Mon clin d'œil

« C’est quand l’émission Six chefs, une élection ? »

— Maxime Bernier

Réplique : Tragédie afghane

Des erreurs graves, mais pas de complots

En réponse au texte de Yakov Rabkin, « Qui a déclenché la tragédie afghane ? », publié le 20 août1

Yakov Rabkin, dans son texte d’opinion publié dans La Presse le 20 août dernier, affirme que les États-Unis sont responsables historiquement de celle-ci. La réalité est franchement plus complexe, sans absoudre bien sûr Washington d’un nombre incalculable de fautes commises pendant 20 ans.

M. Rabkin affirme notamment que c’est l’ancien conseiller pour la sécurité nationale du président Carter, Zbignew Brzezinski, qui aurait habilement provoqué l’URSS à intervenir en Afghanistan en décembre 1979, et qui serait ainsi le grand coupable de cette tragédie. Pourtant, la « théorie du piège » que Brzezinski a lui-même avancée en janvier 1998 a été depuis récusée par plusieurs historiens qui estiment que les Soviétiques seraient de toute façon intervenus. Bref, rien n’était et ne pouvait être aussi bien anticipé du point de vue de l’administration Carter.

En outre, ce n’est pas la violence des militants islamistes seule (ni la « ruse ») qui entraîna l’intervention de Moscou, mais d’abord et avant tout la fragilité du gouvernement afghan allié aux Soviétiques, qui ne pouvait plus assurer la sécurité du pays.

Cela rappelle, 30 ans plus tard la situation, qui a précédé le retour des talibans au pouvoir.

Enfin, d’affirmer, comme Yakov Rabkin l’écrit, que « l’intervention américaine en Afghanistan ne fut pas déclenchée par les attaques sur le sol américain le 11 septembre 2001 » est franchement surprenant. Cette affirmation contredit d’abord l’histoire des années précédentes de la présidence Clinton. En effet, celui-ci refusa à maintes reprises d’intervenir sur le sol afghan tandis que les talibans y exerçaient leur régime de terreur et que ben Laden y résidait bien en vue à Kandahar. On peut ensuite estimer que, sans le 11-Septembre, Bush ne serait pas non plus intervenu pour renverser les talibans.

De toute cette histoire, on retiendra que la tragédie afghane n’est issue ni d’un complot américain ni d’un aboutissement prévisible de ce qui avait commencé en 1979, selon la théorie du « piège ». Elle est davantage le résultat des choix douteux, pernicieux et imprévisibles de l’URSS puis des États-Unis, qui se sont enterrés dans le « tombeau des civilisations », et ont exigé d’énormes sacrifices et de lourdes pertes en vies humaines. Une tragédie en somme engendrée par des erreurs graves et non des complots.

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