Le tonnerre a grondé, la terre a tremblé, les lumières ont vacillé. Le « mot qui commence par un S » a été prononcé au centre d’entraînement du Canadien, mercredi matin, à Brossard.

Sans gêne, en plus. Mais comme il sortait de la bouche de Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket de Laval, tout le monde a rapidement pu respirer de nouveau.

Alors que s’amorce le camp des recrues du Tricolore, que chapeautent Houle et ses adjoints, il était de bon ton de discuter du vent de jeunesse qui soufflera sur l’île Jésus cette saison.

On peut en effet s’attendre à ce que plus de la moitié de la formation soit constituée de joueurs de 22 ans ou moins qui sont affiliés au Canadien. Sans compter ceux, un peu plus vieux, qui sont toujours considérés comme des espoirs de l’organisation – Cayden Primeau, Mattias Norlinder…

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Cayden Primeau

Or, même si le thème de la « croissance » que martèlent les dirigeants du Canadien sera aussi le mot d’ordre à Laval, on vise là-bas un « environnement gagnant ». « Dans la Ligue américaine, on veut tout le temps faire les séries éliminatoires », a lancé Houle au cours d’une mêlée de presse.

Le voilà donc, ce « mot qui commence par un S ». Plus tôt cette semaine, Jeff Gorton, vice-président aux opérations hockey du Canadien, s’était gardé de prononcer son équivalent anglophone : le « mot qui commence par un P », pour playoffs.

On veut développer des joueurs, ça fait partie de nos devoirs, mais on veut aussi gagner pour nos partisans.

Jean-François Houle, entraîneur-chef du Rocket

« Gagner, c’est développer », a résumé son adjoint Kelly Buchberger. Comme quoi tout est dans tout.

Un peu d’attente

En cela, le discours diffère de celui du Tricolore où, en ayant enterré pour objectif d’atteindre les séries, on valorise la manière avant les résultats. Chez le Rocket, on peut s’attendre à un heureux mélange des deux… quoique pas immédiatement.

« On y va au jour le jour, puisqu’il y a tellement d’impondérables dans la Ligue américaine, a prévenu Houle. Mais après Noël, on s’attend à voir une belle progression de nos jeunes joueurs. »

On peut comprendre sa mise en garde. En défense, on assistera probablement aux débuts chez les professionnels de Logan Mailloux, qui débarque des rangs juniors. Jayden Struble a vu un peu d’action le printemps dernier à son arrivée de l’Université Northeastern, mais il a essentiellement le statut de recrue. William Trudeau, lui, a créé une heureuse surprise à ses débuts l’an dernier, mais bon, il n’a toujours que 20 ans.

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Logan Mailloux

C’est en attaque que l’afflux de sang neuf sera le plus manifeste.

Filip Mesar, Sean Farrell, Riley Kidney et Joshua Roy devraient tous se diriger vers Laval, à moins de réussir l’impensable en se taillant un poste à Montréal. Avec eux, Emil Heineman, arrivé de Suède à la fin de la dernière campagne, devrait amorcer sa première saison complète de la Ligue américaine, encore qu’il soit parmi les rares candidats à pouvoir aspirer sérieusement à jouer avec le Canadien en octobre.

L’entraîneur adjoint Martin Laperrière ne le cache pas : ces joueurs repêchés par l’organisation, sinon développés à la suite d’une transaction (Heineman, par exemple), sont étiquetés comme « prioritaires ».

« Il faut leur porter une attention particulière, bien les accompagner et leur donner de l’espace, a-t-il expliqué. Ils doivent avoir la chance de commettre des erreurs et d’apprendre. C’est important, pour ça, de les entourer de bons vétérans qui vont les protéger, les encourager. »

Entrent alors en scène les Gabriel Bourque, Mitchell Stephens, même Lucas Condotta. Des joueurs plus vieux, qui en ont vu d’autres.

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Gabriel Bourque (20)

Cela étant, attention particulière ne signifie pas passe-droit. « On traite tout le monde de la même manière, a nuancé Buchberger. Peu importe l’âge ou d’où tu arrives. Les joueurs de première année sont traités comme les autres. Ils reçoivent tous le même degré de respect. »

Nervosité

Voilà pour le portrait global d’une saison qui n’est même pas amorcée.

Bien avant que les choses deviennent sérieuses, il y a toujours ce camp des recrues qui se met en branle. Les examens médicaux et tests physiques ont été faits mercredi, et une séance de patinage aura lieu ce jeudi matin avant un envol vers la perle de l’État de New York, Buffalo. Un groupe de 27 joueurs invités par le Canadien s’y mesurera aux espoirs des Bruins de Boston, des Devils du New Jesery, des Sénateurs d’Ottawa, des Penguins de Pittsburgh et des Sabres, hôtes du tournoi.

Résolument de belle humeur, Jean-François Houle a dit qu’il espérait y voir ses hommes « jouer avec la tête libre ». « C’est important de les laisser jouer, pour voir ce qu’ils peuvent nous donner », a-t-il précisé.

Rapidement, il faudra évacuer le stress. « Certains peinent à nous dire bonjour tellement ils sont nerveux, a raconté Kelly Buchberger en riant. Le premier jour, personne ne dit un mot dans le vestiaire. Ensuite, les gars sont plus à l’aise, entre eux et sur la glace. Après deux ou trois jours, c’est beaucoup mieux. »

« L’été a été long, les gars sont emballés. Tout le monde est prêt ! », a assuré son patron.

Buffalo ne croira même pas à ce qui lui arrive.