en Provence, entourés d’une joyeuse bande d’amis – « la familia grande » – composée d’intellectuels de tous horizons. Des parties de pétanque au soleil, des jeux dans la piscine, des discussions enflammées, des soupers qui s’étirent tard dans la nuit. On imagine presque le film.

Dans cette famille, la liberté est un mot d’ordre, presque une injonction. On est libre de penser, d’expérimenter, de se défaire de codes sociaux trop rigides. Mais à mesure qu’on avance dans le récit de Camille Kouchner, on comprend que cette liberté est devenue une prison. Car si les enfants sont libres de se promener à poil et de se coucher tard, ils ne sont pas libres d’exprimer ce qu’ils ressentent. Comme la peine de voir leurs parents divorcer, par exemple. Leur mère ne leur accorde pas cet espace émotif et elle fera toujours passer son bien-être avant celui de ses enfants.

Avec le recul, on voit bien que cette impossibilité d’exprimer les émotions, ajoutée à la peur constante de déplaire à la mère, était le terreau parfait pour la tragédie qui allait suivre.

Quand Victor, le frère jumeau de Camille, subit sa première agression, il en parle rapidement à sa sœur. Et lui fait promettre de ne rien dire. Ce qu’elle accepte, à moitié pour respecter la demande de son frère, mais aussi pour ne pas heurter sa mère, si fragile depuis le suicide de sa propre mère. Les agressions dureront plusieurs années.

C’est quand elle aura des enfants à son tour que l’auteure prendra la pleine mesure de l’horreur de ce que son frère a vécu. Les enfants Kouchner prendront à partie Évelyne Pisier qui choisira son mari et le défendra jusqu’à sa mort. Camille Kouchner ne reverra pas sa mère vivante.

Une vraie peine d’amour

Camille Kouchner décrit avec beaucoup de finesse et de sensibilité la manière dont l’inceste pulvérise une famille. Elle raconte aussi avec beaucoup de pudeur comment sa propre culpabilité l’a presque tuée.

Au-delà de l’inceste, La familia grande raconte l’histoire d’un immense chagrin d’amour, celui d’une fille qui a perdu sa mère, le grand amour de sa vie. C’est aussi le témoignage d’une enfant devenue grande qui demeure terriblement déçue par les adultes qui n’ont pas su la protéger. La familia grande se termine sur une lettre que Camille Kouchner adresse à son beau-père, sans jamais le nommer. Lettre dans laquelle elle lui exprime toute sa colère et sa peine. On sent que chaque mot a été choisi et soupesé. Son livre est puissant et a provoqué un déferlement de témoignages en France, en plus de susciter un débat sur la protection des victimes d’inceste. Ce livre, tout aussi important que l’a été Le consentement de Vanessa Springora l’an dernier, nous a touchée droit au cœur.

Le livre sera en librairie le vendredi 12 février.

Mourir par détails

Rien dans le ciel

Michael Delisle

Boréal

144 pages

Quatre étoiles

Au moment où d’autres maisons ont eu la bonne idée de rééditer certains des premiers livres de Michael Delisle, en poésie et en fiction, Boréal nous propose son nouveau recueil de nouvelles, Rien dans le ciel. On y retrouve les thèmes chers à l’écrivain/enquêteur des coulisses du vivant.

Dans ces huit nouvelles, Michael Delisle continue d’écrire où ça fait mal. S’il n’y a rien dans le ciel, c’est bien parce que les pertes et les défaites s’accumulent sur la terre. Ces petites et grandes morts qui frappent l’humanité de mille façons sous des apparences totalement banales.

Parmi ces protagonistes qui meurent par détails : un collectionneur de BD frôlant le suicide, un détenteur de porte-bonheur reliquat d’un crime odieux, un écrivain à qui le ciel tombe sur la tête, un chauffeur témoin du naufrage de la vieillesse, un ancien orphelin devenu aidant naturel par dépit et un malade prétendument condamné en quête de son ultime voyage.

Tous ceux-là pensent atteindre le ciel dans leur quête de verticalité. Au-delà de la filiation, de la mélancolie, du bonheur étiolé et des souvenirs qui auraient dû le rester, ils cherchent une raison d’être ou de ne pas être, une vie après la vie, Dieu peut-être. En vain. Leur ciel reste vide.

Il n’y a qu’un grand mystère, ce qui fait toute la science de Michael Delisle. Une écriture précise, captivante, fouillant derrière les faux-semblants du quotidien pour nous assurer d’un plaisir bien réel, celui-là, de lecture.

— Mario Cloutier, collaboration spéciale

Le poids de notre héritage

La maison des Hollandais

Ann Patchett, traduit de l’anglais (États-Unis) par Hélène Frappat

Actes Sud

311 pages

Trois étoiles et demie

Ann Patchett est une valeur sûre de la littérature américaine. Ses romans ont remporté plusieurs prix et celui-ci a été en nomination pour le Pulitzer à sa sortie en anglais.

La maison des Hollandais, c’est d’abord une grande demeure dans la petite ville d’Elkins Park, en banlieue de Philadelphie. Elle a été construite par un couple de Néerlandais, les VanHoebeek, dont le portrait trône dans le grand salon de la maison. Grâce à ses immenses fenêtres, on peut voir « à travers » cette maison que tout le monde connaît dans la région.

Dès les premières pages, on s’attache immédiatement au narrateur, Danny Conroy, et à sa grande sœur Maeve. Ils vivent dans cette maison avec leur père et deux domestiques qui veillent sur eux durant la journée. Quant à leur mère, elle s’est mystérieusement enfuie pour aller vivre en Inde et on ne connaîtra que plus tard les raisons de cette fuite.

