NOUVELLES CRAINTES D'ESCALADE

L’armée russe a subi jeudi la perte de son navire amiral en mer Noire, le croiseur Moskva ayant coulé, frappé selon les forces ukrainiennes par leurs missiles de croisière. Et au moment où un élargissement de l’OTAN semble de plus en plus probable, le maire de Marioupol, ville martyre, dément la prise par les troupes russes de sa zone portuaire.

Guerre en Ukraine

L’ire de Moscou face à la menace d’une OTAN élargie

La Finlande et la Suède pourraient bientôt se joindre à l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), une éventualité qui provoque la colère de la Russie. Si cela se concrétise, Moscou se dit prêt à sortir les armes nucléaires pour protéger ses frontières. Survol de la situation.

Pourquoi la Finlande et la Suède veulent-elles se joindre à l’OTAN ?

« L’intérêt est de bénéficier d’une garantie de sécurité de l’OTAN. En ce moment, elles sont complètement démunies en cas d’attaque par un autre pays », affirme d’emblée Luca Sollai, spécialiste de l’OTAN et chargé de cours au département d’histoire de l’Université de Montréal.

L’OTAN est une organisation regroupant 30 pays occidentaux qui assurent une assistance mutuelle en cas d’agression. Depuis sa création en 1949, la Finlande et la Suède sont demeurées neutres, mais la situation pourrait être appelée à changer.

La Finlande décidera « d’ici quelques semaines » si elle pose sa candidature pour adhérer à l’OTAN. « Je pense que ça interviendra assez vite. D’ici quelques semaines, pas quelques mois », a déclaré mercredi la première ministre du pays, Sanna Marin.

La Suède, qui n’exclut pas non plus de se joindre à l’alliance face à la menace russe, se fait plus discrète. Adhérer ou non, « rien n’est sans risque », a souligné mercredi la première ministre du pays, Magdalena Andersson.

Pourquoi les deux pays nordiques envisagent-ils seulement maintenant de se joindre à l’organisation ?

« En grande partie, c’est parce qu’ils considèrent que la Russie représente une menace plus grande que pendant la guerre froide, ce qui en dit long sur la situation actuelle », indique Frédéric Mérand, spécialiste de la politique européenne et directeur scientifique du Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal. L’opinion populaire a également évolué au cours des dernières semaines. Depuis le début du conflit en Ukraine, la proportion de la population finlandaise favorable à une adhésion à l’OTAN est passée de 20-25 % à 60-70 %, a déclaré la première ministre.

Pourquoi cette décision provoque-t-elle la colère de la Russie ?

« Si les deux pays se joignent à l’OTAN, Vladimir Poutine se sera tiré dans le pied », dit M. Mérand. Moscou a déclenché une guerre contre l’Ukraine en partie en invoquant la menace de l’élargissement de l’OTAN. Si la Finlande et la Suède décident de se joindre à l’organisation, « ce serait un terrible aveu d’échec », dit-il. La Russie se retrouverait également isolée et encerclée par des pays de l’OTAN en mer Baltique, ajoute M. Sollai.

Qu’est-ce que la Russie menace de faire en cas d’élargissement de l’OTAN ?

L’ex-président russe Dmitri Medvedev a affirmé jeudi que si la Finlande ou la Suède se joignaient à l’OTAN, la Russie renforcerait ses moyens militaires, notamment nucléaires, en mer Baltique et près de la Scandinavie. En cas d’adhésion, « les frontières de l’Alliance avec la Russie feraient plus que doubler. Et ces frontières, il faudra les défendre », a-t-il déclaré, évoquant aussi des déploiements d’infanteries et de systèmes antiaériens dans le nord-ouest de la Russie, ainsi que des forces navales dans le golfe de Finlande.

Évoquant les populations de Finlande et de Suède, il a estimé que « personne de sain d’esprit […] ne peut souhaiter une hausse des tensions à sa frontière et avoir à côté de chez soi des [missiles] Iskander, [des missiles] hypersoniques et des navires avec des armes nucléaires ».

Est-ce que la Finlande et la Suède ont de bonnes chances d’être acceptées au sein de l’OTAN si elles posent leur candidature ?

« D’excellentes chances. Près de 100 % », dit sans hésiter M. Mérand. « Ce sont des pays qui correspondent bien aux attentes et l’OTAN leur a toujours laissé la porte ouverte », ajoute-t-il. La situation est bien différente dans d’autres pays, tels que la Bosnie-Herzégovine et la Géorgie, qui ont déjà posé leur candidature, mais qui sont toujours en attente d’une réponse. « Un pays qui est dans un conflit ou qui a des forces armées qui ne sont pas prêtes ne sera probablement pas accepté », conclut-il.

