Les p’tits bobos

Quand consulter un orthophoniste pour l’enfant qui tarde à parler ?

Être parent d’un enfant en bas âge comporte son lot de défis. Et il arrive qu’on ne sache plus vers qui se tourner pour trouver des réponses à ces petits soucis du quotidien. Une fois par mois, La Presse explore une question qui touche le bien-être des enfants d’âge préscolaire à l’aide d’un spécialiste. Aujourd’hui : faut-il consulter un orthophoniste pour un enfant de 18 mois qui ne parle pas ?

Edith Fraser est préoccupée par le fait que son petit-fils de 18 mois « ne dit pas de mots clairement » – pas même papa et maman, précise-t-elle. Il comprend ce qu’on lui dit, reproduit les gestes et babille énormément, ce qui permet à ses proches d’avoir une très bonne interaction avec lui. « Doit-on penser à consulter un orthophoniste maintenant ou croyez-vous que cela peut se résorber dans les prochains mois ? », nous demande-t-elle.

« Jusqu’à 2 ans, il y a une grande variabilité dans le développement langagier des enfants », avance Marie-Pier Gingras, orthophoniste et doctorante en orthophonie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR).

Certains se retrouveront ainsi dans le groupe des « parleurs tardifs », ces enfants qui « prennent du temps avant de commencer à parler » – sans jamais avoir besoin d’une intervention. « Et il y a un autre groupe d’enfants qui vont être en difficulté à plus long terme et qui ne récupéreront pas leur retard », ajoute-t-elle, indiquant que le trouble développemental du langage (TDL) touche 7,5 % de la population au Québec.

Difficile, en revanche, de déterminer le groupe auquel appartient un enfant, malgré les nombreuses recherches menées sur le sujet…

« Est-ce que les parents ou quelqu’un dans l’entourage de cet enfant s’inquiète ? Ça reste un indicateur très valide pour dire que ça vaut la peine d’aller consulter. »

— Marie-Pier Gingras, orthophoniste

Si l’on se fie à la moyenne, un enfant de 18 mois devrait être capable de dire autour d’une cinquantaine de mots. Mais attention : il y a bien plus de mots qui « comptent » qu’on aurait tendance à le croire.

« Si l’enfant dit toujours “toto” pour bateau, par exemple, on va quand même compter ça comme un mot parce que c’est une suite de sons que l’enfant associe toujours à la même idée. » Et ce comptage inclut également les onomatopées ou les interjections comme « oh oh » – « parce que ça a un sens pour l’enfant », précise l’orthophoniste. « Il y a des parents qui disent que leur enfant ne dit pas de mots, mais après ça, on se rend compte qu’il fait 12 bruits d’animaux ! On veut renforcer toutes ces associations. »

Des gestes à la parole

La communication commence très tôt chez le poupon, qui indique à son parent, par un simple mouvement de tête, qu’il ne veut plus manger. Puis il commence à pointer et à gesticuler. « Quand les enfants sont capables de dire des mots, ils vont vite se rendre compte que c’est plus avantageux pour eux de parler que de faire un geste », souligne Marie-Pier Gingras.

En bas âge, l’orthophoniste va alors aider l’enfant à « entrer dans le langage » en explorant ses champs d’intérêt. « S’il aime jouer au ballon, pendant qu’on joue, on essaie de dire beaucoup “lance” ou “à moi”. Il faut que ce soit des mots payants, c’est-à-dire que l’enfant va vouloir utiliser. Et quand je dis beaucoup, ça peut être 30, 40 fois dans le jeu pour que vraiment ça devienne très clair pour l’enfant. »

Marie-Pier Gingras conseille également aux parents de laisser un temps de réponse suffisamment long à l’enfant – soit au moins cinq secondes. « Dans une conversation de tous les jours, il n’y a jamais de silences parce qu’il y aurait trop de malaise ; il y a quelqu’un qui va parler. Et souvent, avec l’enfant qui parle peu, l’adulte va vouloir remplir ces trous-là, ce qui fait que l’enfant a moins de place pour parler. »

Si, à trois ans et demi, l’enfant doit être compris des étrangers, il devrait être en mesure de produire tous les sons à 5 ans, même s’il peut en rester une minorité qui n’est pas tout à fait acquise. En même temps, l’apprentissage se fait à une vitesse fulgurante à cet âge, rappelle-t-elle.

L’objectif, c’est qu’une fois rendu à l’école, l’enfant pourra se servir du langage pour acquérir des connaissances (car le langage nourrit la cognition, précise l’orthophoniste), mais aussi pour développer ses relations sociales.

Vous êtes parent ou grand-parent d’un enfant d’âge préscolaire et vous voulez nous faire part d’une question qui vous préoccupe ? Écrivez à notre journaliste, nous tâcherons d’y répondre avec l’aide d’un expert.

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