Création de nouveaux milieux humides

Québec veut augmenter la cadence

Québec veut corriger le tir afin d’accélérer la restauration et la création de milieux humides. Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, annoncera ce vendredi une révision de son programme doté à ce jour d’une enveloppe de 113 millions de dollars, mais dont à peine 3 % ont été dépensés depuis 2017.

L’annonce du ministre vise à stimuler la demande de projets de restauration et de création de milieux humides dans la province. À ce jour, un peu plus de 3,7 millions de dollars ont été attribués à de tels projets, dont 807 767 $ pour des études de préfaisabilité.

La Presse avait révélé en octobre dernier que Québec avait amassé près de 100 millions en compensation pour la destruction de milieux humides et que seulement 2,6 % de ces fonds avaient été réinvestis pour la restauration ou la création de milieux humides.

Depuis juin 2017, la Loi concernant la conservation des milieux humides et hydriques prévoit le versement d’une compensation financière lorsqu’un promoteur obtient l’autorisation de remblayer des milieux humides pour réaliser un projet. Ces sommes sont versées au Fonds de protection de l’environnement et du domaine hydrique de l’État.

La loi a fixé un objectif d’aucune perte nette de milieux humides, mais ne précise pas d’échéance pour atteindre cet objectif.

Québec finançait jusqu’à 25 000 $ pour des études de préfaisabilité et jusqu’à 1 million pour des projets de restauration ou de création de milieux humides. Ces maximums seront revus à la hausse : à 75 000 $ et 3 millions, respectivement.

Les projets pourront dorénavant être soumis à tout moment et non seulement à des périodes précises, comme c’était le cas depuis les débuts du programme.

D’autres modifications à venir

Le ministre de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs, Benoit Charette, dit avoir consulté plusieurs intervenants du monde municipal pour recueillir leurs doléances au sujet du programme de restauration et de création de milieux humides et hydriques.

« On arrive avec du solide qui est validé. On sait qu’on s’ouvre à de nouvelles possibilités avec les nouveaux critères qu’on met en place. Mais si, au besoin, il faut mousser davantage les possibilités auprès d’une région en particulier, on le fera. Mais on répond clairement à des attentes qui nous avaient été précisées », a-t-il souligné au cours d’une entrevue avec La Presse.

Le ministre se dit néanmoins conscient que cette révision du programme ne règle pas tous les problèmes. Il promet de s’ajuster afin d’atteindre l’objectif d’aucune perte nette de milieux humides fixé par la loi.

« On arrive avec des correctifs qui sont importants, tout en étant conscients qu’on ne règle pas tout. On a une dynamique particulière dans les milieux qui sont très urbanisés. On va continuer à regarder comment répondre à cette question-là. Donc, il y aura vraisemblablement d’autres modifications », précise Benoit Charette.

« Une cagnotte non négligeable »

En décembre dernier, le ministre s’était dit ouvert à revoir le règlement sur les milieux humides pour éviter qu’il y ait davantage de pertes dans certaines régions. « Dans des régions encore plus vulnérables, j’évoquais Laval, Montréal et la Montérégie, dans les centres urbains, j’ai demandé si on ne pouvait pas adapter la réglementation spécifiquement pour ces territoires-là pour qu’il n’y ait pas davantage de pertes », avait-il signalé à La Presse.

« On ne voulait pas attendre d’avoir des réponses à toutes les situations avant de corriger déjà les lacunes qui pouvaient l’être », a précisé jeudi M. Charette.

Le ministre dit ne pas avoir de cibles quant au nombre de projets qui seraient approuvés ou les sommes d’argent attribuées d’ici au 31 mars 2025, date limite pour déposer une demande de financement.

Mais il réitère son objectif : les sommes recueillies doivent servir à financer des projets de restauration ou de création de milieux humides.

« Pour nous, ça n’a jamais été une intention d’en faire un fonds consolidé pour lequel on n’arrive pas à mettre de l’avant des résultats concrets. »

— Benoit Charette, ministre de l’Environnement

« Mine de rien, c’est quand même une cagnotte qui est non négligeable qui est amassée à travers le système des redevances », reconnaît Benoit Charette.

Or, les sommes amassées qui vont continuer à s’accumuler pourraient ne pas suffire à répondre à la demande, jugent plusieurs experts.

« C’est de l’écoblanchiment », avait affirmé le directeur général de la Société pour la nature et les parcs, Alain Branchaud, en octobre dernier, au cours d’une entrevue avec La Presse. Selon lui, le système actuel ne fonctionne pas puisqu’il ne tient pas compte des coûts réels pour la société quand des milieux humides sont détruits.

Selon Anne-Sophie Doré, avocate au Centre québécois du droit de l’environnement, la valeur des services écosystémiques des milieux humides n’est pas prise en compte dans le calcul des compensations au Québec.

382 hectares

Depuis 2017, 113 millions de dollars ont été recueillis pour compenser la destruction de 382 hectares de milieux humides dans la province.

Source : Ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les Changements climatiques, de la Faune et des Parcs

14 milliards

En Ontario, le gouvernement a estimé que les milieux humides dans le sud de la province produisaient chaque année 14 milliards de dollars d’« avantages économiques » pour la population.

Source : Ministère de l’Environnement de l’Ontario

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