La famille Conroy vit dans les silences, les non-dits et le chagrin refoulé. Le vrai noyau, c’est Danny et sa sœur, toujours là pour lui, responsable et bienveillante. Il règne un certain équilibre au sein de cette maison, du moins jusqu’au jour où une nouvelle femme, Andrea, entre dans la vie de leur père avec ses deux filles. Cette belle-mère non désirée est plus fascinée par la demeure que par son nouveau conjoint et ses enfants qu’elle réussit à éloigner.

On retrouve plusieurs touches gothiques dans ce roman : une grande maison un peu mystérieuse, des secrets de famille qui reviennent hanter les personnages, une figure un peu machiavélique (la belle-mère)… Au bout du compte, La maison des Hollandais s’avère à la fois un poids et un aimant pour les enfants Conroy qui y reviendront encore et encore. Et qui prendront une certaine revanche sur la vie.

Ann Patchett signe un très beau roman, très bien traduit, avec des personnages qui restent avec nous une fois la lecture terminée.

— Nathalie Collard, La Presse

Quand les fils sont rompus

Tout peut s’oublier

Olivier Adam

Flammarion

264 pages

Trois étoiles

L’axe Bretagne-Japon, une disparition douloureuse, un protagoniste en quête de réponses : pas de doute, on est bien chez Olivier Adam, qui, depuis son premier roman Je vais bien, ne t’en fais pas, continue de s’intéresser à ce qui se passe quand les fils invisibles qui unissent des individus se rompent.

Ici, Nathan, propriétaire d’un cinéma d’auteur dans une petite ville de Bretagne, est dans tous ses états depuis que son ex Jun, qu’il avait rencontrée lors d’un voyage au Japon, est disparue sans avertissement avec leur fils Léo. Le choc initial passé, il comprend rapidement que faisant fi de leur entente de garde partagée, Jun est retournée au Japon, où les droits des pères venant d’un autre pays, en cas de séparation, sont inexistants.

Tout peut s’oublier raconte donc les démarches de Nathan pour retrouver Jun et surtout Léo, et les nombreux obstacles qu’il rencontre. Narré à la troisième personne avec parfois d’étranges sauts dans les niveaux de langage, il y a aussi des retours en arrière, tant dans l’enquête que mène Nathan que dans sa vie personnelle d’homme légèrement apathique qui comprend rarement ce qui lui arrive.

Entre des commentaires sur la situation sociale en France et le cinéma populaire, la peine de sa voisine Lise dont le fils devenu militant extrémiste s’est éloigné d’elle et l’angoisse de deux frères qui recherchent leur sœur disparue au Japon, Olivier Adam ratisse large, peut-être un peu trop pour qu’on s’attache vraiment au personnage central. Alors que certaines trames secondaires (pas toutes) sont à peine esquissées et semblent superflues, là seulement pour montrer que le monde dans lequel Nathan était à son aise s’effrite.

Quand, vers la fin, Nathan vit une expérience totalement traumatisante au Japon, ce changement de ton pour le moins déroutant ne peut que nous rendre encore plus empathiques à la cause du père désespéré, même s’il ne perdra jamais son côté inconsistant. Reste que la conclusion de ce livre quand même anxiogène – être séparé pour toujours de son enfant vivant est probablement un des pires cauchemars d’un parent – est vraiment douloureuse et mérite qu’on se pose la question : est-ce que tout peut s’oublier, comme dit Jacques Brel dans sa chanson ? Difficile de le savoir, et Olivier Adam lui-même, en auteur expérimenté et intelligent, ne donne pas non plus la réponse.

— Josée Lapointe, La Presse

Sortir de sa coquille

Embrasser les chaos

Andrée-Anne Brunet

Libre Expression

208 pages

Deux étoiles et demie

Andrée-Anne Brunet est entre autres connue comme animatrice radio sur les ondes d’Énergie. Grande voyageuse et enseignante de yoga à ses heures, elle se consacre également à l’écriture. Avec Embrasser le chaos, elle propose un deuxième roman sous forme de récit initiatique qui s’adresse surtout aux jeunes adultes. On y rencontre Malorie, une jeune femme renfermée et timide qui n’affirme pas trop sa personnalité, alors qu’elle vient de perdre son grand frère, Arnaud, dans un bête accident de voiture. Le roman, assez convenu, réussit cependant à émouvoir avec son sujet et l’écriture sensible de son autrice, et raconte comment la jeune femme, à travers ce deuil difficile, ira aussi à la rencontre d’elle-même, alors qu’elle a passé une grande partie de sa vie à se faire invisible et à soutenir sa mère, leur père les ayant abandonnés alors qu’elle était encore enfant. Pour apprendre à composer avec cette perte immense, elle suivra les traces de son frère qui, contrairement à elle, avait soif d’aventure et de liberté. Armée du carnet de voyage d’Arnaud, qui raconte une escapade qu’il avait faite en Islande, elle décide donc de partir sur ses traces en roadtrip sur cette île balayée par les vents nordiques, pour tenter de le retrouver, un peu, et de découvrir qui il était vraiment. Elle y rencontrera des difficultés, sera confrontée à elle-même et devra affronter quelques défis qui l’aideront, peu à peu, à sortir de sa coquille et à « embrasser le chaos », comme l’image le titre. Le roman, sans prétention, n’évite pas certains clichés, mais il demeure agréable à lire et sait faire voyager jusque sous la splendeur des aurores boréales.

— Iris Gagnon-Paradis, La Presse

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