Jacques Goldstyn reçoit le prix d’Artiste pour la paix

L’illustrateur jeunesse et caricaturiste montréalais Jacques Goldstyn, mieux connu sous son pseudonyme de Boris, a reçu mardi à l’École nationale de l’humour le prix d’Artiste pour la paix (APLP). « Ému » de recevoir ce prix, Jacques Goldstyn se réjouit de cet honneur, « qui est une forme de récompense pour les dessins qu’[il fait] ». « J’aime les dessins que des enfants de 10 ans peuvent comprendre. Je rencontre souvent des jeunes dans des classes. J’y vais au moins une fois par mois, et ils sont allumés, ils voient la bêtise humaine. »

— Jean Siag, La Presse

Encore de Marie Darsigny

Dans le gris de la consommation

Aux histoires tissées de clichés en forme de descente aux enfers et de rédemption, Marie Darsigny oppose Encore, le récit plein de nuances de sa propre relation à l’alcool et aux drogues. Un livre tragique, drôle et intelligent, qui cimente sa place à part dans la littérature québécoise.

« Mentalement, je me prépare déjà à la réception de l’œuvre, aux entrevues qui me voudront repentie, aux interlocuteurs qui me penseront réfléchie », annonce dans les premières pages d’Encore Marie Darsigny, à qui l’on rappelle ce passage de son nouveau livre.

Elle éclate de rire. « C’est surtout que je ne veux pas commencer à faire la promotion de la sobriété », prévient celle qui confie néanmoins ne pas avoir bu d’alcool ou pris de drogue depuis deux ans. « Je ne veux pas non plus commencer à donner mon avis sur les groupes en 12 étapes. »

Si Marie Darsigny refuse de jouer la repentance, c’est donc moins parce qu’elle en incarne l’exact contraire, que parce qu’elle se désole qu’il n’existe entre l’autoflagellation publique et l’intoxication fièrement indomptée peu d’autre discours possible sur la dépendance.

« Il n’y aurait pas d’entre-deux : soit on est victime de sa dépendance, soit on s’y accroche par rébellion. Or, chaque histoire est un portrait unique d’ambivalence, d’essais, d’efforts, d’abandons, de force et de vulnérabilité », écrit celle qui renoue avec le ton de son livre-culte Trente (2018), dans lequel la « sad girl » en résidence de la littérature québécoise documentait ce qu’elle croyait être sa dernière année de vie.

Encore, son « conte de la toxicomanie tranquille », n’est pas, non plus, un pamphlet anti-alcool. « Au début [de son abstinence], j’avais tout le temps envie de dénoncer la SAQ et la culture de l’alcool. Maintenant, je suis plus relax, parce que je suis consciente que c’est moi qui suis constamment retournée vers la substance, mais je n’oublie pas que dans une société capitaliste, l’alcool est un produit comme les autres, qu’on essaie sans cesse de réinventer pour mieux nous le vendre. »

Un problème de vie

« Je ne comprends pas, pourtant, tu es intelligente ! Tu le sais que ce n’est pas bon pour toi. Tu le sais que tu devrais arrêter. »

Marie Darsigny ne compte plus le nombre d’amis et de médecins qui lui ont asséné cette phrase d’une rare violence.

« C’est une phrase vraiment paternaliste, mais c’est surtout mal comprendre ce qu’est la souffrance psychologique », réplique celle qui, à la suite de l’écrivaine américaine Elizabeth Wurtzel, dit avec cet irrésistible humour noir qui est le sien avoir eu non pas un problème d’alcool et de drogues, mais un « problème de vie ».

« Je sais qu’il y a des gens qui, de l’extérieur, pensent que je suis une petite nature, mais je suis convaincue que je ne suis pas la seule à trouver ça tough, la vie. Je suis convaincue que je ne suis pas la seule à avoir eu une révélation en buvant de l’alcool et en comprenant qu’on peut soudainement se sentir mieux que comment on se sent dans la vie de tous les jours. »

— Marie Darsigny

Problème = solution

Réflexion sur tout ce qui contribue socialement à une consommation excessive, journal d'une fêtarde pour qui jeunesse ne s'est jamais passée, récit d’un rétablissement n’ayant rien eu de tranquille, Encore est, comme Trente, un livre indocile et inclassable. Entre autofiction, poésie et essai, il pullule de références appartenant autant à la haute culture qu’à ce qu’on décrit comme son contraire.

Marie Darsigny demeure, avec Daphné B., une des rares écrivaines québécoises chez qui citer une universitaire et la concurrente d’une téléréalité ne ressemble en rien à une contradiction, et pour qui refuser d’adhérer franchement à un genre littéraire est une manière d’accueillir dans ses œuvres tout ce que la vie comporte de zones de gris.

C’est donc en toute logique que son livre plaide pour que la dépendance ne soit pas considérée comme une maladie parmi tant d’autres, non pas parce qu’elle croit que les personnes qui en souffrent ont toujours le plein contrôle sur leur situation, mais parce qu’il existe « une tension entre notre volonté et ce qui se trouve au-dessus de nous et contre quoi on ne peut pas se battre ».

« La surmédicalisation de la dépendance fait partie de la surmédicalisation de tout, dans notre société. C’est comme ça que notre système de santé est construit. On cherche tellement des réponses simples, parce qu’elles sont satisfaisantes. C’est satisfaisant d’avoir un problème et une solution. »

— Marie Darsigny

C’est sans compter, ajoute-t-elle, que l’impuissance que suppose le mot maladie aura permis à quelques vedettes faisant face à des accusations de nature diverse de dédouaner des gestes regrettables en brandissant leur carte d’addict. « Et ça donne ensuite mauvaise réputation à toutes les personnes dépendantes. »

Puisque Encore défend l’idée qu’il existe mille manières de vivre son abstinence, mille nuances de gris entre la vie d’Amy Winehouse et celle d’une sœur cloîtrée, pourquoi avoir choisi de dire aussi limpidement que sachets et bouteilles ne font plus partie de son quotidien ?

« Parce que comme il y aurait eu une certaine hypocrisie à faire semblant que j’ai arrêté si ce n’était pas vrai, répond Marie Darsigny, ça aurait été hypocrite de ne pas écrire que j’ai arrêté et qu’aujourd’hui, c’est cette vie-là que je veux. »

Encore

Marie Darsigny

Éditions du remue-ménage

176 pages

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