Mots de camelots

Aider avant plutôt qu’après ?

J’ai remarqué qu’au métro Papineau, il y a de plus en plus de gens en état de précarité. Les gens consomment des drogues dans le métro, mais que faut-il faire ? Les sortir de la station serait juste déplacer le problème.

Ce qu’on voit dans le métro, ce n’est pas le problème, c’est le résultat de ce qui s’est passé avant. La consommation peut être une échappatoire artificielle au mal de vivre créé, en ce moment entre autres, par l’inflation et le coût des logements.

Des fois, les gens utilisent les drogues comme automédication pour des problèmes émotionnels ou de santé mentale comme la dépression ou l’anxiété.

De plus, dans certains cas, il y a des antécédents de traumatisme ou de violence. La répression et la surjudiciarisation ne sont alors pas des solutions.

Parfois, quand on voit la police, ça peut envenimer la situation, ça peut créer un moment de panique.

Puis, c’est souvent moins cher et plus efficace de prévenir en encadrant les consommateurs, par exemple avec l’aide de pairs aidants ou d’intervenants psychosociaux. Ça permet à la police et aux agents de sécurité du métro de moins intervenir et de moins mobiliser les ambulanciers et les hôpitaux.

Dans les sites d’injection supervisés, les intervenants peuvent tout de suite agir en cas de surdose et bâtir des liens de confiance avec les usagers pour les aider à améliorer leur sort.

Peut-être que les consommateurs ne devraient pas être criminalisés pour la possession de drogues en petite quantité pour leur consommation personnelle, comme en Colombie-Britannique. Ça va aussi permettre d’alléger le travail de la police et le système judiciaire.

— Mario Alberto Reyes Zamora, participant à la cuisine

Inapte au travail et travaillante

Jeune adulte, j’ai reçu un diagnostic de trouble de la personnalité limite (TPL) et j’ai été reconnue inapte au travail. Malgré cela, je reste une personne travaillante, même si je ne peux occuper un emploi régulier compte tenu de mes limitations.

Mon état est la conséquence d’évènements dramatiques vécus dans mon enfance. Mon père est décédé quand j’avais 2 ans. Ma mère nous confiait de temps en temps, ma sœur et moi, à la garde d’un voisin qui nous a agressées. Puis, à la suite d’une tentative de suicide de ma mère, j’ai recommencé ma vie dans les centres et les familles d’accueil.

Vers l’âge de 30 ans, j’ai fait un séjour à l’hôpital psychiatrique. Suite à une tentative de suicide, mes deux enfants ont été placés. Après une séparation, je me suis retrouvée en maison d’hébergement puis j’ai vécu l’itinérance. C’est dans la rue que j’ai découvert des organismes d’aide qui m’ont menée vers des thérapies et un suivi médical. Ça m’a beaucoup aidée à parler de mes traumatismes et à entreprendre un processus de guérison.

La vie dans la rue m’a aussi permis de connaître L’Itinéraire. Grâce à mon travail de camelot, je rencontre des gens et ça me fait du bien de sortir de chez moi.

Malgré tout ce que j’ai traversé, je refuse de m’apitoyer sur mon sort et je m’efforce de m’entourer de positif. Je me rends compte de la chance que j’ai. Mes deux enfants vivent maintenant près de chez moi et j’ai une clientèle fidèle envers qui je suis très reconnaissante.

— Isabelle Beaupré, camelot marché Metro, centre commercial Domain

Un logement qui coûte cher !

Je prévoyais déménager le mois passé, mais dans cet appartement, il y a des petits amis que je n’aime pas trop : des coquerelles ! Le propriétaire est d’accord pour faire venir une compagnie pour ça, pour faire repeindre le logis et faire refaire les planchers en pin. Je vais rester dans un motel pendant 40 jours, le temps que les travaux se fassent. J’ai trouvé cet appartement en cherchant dans les journaux : La Presse, Le courrier du Sud, Le Devoir. C’est dans Le Devoir que je l’ai trouvé. J’ai déjà rencontré le propriétaire. J’ai payé le premier mois avec ma blonde, Carole. On a un bail qui commence le 1er juin. Le loyer est cher, mais il y a cinq circuits d’autobus qui vont au métro Longueuil, près de là. C’est un grand trois et demi, pas de balcon.

Il y a beaucoup de discrimination, à cause des prix et aussi parce que si tu es né au Québec, c’est plus facile que si tu es né en Haïti, par exemple.

Actuellement, on est quatre dans un quatre et demi, depuis quatre mois. Avant, j’étais dans la rue. Je couchais dans les refuges comme L’abri de la Rive-Sud, à Longueuil, où j’avais un casier postal. Je pouvais recevoir mon chèque. Mon agent d’aide sociale était au courant. Il essaye toujours de nous aider.

Ça fait longtemps que je n’ai pas eu de logement stable. C’est là que L’Itinéraire entre en ligne de compte. Avec l’argent que je vais gagner, ça va m’aider.

Heureusement que j’ai ma blonde avec moi ! Il nous reste à trouver des meubles.

— Gaëtan Vaillancourt, camelot à l’intersection de la rue Sanguinet et de la rue Sainte-Catherine Est

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