Au-delà des préjugés sur la détransition

Certaines personnes qui entament une transition de genre décident, à un moment ou à un autre, de détransitionner. Ce phénomène, bien que marginal, se doit d’être compris pour mieux accompagner les jeunes transgenres, plaide Denise Medico, professeure au département de sexologie de l’UQAM. Avec d’autres universitaires, elle participe à la première recherche majeure sur l’interruption des transitions de genre du point de vue de jeunes transgenres et de professionnels de la santé.

« Ce qui ressort de nos entrevues est loin du portrait lancé dans certains débats. On n’est pas dans les regrets ou les erreurs. Il s’agit plus d’un parcours, pour finalement se retrouver », explique Mme Medico.

Les travaux de recherche toujours en cours visent à comprendre le vécu des jeunes dans la vingtaine qui entament une détransition. Le nombre de personnes ayant interrompu leur transition n’est pas connu des chercheurs. On croit toutefois qu’ils sont moins de 10 %, estime Mme Medico.

Le discours populaire considère parfois la détransition comme un « changement d’idée », dressant le portrait grossier de jeunes confus qui ont fait une erreur. « Cette idée est erronée », pense l’experte. Les témoignages récoltés au cours des travaux sont plus nuancés et pondérés.

Les personnes en détransition ne retournent pas nécessairement à leur sexe biologique. Parmi les 20 participants, la majorité a dit ne pas vouloir revenir à une identité féminine ou masculine.

« La tendance qu’on voit, c’est que beaucoup se considèrent comme non-binaire ou queer. La majorité [des personnes en détransition] ne va pas retourner au cisgenre, mais plutôt mieux s’affirmer dans la non-binarité.  »

— Denise Medico, professeure au département de sexologie de l’UQAM

Le fait d’avoir plus d’éducation et de sensibilisation dès l’enfance permettrait de bien définir ces concepts. Les jeunes seraient mieux accompagnés dans leur parcours et la découverte de leur identité, selon elle. D’ailleurs, le phénomène de détransition demeure « très minoritaire » et ne doit pas servir à invalider le vécu des personnes trans, précise-t-elle.

Parcours multiples

Que disent les jeunes qui détransitionnent ? « Des gens nous disent qu’il fallait qu’ils passent par là pour se retrouver dans leur non-binarité, par exemple, explique Denise Medico. Ce n’est pas un parcours linéaire, selon les témoignages qu’on reçoit. »

D’autres se considèrent toujours comme transgenres, mais ne ressentent plus le besoin de ressembler physiquement à un homme ou une femme. « Pour certains, la transition médicale est vitale. D’autres ne souhaitent simplement plus de traitements ni de médicaments. »

Il peut également y avoir des pressions externes liées à la transphobie, évoque la professeure. Les participants sont affectés par le manque d’accompagnement et d’écoute en tant que personnes transgenres, mais également lorsqu’ils interrompent leur transition.

« Ce n’est pas toujours le côté médical qui est lourd à porter. Si toute votre vie, vous devez porter ce fardeau et tout le temps avoir à vous battre pour affirmer votre identité, ça risque de peser dans la balance. »

— Denise Medico, professeure au département de sexologie de l’UQAM

On observe ces dernières années une augmentation du nombre de personnes trans qui entament un processus d’affirmation de leur identité, confirme Mme Medico. C’est pourquoi il faut penser à accompagner les gens durant leur transition ou leur questionnement. « L’accompagnement médical seul n’est pas suffisant, souligne-t-elle. On voit qu’il y a un changement profond chez les jeunes qui sont sensibles à ces questions. »

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