Opinion

Un monde de talents

Actuellement, les grandes économies mondiales mobilisent des ressources sans précédent pour soutenir la recherche et l’innovation, et recruter les meilleurs talents. Le Québec et le Canada doivent s’engager résolument dans cette course.

Pas facile d’être optimiste ces jours-ci. La lecture des nouvelles nous ramène sans cesse au constat que notre environnement climatique, politique, économique, culturel et social est dans un état d’instabilité préoccupant. Des transitions considérables se préparent et devront être mises en œuvre en accéléré.

Pour certains, cette combinaison est une source de profonde anxiété. Pour les universités, elle constitue un appel urgent à l’action.

Tous les grands pays l’ont réalisé : la construction du monde de demain exigera des investissements majeurs en recherche, la mobilisation du savoir et la création de réseaux d’expertise nationaux et internationaux.

Aux États-Unis, le président Joe Biden a lancé le plan Build Back Better, et le CHIPS and Science Act, avec des moyens astronomiques qui se chiffrent en milliers de milliards de dollars. En Europe, un pacte vert dégagera 600 milliards d’euros pour la recherche et l’innovation afin d’affronter les changements climatiques. Le programme Horizon Europe, un vaste projet de collaboration scientifique, est pour sa part doté d’un fonds de 95,5 milliards d’euros. À cet égard, nous saluons l’initiative du ministre François-Philippe Champagne qui entame les négociations avec la Commission européenne pour l’inclusion du Canada dans ce programme ambitieux.

La course aux talents est lancée. Qu’en est-il pour le Québec et le Canada ?

Il faut d’abord mieux soutenir les études à la maîtrise et au doctorat. Au sein de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), le Canada se classe bon premier pour le taux de diplomation au niveau postsecondaire, avec 57,7 % de diplômés parmi les personnes en âge de travailler (25 à 64 ans). Or, la plupart de nos diplômés postsecondaires sont issus de programmes courts, plutôt que des cycles supérieurs. Ainsi, parmi les 37 pays membres, le Canada se classe au 28e rang pour ce qui est du nombre de titulaires de diplômes de doctorat (1,1 %). Un retard qu’il faudra s’efforcer de combler. L’enjeu est réel : les étudiants aux cycles supérieurs constituent un formidable bassin de talent et sont aux premières lignes de la recherche et de l’innovation. Ils reçoivent une bonne part de leur formation en participant aux travaux de leurs profs, dans des laboratoires de pointe et des interventions sur le terrain. Sans leur apport, la recherche universitaire ainsi que notre capacité d’innover seraient grandement diminuées. Or, le financement des études supérieures au Canada stagne depuis deux décennies. Il est impératif de hausser les bourses d’études et le financement global de la recherche.

Ensuite, les États, les universités et les entreprises doivent collaborer davantage afin de créer les conditions gagnantes pour attirer et retenir chez nous les meilleurs chercheuses et chercheurs de la planète.

Cela demande de faciliter l’accès à nos équipes de recherche pour les partenaires internationaux. De faciliter l’immigration temporaire ou permanente des talents internationaux. De jouer dans la cour des grands en accroissant les investissements publics et privés en recherche et développement. Ici encore, le retard canadien est important. Nos dépenses en recherche et développement atteignent actuellement 1,75 % du PIB. Aux États-Unis, c’est plutôt 3,07 %, en Allemagne, 3,19 %, en Israël, 4,93 %, et en France, 2,20 %.

À défaut, les solutions aux problèmes les plus pressants de notre siècle seront développées ailleurs, parfois même par des Canadiens qu’on aura laissé partir. La recherche sur le Nord et l’Arctique, essentielle à la lutte contre les changements climatiques et à l’émancipation des peuples autochtones, ne sera plus canadienne. La révolution numérique, appuyée sur l’intelligence artificielle, sera pilotée par d’autres. L’autonomie du Canada dans la découverte et la production de nouveaux médicaments et vaccins ne pourra plus être assurée.

Enfin, il faut aussi miser sur l’innovation et la dynamisation du transfert des connaissances entre les universités et les autres secteurs.

L’histoire nous rappelle qu’après chaque crise mondiale, les grands pays ont investi massivement en innovation, accélérant le développement de nouvelles technologies et de nouveaux savoir-faire. Les universités canadiennes sont prêtes à contribuer à cet effort. À l’instar de la Stratégie québécoise de recherche et d’investissement en innovation (SQRI2), les structures canadiennes de financement de l’innovation doivent être mises à jour pour préserver le potentiel concurrentiel du Canada dans la course aux meilleures idées et aux meilleurs talents.

Pour faire face à l’avenir, nous avons besoin de nouvelles idées, et surtout des personnes talentueuses pour les porter. Le Québec et le Canada peuvent être aux premières loges d’un monde meilleur et leurs universités constituent un atout de taille pour y parvenir.

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