— Avec l’Agence France-Presse

Guerre en Ukraine

Un « effort humanitaire requis immédiatement »

Des soldats canadiens seront déployés en Pologne pour aider les déplacés

Ottawa — De 100 à 150 membres des Forces armées canadiennes se rendront en Pologne pour appuyer les autorités du pays à accueillir les Ukrainiens qui fuient la guerre. Pendant ce temps, le Kremlin mène une campagne de « désinformation » sur les soldats canadiens.

Les militaires seront déployés un peu partout en Pologne ; la majorité d’entre eux appuieront les efforts de prise en charge, de traitement et de réinstallation des Ukrainiens, tandis que d’autres se joindront à une force opérationnelle militaire polonaise, a annoncé jeudi la ministre de la Défense nationale, Anita Anand.

« Cet effort humanitaire est requis en Pologne immédiatement », a-t-elle affirmé en conférence de presse à la base militaire de Trenton, en Ontario. Les militaires viendront principalement d’Edmonton, en Alberta, et de Kingston, en Ontario, et ils partiront dans les prochains jours, a-t-elle précisé.

Les soldats, dont certains maîtrisent l’ukrainien, fourniront du soutien, des soins médicaux de base, de l’aide en santé mentale et des services spirituels. Le déploiement, d’une durée initiale de deux mois, se fait dans le cadre de l’opération Réassurance, à laquelle le Canada contribue comme pays membre de l’OTAN.

La Pologne est le pays limitrophe de l’Ukraine où s’est rendue le gros de la population qui fuit la guerre. Plus de 2,6 millions de personnes ont franchi la frontière entre les deux pays depuis le début de l’invasion russe, le 24 février dernier.

Plus de 11 000 Ukrainiens, membres de leur famille et résidents permanents canadiens sont venus au Canada depuis le début de l’offensive de Moscou. En date du 6 avril, près de 120 000 demandes d’autorisation de voyage d’urgence ont été déposées, et quelque 32 000 ont été approuvées.

Les soldats et la propagande russe

La ministre Anita Anand a préféré ne pas s’étendre sur les informations voulant que le Kremlin instrumentalise des soldats canadiens dans ses efforts de propagande, comme en a fait état mercredi le Centre de la sécurité des télécommunications (CST).

Dans une enfilade publiée sur Twitter, l’agence de renseignement étranger a prévenu que la Russie menait ces campagnes de désinformation par l’entremise de « médias contrôlés » qui ont « diffusé de fausses histoires » sur les alliés de l’OTAN, dont le Canada.

« Ces faussetés comprenaient des images altérées des membres des Forces armées canadiennes en Ukraine [dans la région du Donbass] et de fausses allégations selon lesquelles les forces canadiennes commettaient des crimes de guerre », a précisé le CST.

Cela augmente-t-il le niveau de risque auquel s’exposent les militaires ? À cette question d’un journaliste, la ministre a répondu que la menace faisait l’objet d’une « surveillance constante ». Le gouvernement, a-t-elle ajouté, est convaincu que cette mission en Pologne est nécessaire, car elle est « dans l’intérêt de l’OTAN ».

L’ambassade s’en prend au cabinet Trudeau

Au lendemain de l’utilisation, par le premier ministre Justin Trudeau, du terme « génocide » pour qualifier la situation en Ukraine, l’ambassade de Russie à Ottawa y est allée d’une nouvelle bravade sur son compte Twitter.

« Il ne faut pas s’étonner de ce que le Canada dit au sujet de [la Russie], ni prendre cela au sérieux, quand on sait que la politique étrangère du cabinet libéral est subordonnée aux intérêts [des États-Unis] et du lobby ukrainien du Canada. »

— L’ambassade de Russie à Ottawa, dans un tweet

La vice-première ministre Chrystia Freeland a fait écho aux propos du premier ministre Trudeau, jeudi.

« C’est approprié d’utiliser le mot génocide. Il y a évidemment un aspect légal, et c’est aux avocats, aux cours de justice, aux juges, de travailler sur cet aspect très technique. Mais [sur le plan] politique, [sur le plan] moral, oui, c’est un mot approprié à utiliser », a-t-elle dit à Calgary, où elle se trouvait pour parler du budget fédéral.

Le ministère des Affaires étrangères de Russie a sanctionné mercredi 87 sénateurs canadiens. Il y a un mois, le Kremlin avait fermé les portes de la Russie à Justin Trudeau et à la majorité des élus de la Chambre des communes en représailles face aux sanctions décrétées par Ottawa.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.