Recherche scientifique

Lutter contre la COVID-19 grâce à la génomique

Tout organisme vivant possède un code qui le définit : son génome. En étudiant ainsi le génome du virus qui cause la COVID-19, de même que celui des gens atteints, les scientifiques espèrent mieux comprendre la nature du virus pour guider la mise au point de traitements et de mesures préventives. Voici un survol des efforts déployés partout au pays, et plus particulièrement au Québec.

Le Canada compte six centres génomiques régionaux, des organismes à but non lucratif qui travaillent sur de grands projets de séquençage du génome humain. Réunis en un réseau coordonné par Génome Canada, ces centres régionaux demeurent indépendants dans leur territoire.

Parmi ces pôles, celui de Génome Québec est l’un des plus importants fournisseurs de services génomiques du pays, comprenant une plateforme de séquençage au CHU Sainte-Justine de Montréal ainsi qu’une biobanque au Saguenay-Lac-Saint-Jean (en partenariat avec le CIUSSS) où sont entreposés des échantillons biologiques destinés à la recherche.

RCanGéCO : 40 M$ pour la recherche

En avril dernier, pour coordonner les efforts de recherche dans la lutte contre le coronavirus, Génome Canada a lancé le Réseau canadien de génomique COVID-19 (RCanGéCO). Grâce à un financement de 40 millions de dollars, ce consortium travaille au séquençage de 150 000 échantillons viraux et de 10 000 génomes humains, afin de comprendre le comportement de cet ennemi microscopique et d’apprendre à mieux le contrôler.

Séquençage du virus

Déjà, cette recherche a permis de recueillir de précieuses informations au niveau international. « Les chercheurs en génomique ont pu identifier huit groupes différents du virus et comment ces groupes sont distribués dans le monde », explique Catalina Lopez-Correa, directrice exécutive de RCanGéCO.

« Le virus change rapidement et fréquemment, mais ces mutations ne modifient pas ses parties essentielles ; nous prévoyons donc que les médicaments et vaccins en développement seront efficaces. »

- Catalina Lopez-Correa, M. D., Ph. D., directrice exécutive de RCanGéCO

À ce jour, plus de 80 000 échantillons du virus ont été traités, standardisés, identifiés et entreposés dans la biobanque de Génome Québec. Les données recueillies sont d’abord communiquées aux autorités de santé publique pour orienter la gestion des éclosions, puis rendues disponibles pour fins de recherche médicale.

Comprendre les effets du coronavirus chez les patients

En plus d’étudier le virus lui-même, il faut comprendre ses effets sur l’humain, lesquels varient grandement d’un patient à l’autre. Pourquoi donc certains jeunes se retrouvent-ils aux soins intensifs, alors que des patients plus âgés demeurent asymptomatiques ? « Cette interface entre les caractéristiques du virus et celles du patient forme une clé de recherche importante », croit Daniel Coderre, Ph. D., ASC, et président-directeur général de Génome Québec.

Dans 11 hôpitaux universitaires du Québec, des échantillons sanguins sont ainsi recueillis auprès des patients, avec leur consentement. Les données de séquençage et les échantillons physiques demeurent accessibles par le biais d’une biobanque « décentralisée », un concept unique coordonné par le chercheur de l’Université McGill Vincent Mooser.

« Par la même occasion, le Québec se dote d’une vaste infrastructure de recherche qui sera extrêmement porteuse pour les années à venir. Plutôt que de travailler en parallèle, notre communauté collabore maintenant sur des projets communs. »

- Daniel Coderre, président-directeur général de Génome Québec

L’intelligence artificielle pour propulser la recherche génomique et la découverte de médicaments

Le séquençage du virus et des patients produit une quantité massive de données : leur interprétation par des humains nécessiterait un temps fou. « Mais grâce à l’intelligence artificielle, il devient possible de comparer les informations pour reconnaître quelles molécules parviennent à inhiber le virus, résume Daniel Coderre. Ce que nous observons pourrait ensuite être synthétisé et reproduit, sous forme de nouveaux médicaments. »

Ce projet est réalisé en collaboration avec Mila - Institut québécois d’intelligence artificielle et l’Institut de recherche en immunologie et en cancérologie de l’Université de Montréal.

Se préparer pour l’avenir

En plus de servir d’outils dans la lutte contre la COVID-19, ces nombreux projets améliorent la capacité du Canada à réagir à de prochains enjeux. « Nous voulons nous assurer d’avoir tous les équipements, les laboratoires, les connaissances et les effectifs pour produire des séquences rapidement et pour permettre la prise de décisions en temps réel, explique Catalina Lopez-Correa. Cette pandémie démontre bien comment la génomique peut être utilisée de façon concrète pour le mieux-être de tous. »

Daniel Coderre ajoute : « Et si le Québec et le Canada sont en mesure d’agir de façon aussi proactive, c’est parce qu’avec le soutien des deux ordres de gouvernement, nous avons été visionnaires et avons su nous doter d’une masse critique de calibre international, qui nous permet aujourd’hui de nous distinguer parmi les meilleurs. »

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