Commerce de détail

Les soldes se font rares

Les chasseurs d’aubaines risquent à l’occasion de revenir bredouilles de leurs séances de magasinage au centre commercial ou au supermarché, au cours des prochains mois. Les soldes seront en effet moins fréquents cette année, ils s’appliqueront à un nombre d’articles plus limité et les rabais risquent également d’être beaucoup moins généreux.

Si les clients ont encore les deux pieds dans la neige, ce sont les bottes et les manteaux d’hiver que La Cordée, détaillant spécialisé dans le plein air, offre actuellement à prix réduit. Or, seuls quelques modèles affichent des rabais, car Steven Poirier, vice-président achat à La Cordée, craint de manquer de stocks… pour l’hiver prochain.

« On est plus sélectifs sur les modèles qu’on met au rabais, reconnaît-il au bout du fil. Dans une année normale, on mettrait le département au complet avec un pourcentage de rabais, et ça serait réglé. Pour être honnête, on est inquiets de la livraison des produits de l’hiver prochain. Oui, on veut pousser les stocks et inciter nos clients à acheter. Mais si on ne réussit pas à vendre nos manteaux cet hiver, on va être très contents d’avoir les stocks l’hiver prochain. »

Les consommateurs à la recherche d’un vélo et d’une paire de skis de fond devront quant à eux faire une croix sur de futures baisses de prix, selon M. Poirier. « Il y a des catégories comme le vélo ou le ski de fond où, aussitôt que le produit vient de rentrer, cinq jours plus tard, il n’en reste plus. On n’a jamais le temps de mettre des rabais. Et est-ce qu’on veut mettre des rabais ? La demande est tellement forte qu’on n’a pas besoin de le faire. »

Dans le domaine de la chaussure, Jean-François Transon, président de Club C et de Nero Bianco, veut à tout prix « protéger son inventaire ». « C’est l’offre et la demande : si j’ai moins de produits et que j’ai une demande qui est égale, non, je ne ferai pas de soldes. Je vais me retrouver [avec des rayons] vides trop vite. On va protéger notre stock. »

« Actuellement, nous sommes en soldes. Il y a des baisses de prix, mais c’est beaucoup moins agressif que l’année passée. [Avant], ça pouvait aller, sur certains modèles, jusqu’à 50 %. Là, on ne dépasse pas les 10 % et 15 %. »

— Jean-François Transon, président de Club C et de Nero Bianco

À l’instar de La Cordée, le patron de Club C appréhende les saisons à venir. Les chaussures pour l’été et l’automne pourraient arriver au compte-gouttes dans ses magasins. Si bien qu’il conseille aux parents de faire l’achat de souliers pour leurs enfants en prévision de la rentrée de septembre avant la fin de la présente année scolaire.

« J’ai déjà des indications indiquant qu’il va manquer certains modèles pour l’été, qu’ils vont être retardés, et il risque de se passer la même chose pour la rentrée scolaire, explique M. Transon. Une mère qui a l’habitude de magasiner en juillet pour la rentrée scolaire, je lui conseillerais de magasiner en mai ou en juin. »

Hausses de prix

Les hausses de prix auxquelles font face les détaillants en dissuadent plus d’un d’étiqueter des rabais sur leur marchandise. « Dans les meubles, on a autant de promotions, mais je dirais que ce sont les rabais qui sont moins grands, explique David Larivière, vice-président exécutif des magasins de meubles et d’électroménagers Germain Larivière. [Comme détaillant], on a des hausses de prix de 20 % à 30 %, donc c’est très difficile d’ajouter toutes ces hausses-là dans le prix de vente actuel. On subventionne beaucoup les prix en ce moment. »

L’entreprise, qui possède trois magasins, donne actuellement l’équivalent des taxes en rabais à ses clients. « Nos marges sont beaucoup plus basses qu’avant. On donne des rabais en conséquence. »

« En général, je ne vois pas comment une entreprise peut faire solde après solde sans remonter de manière importante son prix original, parce que les prix augmentent partout », fait remarquer Lili Fortin, présidente de Tristan.

Selon elle, il y aura encore des ventes de fin de saison, mais celles qui, dans certains magasins en mars et en avril, pouvaient se faire sur toute la marchandise, par exemple, risquent de se faire plus rares. Mme Fortin ajoute par ailleurs que les mégaventes n’ont jamais fait partie de l’ADN de l’entreprise, tentant toujours de faire en sorte que le premier prix affiché « soit le juste prix ».

Pierre-Olivier Mercier, président fondateur des boutiques WLKN, connues notamment pour leurs vêtements confortables en coton ouaté, explique lui aussi ne pas faire beaucoup de soldes de manière générale. « On a quand même un atout de taille : on vend du coton ouaté 12 mois par année », précise M. Mercier. Il n’a donc pas besoin de liquider des stocks pour faire de la place aux vêtements de la prochaine saison.

En épicerie aussi

Les promotions offertes sur les produits en supermarchés seront de moindre importance au cours des six à huit prochains mois, ce qui veut dire que les prix proposés ne seront pas aussi bas qu’à l’habitude. Cette affirmation, Francis Parisien, vice-président pour l’est du Canada de NielsenlQ, qui analyse notamment les tendances et comportements des consommateurs, l’a faite en début de semaine dernière au cours d’une présentation organisée par le Conseil de la transformation alimentaire du Québec (CTAQ).

Bien que moins généreuses, les promotions ne sont pas près de disparaître. C’est à tout le moins ce qu’a affirmé le président et chef de la direction de Metro, Eric La Flèche, au cours d’un point de presse, en marge de l’assemblée générale annuelle des actionnaires, tenue le 25 janvier. « Je ne dirais pas qu’il va y avoir moins de promotions. On s’efforce dans chacune de nos [enseignes] d’offrir le plus de valeur possible, le meilleur rapport qualité-prix. On va toujours garder des programmes promotionnels percutants dans toutes nos [enseignes]. »

Les clients

Par ailleurs, comment réagissent les clients face à cette offre irrégulière ? « Il y a certaines frustrations qui sont compréhensibles, observe, à La Cordée, Steven Poirier. C’est sûr que ça crée un effet d’urgence. Le consommateur aujourd’hui magasine moins. S’il trouve ce qu’il veut dans un magasin, il ne prendra pas le risque d’aller voir ailleurs. Il va sauter sur le produit parce qu’il sait qu’en revenant, ça se peut qu’il ne soit plus là. »

Concernant la diminution du nombre de soldes, Lili Fortin y voit pour sa part une certaine façon de calmer la grogne de certains clients. « Les gens qui achètent à prix non soldé avaient presque une frustration quand l’article tombait en solde trois jours plus tard. Alors là, ça nous règle un problème. »

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