Maladies cardiovasculaires

Les femmes touchées en plein cœur

Les maladies cardiovasculaires sont la deuxième cause de décès au Canada. Et bien qu’elles touchent plus d’hommes que de femmes, ces dernières risquent davantage d’en mourir. Trois cardiologues font toute la lumière sur cet enjeu et avancent quelques pistes de solution.

Des chiffres préoccupants, mais peu connus

« Si vous demandez aux femmes ce qu’elles pensent être la plus grande menace pour leur santé ou leur vie, elles répondront le cancer du sein », affirme la cardiologue Thais Coutinho, directrice du Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes. « Mais la plupart ne savent pas que les maladies cardiovasculaires sont la première cause de décès dans le monde, et qu’elles tuent quatre à cinq fois plus de femmes que le cancer du sein. »

Infarctus, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral (ou AVC) : toutes ces maladies, dites « cardiovasculaires », concernent le cœur ou la circulation sanguine. Si elles frappent plus souvent les hommes que les femmes, c’est néanmoins « une femme sur trois au Canada qui sera touchée par l’une de ces maladies au cours de sa vie », estime la cardiologue Christine Pacheco Claudio, du Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM).

Cela peut concerner des femmes de tout âge. Une étude canadienne de 2014 a notamment montré que si ces maladies semblent globalement reculer depuis quelques décennies, elles touchent de plus en plus de femmes de moins de 55 ans et que ces dernières ont plus de risques d’en mourir que des hommes du même âge.

Pourquoi cette disparité marquée entre les hommes et les femmes ? Plusieurs causes ont été cernées par les cardiologues.

Symptômes atypiques et diagnostic complexe

Tout d’abord, la maladie cardiovasculaire est dite multifactorielle : deux ou trois facteurs de risque, comme le diabète, le tabac ou une prédisposition génétique, suffisent parfois à provoquer la maladie. Or, les femmes et les hommes ne sont pas égaux face à ces facteurs. Par exemple, « les fumeuses sont sept fois plus susceptibles que les fumeurs de développer une maladie cardiovasculaire », souligne la Dre Christine Pacheco Claudio. Les femmes ont également des facteurs de risque qui leur sont propres, et qui sont liés à la ménopause, à la pilule contraceptive ou à la grossesse.

La maladie cardiovasculaire s’exprime également différemment chez la femme. « Les femmes peuvent avoir une sensation non pas de douleur, mais de chaleur, de pression ou de lourdeur dans la poitrine. Elles peuvent aussi avoir des symptômes accompagnateurs : de l’essoufflement, des étourdissements, ou des douleurs au ventre », explique la Dre Christine Pacheco Claudio. Le risque de contracter une maladie cardiovasculaire est souvent peu connu des femmes, qui vont donc avoir tendance à attribuer ces symptômes à d’autres causes.

« Elles vont penser que c’est un problème digestif, ou de l’anxiété, ou plein d’autres choses, avant de penser à une affection cardiaque. Elles vont tarder à se présenter aux urgences ou à en parler à leur médecin, alors que les hommes qui ressentent une douleur à l’effort vont tout de suite penser aux symptômes d’un infarctus. »

— Marie-Ève Piché, cardiologue à l’Institut universitaire de cardiologie et de pneumologie de Québec

« Or, plus on intervient tôt, dit-elle, moins on garde de séquelles en général, tandis que si l’on attend quelques heures, voire plusieurs jours avant de consulter, les dégâts peuvent être irréversibles. »

Ces symptômes atypiques sont difficilement identifiables par les femmes, mais aussi par les médecins, car en amont, peu de femmes participent aux études sur la question. « Actuellement, dans les études cliniques en cardiologie, moins de 30 % des participants sont des femmes. Donc nos guides de recommandations en matière de diagnostic et de traitement sont surtout basés sur des données prises sur des hommes », souligne la Dre Marie-Ève Piché.

L'importance de la sensibilisation

En résumé, « les maladies cardiovasculaires chez les femmes ne sont pas suffisamment reconnues, étudiées, diagnostiquées et traitées », concluait un article publié en 2020 dans le Journal of the American Heart Association dont la Dre Thais Coutinho est une coauteure.

Que peut-on faire pour enrayer cette tendance ? Il faut à la fois prévenir et guérir, selon la chercheuse.

« Il faut faire plus de sensibilisation auprès des femmes, afin qu’elles connaissent mieux les risques en amont et qu’elles puissent reconnaître les signes spécifiques d’une crise cardiaque chez la femme. »

— La Dre Thais Coutinho

D’une part, mieux connaître ces risques pourrait en effet leur permettre d’adopter de meilleurs comportements afin d’éviter de contracter la maladie. « On peut prévenir la maladie cardiovasculaire à presque 80 % par de bonnes habitudes de vie : éviter de fumer, être actif, contrôler son poids, avoir une bonne alimentation et une bonne qualité de sommeil, gérer son stress et son anxiété… », énumère la Dre Marie-Ève Piché.

D’autre part, mieux connaître les signes d’une crise cardiaque pourrait amener les femmes à consulter plus rapidement en cas de doute, avant qu’il ne soit trop tard. « Si une femme fait un malaise et que c’est quelque chose qui la préoccupe, il faut qu’elle sache qu’elle peut consulter un médecin pour demander un examen, afin d’être sûre que ce n’est pas un problème cardiaque », ajoute la Dre Christine Pacheco Claudio.

Un problème pas suffisamment reconnu

« La santé cardiovasculaire chez la femme devrait être un enjeu prioritaire pour la population, le gouvernement et la société. Il faut faire de l’éducation pour cela, auprès des femmes, mais aussi des professionnels de la santé. Ça passe par la création de cliniques spécialisées en santé chez la femme et par plus d’investissements en recherche, pour améliorer les soins apportés aux patientes », explique la Dre Marie-Ève Piché.

Selon la Dre Thais Coutinho, ces changements doivent venir « d’en haut ». « Nous ne sommes que quelques personnes, ou quelques institutions, à travailler sur cette question, donc les progrès sont lents. Les choses bougeront vraiment lorsque le gouvernement décidera d’adopter une stratégie nationale pour améliorer la santé cardiovasculaire des femmes », affirme-t-elle.

Les signes d’une crise cardiaque chez la femme

• Une douleur ou un inconfort thoracique

• Un essoufflement

• Une pression ou une douleur à la mâchoire, dans le haut du dos, dans la partie inférieure du thorax ou dans la partie supérieure de l’abdomen

• Des étourdissements ou un évanouissement

• Une fatigue extrême

Source : Cœur et AVC

Facteurs de risque chez la femme

Diabète, tabagisme, obésité, inactivité physique, mauvaise alimentation, maladies auto-immunes, troubles associés à une grossesse, dépression, hypertension, hypercholestérolémie

Source : Centre canadien de santé cardiaque pour les femmes

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