1 de 2 Opinion : Crise climatique et occupation de notre territoire

Un regard national

Le 13 avril dernier, avec le maire d’Edmonton, la mairesse Valérie Plante a décrit le sens d’une relance verte et durable : un accès aux transports en commun, des parcs et des espaces verts, des quartiers dynamiques et interreliés avec une bonne offre de services et des occasions d’emploi.

Denis Coderre discute du même sujet dans son livre en précisant le chemin à emprunter pour y arriver : limiter la croissance horizontale et favoriser une densification intelligente. Ainsi, « la ville peut améliorer davantage la qualité de vie de ses citoyens en offrant de meilleurs services avec des places publiques, des espaces verts, des écoles et de meilleures infrastructures de transport ».

Retenons qu’ils s’entendent sur l’importance de lutter contre l’étalement urbain pour réduire les GES et qu’ils sont convaincus de la pertinence d’une planification urbaine qui offre des transports collectifs et actifs, des espaces verts, des services publics et des emplois.

Seule une densification adaptée et attrayante permettra de récolter ces avantages, et il est certainement opportun de le reconnaître clairement de manière à pouvoir ensuite nous consacrer à la recherche des mesures à adopter.

Alors que Montréal lance les consultations sur son Plan d’urbanisme et de mobilité et que Québec amorce une discussion nationale sur l’occupation du territoire, c’est sans doute le meilleur moment pour remettre en question nos façons de faire.

Vue de Québec

Évidemment, à la grandeur du Québec, les réalités citoyennes prennent diverses formes. Certains préfèrent la ville. Ils y trouvent un milieu dynamique, aux multiples services. D’autres privilégient la campagne, les grands espaces et un rythme différent. Ce serait une erreur d’opposer les urbains, les banlieusards et les ruraux. Cela dit, peu importe où l’on se trouve, les effets de certains choix et comportements doivent être pris en compte, quelques mesures incitatives et balises mises en place.

Nous le savons, l’étalement urbain conduit à une plus forte dépendance à l’automobile et à l’allongement constant des distances à parcourir.

Au-delà des considérations environnementales qui en découlent, l’étalement entraîne une augmentation des coûts de la fourniture des services publics par usager.

Or, selon une étude de Statistique Canada parue en 2015, parmi les six grandes régions métropolitaines de recensement (RMR) au Canada, Montréal est celle qui s’est la plus étendue au cours de la décennie 2001-2011. Parmi les petites et moyennes RMR canadiennes, c’est Québec qui remporte cette palme. Nous devons convenir qu’il faut revoir nos façons de faire.

Le ministère des Affaires municipales et de l’Habitation est bien responsable du territoire, mais les autres ministères prennent aussi des décisions laissant une marque sur le territoire, et ils le font sans véritable considération pour les orientations territoriales nationales et les planifications locales. Par ailleurs, il y a plus de 1100 municipalités au Québec auxquelles il faut ajouter les MRC, les communautés, les agglomérations et les arrondissements, et chaque instance doit traduire en schémas, plans et règlements les grandes orientations nationales. À l’horizontale comme à la verticale, nous notons un déficit majeur de cohérence.

Revoir les structures

Nous devons d’abord développer une compréhension commune des problématiques et nous engager collectivement à les régler. À cette fin, le gouvernement pourrait saisir l’occasion de l’élaboration de sa nouvelle politique territoriale pour tenir des « états généraux » visant la conclusion d’un « contrat social du territoire ».

Pour favoriser la cohésion gouvernementale, Québec aurait avantage à regrouper les responsabilités du ministère des Transports et celles du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation au sein d’un « ministère du Territoire ».

Ce ministère aurait entre autres pour rôle de filtrer les interventions des autres ministères affectant le territoire.

Toujours au chapitre de la cohésion, l’État devrait soumettre les grandes orientations d’aménagement à un processus de co-adoption permettant aux différents niveaux de gouvernance de se les approprier en participant à leur élaboration.

Pour accompagner les décideurs sur le terrain, le gouvernement pourrait créer un « Conseil du territoire », composé d’experts indépendants, qui aurait pour mission de procéder aux bilans périodiques du suivi des orientations et d’appuyer en ressources humaines les municipalités ne disposant pas de l’expertise nécessaire. Les avantages seraient nombreux, par exemple le suivi du processus d’étalement entraînerait des adaptations nécessaires ; nous pensons entre autres aux limites des frontières des RMR.

Enfin, une approche d’appropriation collective et l’accompagnement des spécialistes d’un Conseil du territoire favoriseraient le remplacement du processus référendaire dont le résultat vient souvent contredire les objectifs nationaux et les planifications régionales.

Revoir les moyens

En plus d’un manque de ressources financières, les municipalités n’ont que l’impôt foncier comme principale source de revenus. Cela les place en concurrence pour accaparer la croissance contredisant souvent la planification territoriale.

Il faut revoir le cadre du financement et de la fiscalité pour favoriser le respect des grandes orientations. Les comportements souhaités doivent être encouragés.

Les citoyens qui choisissent autrement devraient assumer les coûts excédentaires. Nous pensons ici à la taxe kilométrique et aux différentes taxations liées aux services utilisés.

La seule réponse valable à l’égard de l’étalement urbain réside dans une densification adaptée et attrayante. Celle-ci ne sera possible que par une révision de la fiscalité et l’adoption d’un programme de transferts financiers comportant des volets de transports collectifs, d’aménagement de quartiers incluant les transports actifs et d’habitations pour assurer l’inclusion de tous les citoyens.

La Stratégie nationale devrait s’appuyer sur un nouveau cadre institutionnel et sur une approche financière transformatrice envers les municipalités. Québec et les villes doivent revoir leur relation. Nos finances publiques et surtout notre avenir collectif en dépendent.

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