Premier débat des chefs

Vos questions, les réponses d’une politologue

Qui a gagné le premier débat des chefs ? Qui en est le grand perdant ? Et le format a-t-il réellement permis des échanges constructifs et éclairants pour les électeurs ? Notre experte invitée, la politologue de l’Université Concordia Mireille Paquet, répond à quelques questions qui ont été posées durant le débat par nos lecteurs.

Selon vous, qui a le mieux performé dans ce débat ?

Il reste difficile de savoir qui a « gagné » ce débat. François Legault a marqué des points avec des attaques dirigées contre Québec solidaire et contre Éric Duhaime. Gabriel Nadeau-Dubois a continué à se montrer calme et à communiquer aux électeurs sa nouvelle maturité. Dominique Anglade et Éric Duhaime ont pu faire bonne figure face à des électeurs qui n’avaient peut-être pas eu la chance de les entendre de vive voix.

Au-delà des chefs eux-mêmes, qu’est-ce qui a marqué ce premier débat à votre sens ?

Je note dans les commentaires une réelle déception quant au format. Je partage cette impression : les échanges ont souvent été cacophoniques et ils ne permettaient pas aux candidats de présenter leurs idées sans interruption. Sinon, il n’y a pas eu de gaffes notables chez les candidats, mais on sentait bien que François Legault était moins à l’aise que les autres avec, justement, le format du débat.

Les débats télévisés sont des exercices qui peuvent contribuer à informer les électeurs et les aider à faire leur choix. Toutefois, il est juste de dire que le format peut aussi engendrer de la frustration et un sentiment de désaffection chez les citoyens. Il est donc important que les organisateurs soignent le format et assurent une modération efficace.

Dans quelle mesure les débats télévisés ont-ils une influence sur les élections de nos jours ?

Les débats télévisés continuent d’être très regardés au Québec, à l’heure actuelle. Cela dit, il est vrai que les électeurs ont maintenant accès à beaucoup d’autres sources d’information. Autrement dit, l’influence des débats sur le vote n’est pas automatique, mais ils peuvent contribuer au choix de certains électeurs.

Que valent légalement les promesses électorales ? Les chefs donnent leur parole, mais à quel point sont-ils tenus de la tenir ?

En fait, les promesses électorales n’ont pas de valeur légale : une fois élu, un gouvernement n’est pas tenu par la loi de réaliser une promesse faite pendant la campagne. C’est aux électeurs, par leur vote, de décider s’ils considèrent que les promesses ont été respectées et s’ils souhaitent punir un parti en ne leur accordant pas leur vote. Par ailleurs, il semble que certains partis ont fait le diagnostic que la seule façon de gagner des voix est d’aller sur le terrain des électeurs qui ne voteront pas pour la CAQ, plutôt que d’essayer de gruger l’électorat du gouvernement sortant.

Quel est le lien réel entre la langue et l’immigration ? L’idée d’un déclin linguistique semble forte et déconnectée des questions d’immigration. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Le lien entre immigration et langue est multidimensionnel. Au Québec, les immigrants économiques sont sélectionnés sur la base de plusieurs critères, dont la connaissance du français. Bien entendu, certains nouveaux arrivants ne parlent pas français, mais le gouvernement et les organismes communautaires offrent des cours pour apprendre le français. L’immigration n’est pas l’unique cause du déclin du français.

Si la CAQ avait réellement respecté sa promesse de réformer le mode de scrutin, serait-elle majoritaire au final avec les chiffres du sondage publié jeudi avant le débat ?

Le projet de loi 39 proposait l’établissement d’un mode de scrutin mixte avec compensation régionale. Le sondage publié jeudi montrait que 38 % des répondants avaient l’intention de voter pour la CAQ. Il est difficile de répondre précisément à la question sans détails quant à la distribution régionale des intentions de vote, quant à la formule de compensation régionale et aussi sans savoir comment les électeurs s’adapteraient à un nouveau mode de scrutin. Néanmoins, il semble prudent d’avancer que la route vers une forte majorité serait alors moins simple pour la CAQ.

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