Pluies torrentielles en Californie

Les réservoirs se remplissent, mais la situation demeure fragile

Les pluies torrentielles tombées sur la Californie depuis le début de l’année ont permis de remplir les réservoirs d’eau de l’État. Mais la gestion des réserves demeure fragile dans tout le Sud-Ouest américain, où le bas niveau du fleuve Colorado est resté pratiquement inchangé.

Les 12 rivières atmosphériques ayant frappé la côte californienne depuis le début de 2023 ont rempli plusieurs grands réservoirs d’eau du nord et du centre de l’État. Un coup d’œil sur la carte des ressources en eau de la Californie montre que les niveaux actuels des réservoirs Oroville, Shasta, New Bullards, Don Pedro, Camanche et d’autres dépassent leur moyenne historique1.

Face à ce regain, le gouverneur démocrate Gavin Newsom a annoncé, le 24 mars, des assouplissements dans les restrictions de consommation d’eau.

Mais il faut demeurer très prudent face à ces bonnes nouvelles. Car elles arrivent avec certains mauvais côtés, explique Amir Aghakouchak, professeur associé au Centre d’hydrométéorologie et de télédétection de l’Université de Californie à Irvine.

« Nous sommes passés d’une sécheresse extrême à de hauts niveaux d’eau dans une très courte période. Cela a créé de graves inondations. Des personnes sont mortes. C’est totalement inhabituel ici. »

— Amir Aghakouchak, professeur associé au Centre d’hydrométéorologie et de télédétection de l’Université de Californie à Irvine

Selon M. Aghakouchak, ce phénomène très contrasté pourrait se répéter en séquences plus rapprochées dans l’avenir. « En 2017, nous avons vécu la même situation : une sécheresse de cinq ans soudainement arrêtée par d’importantes inondations. On doit se préparer à plus de changements soudains. On ne peut présumer qu’on va vivre de longues accalmies. »

Dans la vallée de Salinas, région à mi-chemin entre San Jose et Monterrey, la pluie a effectivement causé d’importantes inondations. Les dommages aux terres agricoles sont considérables. Le prix des laitues, cultivées en abondance dans cette région, devrait augmenter sous peu et demeurer élevé durant des mois.

Les champs de fraises ont aussi été touchés.

« Du nord au sud, la faune, les agriculteurs et les travailleurs agricoles n’ont pas été épargnés, confirme Chris Lopez, superviseur du comté de Monterey où se trouve la vallée de Salinas. Les emplois des gens sont affectés. »

Peu d’impact sur le fleuve Colorado

Autre enjeu à ne pas négliger : l’impact des récentes pluies sur les niveaux de la nappe phréatique de la Californie. Selon Alexis Maximilien Berg, professeur adjoint au département de géographie de l’Université de Montréal, un hiver de fortes pluies ne parviendra pas à les rehausser.

« On a extrait tellement d’eau de la vallée centrale de [la Californie] dans les dernières années que le niveau a baissé de dizaines de mètres. Ce n’est pas une année de bonne pluie qui va recharger les nappes. »

— Alexis Maximilien Berg, professeur adjoint au département de géographie de l’Université de Montréal

Les récentes pluies n’ont pas permis de relever le niveau du fleuve Colorado qui demeure désespérément bas, comme La Presse l’a rapporté le 1er février 20232. Les niveaux des deux plus grands réservoirs de ce cours d’eau, les lacs Mead, au Nevada à l’est de Las Vegas, et Powell, à la frontière entre l’Utah et l’Arizona, ont un peu monté au cours des dernières semaines. Mais ils restent loin de la moyenne.

« Parfois, les rivières atmosphériques, après avoir déversé la majorité de leur eau sur la Californie, en laissent aussi dans les bassins du Colorado. Mais pas cette fois. La sécheresse se poursuit », observe Amir Aghakouchak.

« Si rien n’est fait, les lacs Mead et Powell pourraient devenir ce qu’on appelle des “dead pools”, indique Alexis Maximilien Berg. Dans un premier temps, les centrales des barrages ne pourront plus produire d’électricité. Dans un deuxième temps, l’eau ne sortira plus de ceux-ci. »

Le niveau d’eau du fleuve est si bas que les sept États qui en dépendent en partie ont été sommés par le gouvernement fédéral d’en venir à un plan de réduction de leur consommation – il devait être présenté au plus tard le 31 janvier. Or, il n’y a pas eu d’entente car la Californie, plus important consommateur, refuse de se joindre à l’entente passée par les six autres États. Le projet est toujours en suspens.

— Avec La Presse Canadienne et East Bay Times

L’importance du lac Mead

Créé sur le fleuve Colorado par la construction du barrage Hoover, le lac artificiel Mead constitue, lorsque rempli, le plus grand réservoir d’eau potable des États-Unis. Il dessert quelque 20 millions de personnes en Arizona, au Nevada et en Californie. Au maximum de sa capacité, son niveau d’eau est à 375 mètres au-dessus du niveau de la mer.

28,7 %

Au 27 mars, le lac Mead se trouvait à 28,7 % de sa capacité maximale.

Source : lake mead water database

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