Dans l’atelier de… Véronique Duplain

La reine québécoise de l’autoportrait

Chaque mois de février depuis 2014, Véronique Duplain diffuse quotidiennement sur Instagram un autoportrait réalisé dans son atelier. De véritables performances qui plaisent aux internautes, mais aussi aux collectionneurs Pierre et Anne-Marie Trahan, qui soutiennent cette artiste originale. Nous l’avons rencontrée durant son Selfie Project.

Parcours

Âgée de 33 ans, née à Gatineau, Véronique Duplain est de ces artistes qui ont appris seuls et ont réussi, grâce à des qualités manuelles, une énergie sans limites et du cran. Sans aucun diplôme, douée en communication et assez flyée (!), elle a commencé à prendre des photos avec son téléphone cellulaire en 2011. Souhaitant aller plus loin, elle s’est acheté un appareil photo. « À partir de là, j’étais plus arrêtable ! dit-elle. Devenir photographe m’a traversé l’esprit. »

En 2014, elle se lance dans la diffusion d’autoportraits, sur Facebook et Instagram. Le Selfie Project est né. Sans qu’elle n’ait suivi aucun cours de photographie. « Je savais que pour devenir photographe, il fallait que je comprenne ce qu’était un portrait et comment on captait la lumière, dit-elle. Mais la première année, j’ai quand même fait le projet sur un coup de tête. C’était vraiment laid ! »

Elle s’est accrochée et a appris sur le tas. En 2017, elle est devenue photographe à la pige, couvrant des évènements culturels et d’entreprises, notamment pour des médias régionaux. Depuis, elle donne des services de direction artistique, profitant de l’expérience acquise avec ses mises en scène du Selfie Project.

Le Selfie Project

Son Selfie Project a lieu chaque mois de février, durant lequel elle crée un autoportrait par jour. Elle est à la fois conceptrice, accessoiriste, photographe, éclairagiste, modèle, couturière, maquilleuse et retoucheuse en post-prod ! Depuis quelque temps, compte tenu de l’intensité de la tâche, trois personnes l’assistent. Pour monter les décors, diffuser les photos… et la nourrir. « Une journée n’a que 24 heures, c’est beaucoup de gestion pour arriver à placer la photo sur Instagram tous les jours à 19 h », dit-elle.

Cette création quotidienne durant un mois est une façon pour Véronique Duplain de parler d’elle, de ses goûts, de ses préoccupations, de l’actualité. C’est un défi, un exutoire sans être un faire-valoir. Elle souhaite qu’on se reconnaisse dans ses narrations visuelles. « Je le fais souvent de façon humoristique, avec de l’autodérision. Je sens que les gens connectent bien avec le résultat. » Elle évoque les défis de la vie, comme sa photo Selfishihara qui parle du daltonisme.

Chaque année, elle va dans le Sud pour préparer l’édition suivante. « Je pars avec un livre vide. J’y marque toutes mes idées, tout ce qui me passe par la tête, tout ce que je vis au quotidien. Ça me donne une base incroyable. »Quand on regarde l’évolution de son travail depuis huit ans, on constate que Véronique Duplain a atteint un sommet de qualité. Avec des mises en scène très graphiques et des trompe-l’œil réussis. Les collectionneurs Pierre et Anne-Marie Trahan, d’Arsenal, adorent le Selfie Project, qu’ils appuient financièrement et exposent dans leur centre de Griffintown. « Pour nous, Véronique représente l’artiste typique d’Instagram au Québec, dit Pierre Trahan. Ce qu’elle fait, durant 28 jours, c’est une véritable performance artistique. C’est la Arvida Byström du Québec. »

L’atelier

Situé cette année dans une des salles de l’ancienne galerie de René Blouin, dans le Vieux-Montréal, l’atelier de Véronique Duplain lui sert de la mi-janvier à la mi-mars. Elle l’utilise pour entreposer le matériel nécessaire au Selfie Project et réaliser ses autoportraits. Quand on examine ses photographies, on a du mal à croire que tout a été réalisé dans un espace aussi petit. La table de maquillage se confond avec son bureau. Et les accessoires sont déplacés quand un décor est réalisé, ce qui se fait en quelques heures seulement.

Car le Selfie Project est un véritable marathon. D’ailleurs, en mars, elle en sort épuisée. « Je tombe littéralement début mars. Je reçois de l’amour chaque jour de février en réaction aux photographies et soudain, plus rien ! Une vraie descente à pic. Mais je m’y attends, alors je prends deux semaines pour m’en remettre, physiquement et mentalement. »

Innovation

Compte tenu du succès du Selfie Project, Véronique Duplain veut aller plus loin. Elle a incorporé, cette année, des éléments de décor créés avec une imprimante 3D : les lettres de l’horloge de Selfo’clock, du 24 février, une carte de crédit pour Selfinfinite funds, du 4 février, et sa « bibitte » rampante pour Selfertiliser, du 6 février.

Pour la 10e édition du Selfie Project, l’an prochain, elle veut créer un robot pour la remplacer ! « J’ai découvert les robots, tout ce qu’on peut faire avec. Ça m’a fascinée. On s’en va vers la délégation de tâches physiques aux robots. Comme je manque de temps dans une journée, l’idée a cheminé. » Elle veut créer un robot grandeur nature, en impression 3D, un masque de silicone représentant son image. Elle est en discussion avec échofab, un atelier de création et de fabrication numérique d’Ahunstic. « C’est un projet ambitieux, dit-elle. Il soulèvera plusieurs inconforts, mais j’ose croire que cela me permettra de passer de meilleurs messages avec un jugement neutre… »

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