Grippe aviaire H5N1

« On a eu chaud »

Les grands producteurs de volaille et d’œufs ont poussé un soupir de soulagement durant la fin de semaine de Pâques, lorsqu’un cas suspect d’influenza aviaire hautement pathogène dans un élevage sous gestion de l’offre s’est finalement révélé négatif. Par contre, la découverte de nouveaux foyers d’infection continue de donner des maux de tête aux exportateurs de canards.

Un quatrième foyer de grippe aviaire a été détecté dans un élevage de l’Estrie, a confirmé l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) dimanche soir. Mais c’est une annonce précédente, la veille, qui a davantage marqué les grands producteurs de poulets, de dindons et d’œufs sous gestion de l’offre.

Les analyses faites dans un troupeau commercial de Saint-Alphonse-de-Granby se sont révélées négatives, a appris l’industrie samedi. C’était la première fois qu’un producteur sous gestion de l’offre faisait l’objet d’une enquête depuis que le virus s’est déclaré dans des élevages québécois la semaine dernière.

« On a eu chaud, l’ensemble de la filière a eu chaud », a commenté la porte-parole de l’Équipe québécoise de contrôle des maladies avicoles (EQCMA), Marie-Hélène Jutras.

« Il y a beaucoup d’élevages dans ce coin-là. C’est un secteur populeux, que ce soit les œufs de consommation, les œufs d’incubation ou le poulet », a expliqué Mme Jutras, sans préciser le nom ou la production de la ferme qui a fait l’objet de l’enquête.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) a rappelé aux propriétaires d’oiseaux d’élevage d’éviter tout contact avec les oiseaux sauvages, actuellement en période de migration, et de rehausser les mesures de biosécurité pour éviter que le virus ne se propage d’une ferme à l’autre.

Les risques pour la filière sous gestion de l’offre sont particulièrement grands dans les régions à forte concentration de fermes avicoles, comme la Beauce, la Montérégie et Saint-Félix-de-Valois, dans Lanaudière, souligne le DJean-Pierre Vaillancourt, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal.

« L’endroit qui fait le plus peur, c’est Saint-Félix-de-Valois, vous pouvez visiter une trentaine de fermes à pied tellement elles sont rapprochées. [Si une éclosion se déclarait dans le rang qui en compte le plus], ce serait quasiment impossible qu’il y ait juste un cas. »

– Le DJean-Pierre Vaillancourt, professeur à la faculté de médecine vétérinaire de l’Université de Montréal

Le quatrième cas confirmé dimanche soir, un élevage non identifié dans la MRC Les Sources, se trouve dans une région ayant « une très faible densité d’élevages de volaille », a indiqué l’EQCMA, qui a tracé autour une « zone de biosécurité rehaussée » englobant les municipalités de Saint-Georges-de-Windsor et de Wotton.

Les troupeaux infectés sont éliminés. Sans abattage, le virus hautement pathogène tuerait de toute façon au moins 90 % du troupeau.

Le casse-tête des exportations

Le virus qui circule a frappé plus de 800 troupeaux sur quatre continents. La France a déjà recensé 1286 foyers d’éclosion et les États-Unis, 189. Au Canada, un premier troupeau a été touché à la fin de décembre à Terre-Neuve, mais le premier élevage commercial touché a été repéré à la fin de janvier en Nouvelle-Écosse.

« On est un peu sur les nerfs depuis », résume Robert Caswell, président de l’Association des éleveurs de canards et d’oies du Québec (AECOQ) et directeur général des Fermes Hudson Valley, à Saint-Louis-de-Gonzague, en Montérégie.

Hudson Valley est le deuxième producteur de canards en importance au Québec. Contrairement au numéro un de l’industrie, Canards du Lac Brome, dont un site (Saint-Claude) a été infecté et un autre (Knowlton) a été mis en quarantaine, les sous-traitants d’Hudson Valley, qui sont en Montérégie, n’ont pas été frappés par le virus. Mais l’entreprise, qui réalise 65 % de son chiffre d’affaires à l’étranger, est quand même touchée.

Le marché du Brésil, qui refuse les produits de volaille des pays touchés par le H5N1, s’est fermé avec le premier cas néo-écossais. Singapour a eu le même réflexe, avant d’accepter de faire comme les États-Unis et d’exclure seulement ce qui provient de la « zone de contrôle primaire » établie par l’ACIA, dans un rayon d’environ 10 kilomètres autour de chaque élevage commercial contaminé.

« En ce moment, c’est facilement 10 % du chiffre d’affaires qui va être touché… si ça s’arrête. »

– Robert Caswell, président de l’Association des éleveurs de canards et d’oies du Québec

Plus les cas se multiplient, plus il y a un risque qu’un élevage soit exclu parce qu’il est trop proche d’une ferme infectée. Et la zone doit être exempte de cas durant six mois pour que ses produits puissent de nouveau être exportés.

« Pour l’instant, le marché de fin de saison, novembre et décembre, qui est énorme pour notre secteur, peut encore être sauvé, s’il n’y a pas de nouveau cas », souligne le président de l’AECOQ.

« Il faut qu’on se tienne et qu’on finisse par mettre les solutions de biosécurité en vigueur pour que ça s’arrête », dit-il en lançant un appel à la formation et à la sensibilisation de tous, « que ce soit les livreurs de canards, de poulets, de moulée, les attrapeurs de volaille, tous les gens qui entrent dans ta grange et vont dans un autre élevage ».

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