Candidats aimant climats lourds recherchés

C’est tout un camouflet qu’a reçu Sue Montgomery, mairesse de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, dans le rapport de 49 pages de la Commission municipale du Québec (CMQ). Celle qui prétend depuis des mois qu’elle est victime d’injustice se voit reprocher 11 manquements déontologiques.

J’ai lu le document. Comme climat pourri, on pourrait difficilement faire mieux. Page après page, on découvre comment une ambiance qui aurait pu être améliorée par la mairesse s’est gravement détériorée.

Vous voulez un exemple ? Lors d’une rencontre informelle qui s’est déroulée à sa résidence le 10 janvier 2020, la mairesse « aurait déclaré que le contrôleur général [Alain Bond] était un pédophile et que le directeur de l’arrondissement [Stéphane Plante] se basait sur des photos le montrant avec de jeunes garçons pour le faire chanter afin d’obtenir ce qu’il voulait ».

Les conseillers Magda Popeanu et Christian Arseneault, présents à cette soirée, affirment avoir entendu ces propos qui n’ont pas manqué de susciter un profond malaise.

Sue Montgomery nie avoir utilisé le terme « pédophile », mais reconnaît qu’elle a « mentionné avec humour et sarcasme que le directeur de l’arrondissement devait avoir en sa possession des photos d’Alain Bond et qu’il pouvait s’en servir à ses propres fins ».

Le Tribunal a conclu que ces propos étaient « gratuits, injustifiés et attaqu[aient] l’honneur et la dignité du contrôleur général ».

Quand je vous dis climat pourri…

C’est la quatrième chronique que j’écris sur cette incroyable saga. J’aimerais que ça soit la dernière. J’aimerais également que la mairesse Sue Montgomery accepte dignement les conclusions de cet avis qui retient 11 manquements et en rejette 17 autres.

Rappelons que cette affaire a commencé en décembre 2019 lorsqu’un rapport du contrôleur général de la Ville de Montréal, Alain Bond, a fait état de plaintes pour harcèlement psychologique émanant de deux employés, dont Stéphane Plante, le directeur de l’arrondissement. Ces plaintes visaient Annalisa Harris, cheffe de cabinet de Sue Montgomery.

Le contrôleur général Alain Bond a alors exigé que Mme Harris n’ait plus de contact avec les victimes alléguées. On a aussi demandé à Sue Montgomery de congédier sa cheffe de cabinet. Rien de tout cela n’a été fait.

Dix-huit mois plus tard, la CMQ conclut que Sue Montgomery « n’a pas agi de façon à favoriser le maintien d’un climat de travail harmonieux, sain et exempt de toute forme de harcèlement ».

Le document fait également état de « propos répétés, non désirés, vexatoires, humiliants, harcelants ou intimidants à l’égard de l’une des personnes identifiées ». Sue Montgomery a notamment brandi son téléphone cellulaire pour signaler qu’elle voulait enregistrer les propos de certaines personnes.

Depuis le début de cette affaire, Sue Montgomery se bat pour protéger son intégrité et la présence de sa cheffe de cabinet qui lui semble absolument indispensable. Mais qu’a-t-elle fait pour protéger ses employés ?

C’est à la mairesse d’un arrondissement de trouver des solutions, de bâtir des ponts, d’éteindre les feux. Cet acharnement et cette attitude déconcertante ont mené la mairesse de Montréal, Valérie Plante, à expulser de son caucus celle qui était vue au départ comme un pilier de Projet Montréal.

Quelle trajectoire désolante.

Fière d’une victoire à la Cour supérieure qui a reconnu en décembre dernier que le contrôleur général n’avait pas le droit d’exiger que sa cheffe de cabinet « ne puisse avoir aucune communication […] avec quelque fonctionnaire de l’arrondissement », Sue Montgomery a engagé une poursuite contre Valérie Plante, Alain Bond et la Ville de Montréal. Elle réclame 120 000 $. Annalisa Harris poursuit, elle aussi, les mêmes instances, réclamant 186 000 $.

Et qui paye pour tout cela, pensez-vous ? Vous et moi, bien sûr. La défense de Sue Montgomery a coûté à ce jour 275 000 $. Selon le parti Ensemble Montréal, les frais liés à l’ensemble des actions judiciaires s’élèveraient à près de 600 000 $.

Sue Montgomery affirme qu’elle a un honneur à défendre. Quand je l’ai rencontrée à la suite de son éjection de Projet Montréal, en janvier 2020, elle m’a convaincu de cela. Quand elle est arrivée à La Presse, j’étais persuadé qu’elle avait tort. Une heure plus tard, elle a fini par me faire croire que la mairesse Valérie Plante et tous ceux qui gravitaient autour d’elle étaient les fautifs dans cette affaire.

Sue Montgomery a un énorme pouvoir de persuasion. Mais après avoir pris connaissance de l’avis de la CMQ, je crois sincèrement que Sue Montgomery a surtout un gros ego à défendre.

Pour chaque manquement, la mairesse Sue Montgomery risque une peine qui peut aller de la réprimande à une suspension de 90 jours. Précisons que les suspensions sont cumulatives. Le juge administratif Alain R. Roy va entendre les parties prenantes le 6 juillet prochain afin de déterminer l’ampleur des sanctions. J’ai très hâte de voir à quoi elles vont ressembler. Une mairesse suspendue par la CMQ, ce n’est pas très glorieux.

Le dernier exemple en date est celui de la mairesse de Chandler, Louisette Langlois, qui s’est vu imposer une suspension de 180 jours en décembre 2020, et cela « sans rémunération, allocation ou toute autre somme qu’elle pourrait recevoir de la Ville ou d’un autre organisme sur lequel elle siège à titre de membre du conseil », précisait le jugement.

Cette suspension pour 20 manquements déontologiques est à ce jour la plus longue peine jamais imposée par la CMQ.

Sue Montgomery a récemment créé son propre parti, Courage, et tentera de briguer un second mandat dans l’arrondissement de Côte-des-Neiges–Notre-Dame-de-Grâce, le plus populeux de Montréal. Annalisa Harris essayera de se faire élire comme conseillère dans le district de Loyola.

Sue Montgomery est à la recherche d’autres candidats. Si vous aimez les climats lourds, les batailles judiciaires et les relations tendues, ce poste est pour vous. Avis aux intéressés !

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