Musée des beaux-arts de Montréal

« C’est le musée que j’aime le plus »

La nouvelle est tombée en début d’après-midi, jeudi. Stéphane Aquin, qui a été pendant 17 ans conservateur de l’art contemporain au MBAM, sera le prochain directeur général du Musée. La Presse lui a parlé.

Depuis cinq ans, Stéphane Aquin est le conservateur en chef du Hirshhorn Museum and Sculpture Garden de Washington. Ironie du sort, une semaine avant la fermeture du Musée à la mi-mars, il a obtenu sa « Green Card », qui lui donne le statut de résident permanent aux États-Unis…

Peu après l’annonce officielle de sa nomination jeudi – par le nouveau président du conseil d’administration du Musée, Pierre Bourgie –, il a annoncé son départ à ses patrons du Hirshhorn Museum, qui ont accueilli la nouvelle avec « déception », reconnaît-il. Il entrera en fonction au Musée des beaux-arts « quelque part en novembre ».

« J’étais très bien à Washington, mais je suis profondément attaché au Musée des beaux-arts, nous dit Stéphane Aquin, qui y a occupé le poste de conservateur de l’art contemporain de 1998 à 2015. C’est le musée que j’aime le plus. Je suis rempli d’enthousiasme et d’humilité. C’est une institution vénérable que j’admire et je suis très touché d’avoir cette chance d’avoir ce travail à faire à ce moment-ci. »

Le nouveau directeur général sait que les défis qui l’attendent sont grands. Il compte d’ailleurs commencer par « renouer avec le personnel ».

« Je veux renouer avec toutes les équipes, entamer avec elles une réflexion sur qui nous sommes, et de cette réflexion tracer un chemin pour les années à venir, explique-t-il. J’espère pouvoir entamer ça dans les six mois qui viennent. »

« Si, au terme de mon mandat, le musée a été pris en charge par une nouvelle génération, plurielle, diverse, énergique, dynamique et qui a les moyens de le pousser 20 ans plus loin, je dirai : mission accomplie.  »

— Stéphane Aquin, prochain directeur général du Musée des beaux-arts de Montréal

Depuis le début de la pandémie, Stéphane Aquin faisait du télétravail de Montréal, même s’il faisait occasionnellement des allers-retours à Washington. Le feuilleton qui a suivi le congédiement de Nathalie Bondil à la mi-juillet, il l’a bien sûr suivi, mais il ne tient pas à le commenter.

Il a pourtant bien connu l’ex-directrice générale qu’il s’apprête à remplacer. Comment qualifierait-il ses relations avec elle ? « Nos relations ont toujours été cordiales. On a travaillé ensemble de nombreuses années, nous répond-il. Elle a fait un travail remarquable au Musée, mais ce qui est arrivé au cours des dernières années et cet été, pour moi, c’est du passé, et je sais que dans l’esprit de tout le monde au musée, c’est du passé. »

Une sélection en accéléré

Tout s’est fait quand même très rapidement. Il a été contacté en août par la firme Boyden, qui a piloté le processus de sélection avec le comité de recrutement du conseil d’administration du MBAM.

« J’ai réfléchi, mais je me suis dit que le moment était propice. Je n’ai jamais hésité à cause de la crise du Musée. Au contraire, cette crise interne, combinée à la crise de la COVID-19, m’a incité à postuler, dit le nouveau DG. Je me suis dit que c’était une occasion rare de réfléchir aux fondements et à la mission du Musée. Je suis conscient des défis, mais il y a des équipes extraordinaires, qui ont à l’évidence envie de travailler pour les relever. »

Stéphane Aquin, qui est titulaire d’une maîtrise en histoire de l’art de l’Université de Montréal, avait également collaboré à l’ouverture du pavillon Jean-Noël Desmarais lors de son premier passage au MBAM de 1990 à 1992. Il avait ensuite fait de la critique d’art, notamment au journal Voir. Il est le fils de l’écrivain et cinéaste engagé Hubert Aquin.

M. Aquin, qui est nommé pour un mandat de trois ans, devra faire équipe avec Mme Mary-Dailey Desmarais, nommée au cours de l’été par le conseil d’administration directrice de la conservation – une décision à l’origine du différend entre Nathalie Bondil et le C. A., qui a finalement imposé son choix. Comment envisage-t-il sa collaboration avec Mme Desmarais ?

En fait, le futur directeur général du Musée est emballé par la présence de Mary-Dailey Desmarais.

« Je la connais pour avoir travaillé avec elle sur l’expo Il était une fois le western et j’ai pu mesurer l’extraordinaire qualité intellectuelle, artistique et morale de cette personne. J’ai pour elle une admiration sans faille. »

— Stéphane Aquin, à propos de Mary-Dailey Desmarais

« C’est même quelqu’un que j’ai continué de voir après et je dirais même qu’elle a été un des facteurs qui m’ont motivé à poser ma candidature, la perspective de travailler avec elle », ajoute Stéphane Aquin

Les grands axes de Stéphane Aquin

Il n’est pas encore en poste, mais déjà, il a quelques « grands axes » en tête, notamment « la diversité » et « la voix de l’artiste », qu’il aimerait « mettre en valeur ».

« Je veux l’entendre, et quand je vais au musée, je ne l’entends pas aussi bien que je voudrais. Par exemple, sur notre site web, on demande ce que les artistes pensent du musée, mais honnêtement, ça ne m’intéresse pas. Notre mission, c’est d’entendre leur voix, ce qu’ils ont à dire, ce qui les inspire, comment ils voient le monde. C’est ça qui est important. »

Stéphane Aquin évoque également l’importance de développer des outils technologiques pour accroître la présence virtuelle du Musée et de recentrer le travail du musée sur la « culture de l’objet ». « Ça a toujours été ça, mais je suis sûr qu’il y a moyen de les présenter encore plus fortement, de façon peut-être moins scénographiée, même si je ne veux pas critiquer le travail de Mme Bondil. »

Au cours des deux ou trois prochaines années, il faut s’attendre à ce qu’il y ait moins de touristes dans nos musées, anticipe Stéphane Aquin. Il faudra donc être « à l’écoute de notre communauté ».

« Comment l’intéresser avec des projets qui seront peut-être réduits, du fait que les projets internationaux coûtent plus cher. En même temps, j’aimerais qu’on soit plus présents sur la scène nord-américaine, et ça passe certainement par des partenariats avec des musées américains ou mexicains. Il va aussi falloir qu’on réfléchisse à la manière dont on utilise et déploie nos collections, donc oui, il y a beaucoup de travail à faire. »

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