Attentats de Paris

De vendeur sans histoire à djihadiste sanguinaire

MONTRÉAL — Comment un vendeur dans une boutique de vêtements peut-il devenir un djihadiste sanguinaire ? C’est la question que se pose tous les jours Omar Abaaoud au sujet de son fils Abdelhamid, soupçonné par les enquêteurs français d’être le cerveau derrière les attentats de Paris.

La piste belge exploitée par l’enquête française sur les attaques du vendredi 13 novembre pointe de plus en plus en direction d’Abdelhamid Abaaoud. Ce jeune homme de 28 ans né à Molenbeek, en Belgique, d’un père marocain est bien connu des services de renseignement – il est soupçonné d’avoir participé à au moins trois autres projets d’attentats en Europe.

« J’ai honte pour mon fils. Il a ruiné nos vies », avait déclaré son père, Omar Abaaoud, lors d’une entrevue en janvier avec le quotidien belge Het Laatste Nieuws. L’homme, qui a émigré du Maroc voilà 40 ans, s’était dit d’autant plus anéanti par la radicalisation de son aîné que ce dernier a convaincu son plus jeune frère, Younes, de le rejoindre pour combattre en Syrie alors que celui-ci avait à peine 13 ans.

Après avoir été mineur, Omar Abaaoud s’est lancé dans la vente de vêtements et il espérait voir son fils aîné reprendre le commerce familial, puisqu’il s’était avéré être un bon vendeur. « Abdelhamid n’était pas un enfant difficile et c’était devenu un bon commerçant. Mais tout à coup, il est parti pour la Syrie. Je me suis demandé tous les jours pour quelle raison il s’était radicalisé à ce point. Je n’ai jamais reçu de réponse », s’est désolé Omar Abaaoud.

IMAGES SANGLANTES

Dans une vidéo ayant fait surface, Abdelhamid Abaaoud dit vouloir venger les musulmans victimes de ceux qu’il qualifie de « croisés ». « Toute ma vie, j’ai vu le sang des musulmans couler. Je prie pour qu’Allah casse le dos de ceux qui s’opposent à lui, de ses soldats et de ses admirateurs, et qu’il les extermine », peut-on l’entendre dire dans une vidéo datant de 2014.

Plusieurs images et vidéos d’Abdelhamid Abaaoud ont fait surface après que des opposants syriens au groupe État islamique eurent volé et diffusé le contenu de son téléphone portable. Une vidéo particulièrement choquante le montre en train d’enterrer sans ménagement les corps de combattants de l’Armée syrienne libre et de civils tués lors d’une attaque du groupe État islamique. Sur les vidéos, on l’entend alterner entre l’arabe et le français lorsqu’il parle avec ses compagnons d’armes.

À la suite de la diffusion de ces images en Europe, Abdelhamid Abaaoud a reconnu son rôle dans divers projets d’attentats en Europe dans une entrevue au magazine Dabiq, utilisé par le groupe État islamique pour faire l’apologie du djihad. Il en a profité pour proférer des menaces contre « les croisés des États-Unis, de France, du Canada, d’Australie, d’Allemagne et de Belgique ».

« ALLAH LES A AVEUGLÉS »

Dans son entrevue à Dabiq, Abdelhamid Abaaoud se vante d’avoir voyagé à quelques reprises entre la Syrie et l’Europe sans avoir été inquiété par les autorités. Il dit avoir été intercepté une fois par un policier, qui ne l’a toutefois pas reconnu même si sa photo faisait la une des journaux. « Allah les a aveuglés. Un musulman ne devrait pas craindre les services de renseignement. Mon nom et mon visage étaient partout aux nouvelles et j’étais en mesure de rester dans leur pays, de planifier des opérations contre eux et de quitter sécuritairement quand c’est devenu nécessaire. »

Il est encore tôt pour savoir précisément le degré d’implication d’Abdelhamid Abaaoud dans les attentats de Paris, mais il est établi que celui-ci est un proche de Salah Abdeslam, le frère actuellement recherché de l’un des kamikazes de vendredi. Les deux hommes ont en effet été arrêtés en Belgique ensemble en 2010 dans une histoire de braquage.

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