Projet de loi 11

Une « gifle » aux médecins de famille, accuse la FMOQ

Québec — L’un des piliers de la « refondation » du système de santé promise par le ministre Christian Dubé vacille : la Fédération des médecins omnipraticiens du Québec (FMOQ) réclame l’abandon du projet de loi 11 qui vise à accroître l’offre de services de première ligne par les médecins de famille. Autant le Collège des médecins que le Conseil pour la protection des malades déplorent par ailleurs que Québec rate sa cible.

L’étude du projet de loi 11 « visant à augmenter l’offre de services de première ligne par les médecins omnipraticiens et à améliorer la gestion de cette offre » débutera mardi et d’entrée de jeu, le principal interlocuteur du gouvernement Legault demandera à ce dernier de reculer et d’abandonner le texte législatif.

La proposition du ministre de la Santé est « un choix politique irresponsable », une « gifle incompréhensible » aux omnipraticiens et « une attaque irréfléchie contre les intérêts des Québécois en matière de soins médicaux », écrit sans ambages la FMOQ dans un mémoire qui sera présenté aux parlementaires mardi.

« Ce projet de loi 11 est totalement inutile et totalement incompréhensible. Il ne règlera d’aucune manière la situation de la première ligne au Québec. Pire, il la dégradera encore plus. »

— La FMOQ dans le document obtenu par La Presse

Christian Dubé a promis l’automne dernier de s’attaquer à la liste de plus de 800 000 Québécois inscrits au Guichet d’accès à un médecin de famille avec son projet de loi.

Le ministre veut déployer une plateforme des gestions de rendez-vous, un genre de « système Trivago », pour que les patients orphelins puissent obtenir une consultation en moins de 36 heures. Il obligera notamment les médecins à offrir davantage de disponibilités à leur groupe de médecine de famille (GMF).

« Comment peut-on en venir à croire sérieusement que la résolution des problèmes d’accès à un médecin de famille en première ligne peut se résumer à un simple clic dans un système électronique de rendez-vous ? Les médecins de famille traitent des patients. Ils ne gèrent pas des marchandises », argue la FMOQ.

Selon le syndicat de médecins, le projet de loi 11 est « une entrave majeure » au processus de négociation entre la FMOQ et le gouvernement. De plus, il « dévalorise la médecine de famille ».

Meilleur accès aux données

Pour y arriver, le PL11 prévoit plusieurs dispositions pour mieux connaître l’emploi du temps des omnipraticiens. L’accès aux données est l’un des quatre axes du vaste plan de « refondation » du système de santé que souhaite déployer le ministre de la Santé pour « redresser » le réseau, mis à mal par la pandémie.

La FMOQ est d’avis qu’au contraire, le projet de loi « met en péril la qualité et la dispensation des soins médicaux généraux ».

Le Collège des médecins et le Collège québécois des médecins de famille, qui défileront aussi devant les parlementaires cette semaine, émettent également des préoccupations en ce sens.

« Il faut se rappeler que ce n’est pas une question de quantité des actes ou de disponibilités qui sont les seuls vecteurs d’une médecine de qualité », a expliqué le président du Collège des médecins, le DMauril Gaudreault, qui réclame aussi la mise en place d’un plan de revalorisation de la médecine familiale.

« On pense que ça ne sera pas un très bon coup. On a l’impression que [le projet de loi] ne permettra pas d’augmenter l’offre, mais créera surtout des dommages qui vont à court, moyen et long termes réduire l’offre de soins par les médecins de famille. »

— La Dre Caroline Laberge, présidente du Collège québécois des médecins de famille

Le Collège des médecins demandera également au gouvernement de préciser ses visées quant à l’utilisation des données sur les omnipraticiens.

François Legault avait révélé à l’automne avoir obtenu une liste identifiant les médecins qui ne prenaient pas en charge suffisamment de patients à partir de données de la Régie de l’assurance maladie du Québec et avait évoqué la possibilité de la transmettre aux établissements de santé. Le ministre Dubé avait par la suite nuancé les propos du premier ministre et affirmé qu’il s’agissait d’une liste anonymisée.

Le ton avait alors monté d’un cran entre les médecins et le gouvernement Legault. La menace de pénalité avait finalement été écartée dans le projet de loi 11. Christian Dubé avait alors parlé « d’une main tendue » aux médecins de famille. La FMOQ dit plutôt y voir « une action législative hostile et vexatoire ».

Un accès élargi réclamé

Plusieurs groupes consultés par La Presse lundi croient que l’accès à la première ligne ne peut pas reposer que sur les médecins de famille. « Je pense [que le gouvernement] se trompe de cible, il faut voir ça de façon plus globale et englober les ordres professionnels », dit le DGaudreault, qui propose que des équipes élargies soient formées dans les GMF.

Une vision qui fait écho à celles de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ) et de l’Association des infirmières praticiennes spécialisées du Québec (AIPSQ), qui demandent de jouer un rôle plus important.

« Si on continue d’avoir un monopole de l’accès à la première ligne par le médecin, on va demeurer dans le même problème longtemps. »

— Luc Mathieu, président de l’OIIQ

« Notre proposition est de répartir l’inscription en équipe avec l’ensemble des professionnels », ajoute la présidente de l’AIPSQ, Christine Laliberté.

Le Conseil pour la protection des malades déplore également le fait que le projet de loi dans sa forme actuelle « manque malheureusement la cible » et « demeurera une initiative législative isolée qui ne résoudra pas le problème d’accès » si Québec ne mise que sur les médecins pour les soins de première ligne.

« Je n’ai pas vu d’autres professionnels dont le travail est visé par le projet de loi et pour nous, ce n’est pas comme ça qu’on va régler le problème d’accès », soutient en entrevue le président-directeur général, Paul Brunet.

800 000

Nombre de Québécois en attente d’un médecin de famille, un nombre qui peut atteindre maintenant 1,5 million selon le ministre de la Santé, Christian Dubé

Source : Ministère de la santé et des services sociaux

1000

Il manque 1000 médecins de famille pour combler la totalité des besoins en médecine de première ligne.

Source : Fédération des médecins omnipraticiens du Québec

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