Immobilier locatif

Hausses salées et disputes au Tribunal à prévoir

La saison des hausses de loyer vient de commencer, et la note s’annonce salée pour les locataires. Dans ce contexte inflationniste, propriétaires et locataires s’attendent à ce que le Tribunal administratif du logement (TAL) croule sous le poids des requêtes en fixation de loyer.

Oubliez les hausses de 10 et de 15 $ par mois auxquelles les locataires s’étaient habitués au fil des ans, des hausses mensuelles de 40 $, voire 60 $ et plus, sont à prévoir en 2023.

Le TAL a publié le 17 janvier les pourcentages applicables pour le calcul des augmentations des loyers en 2023. Ceux-ci sont plus élevés que par le passé à cause de l’inflation et de la hausse des taux d’intérêt qui servent notamment à calculer la partie des travaux majeurs dans un immeuble locatif pouvant être récupérée par une hausse de loyer.

« Il va falloir avoir un plan pour parler avec les locataires. Sinon tout le monde va se ramasser au Tribunal du logement. On s’attend nécessairement à une augmentation des causes de fixation au TAL. »

— Martin Messier, président de l’Association des propriétaires du Québec (APQ)

Son association organise un atelier sur la fixation du loyer le 28 janvier. « On est complet. Il faut rajouter des plages horaires », dit-il pour illustrer le grand intérêt chez les propriétaires à obtenir le maximum que le règlement sur la fixation des loyers les autorise à aller chercher.

« Je le répète aux propriétaires : c’est maintenant ou jamais. Les augmentations de loyer ne peuvent pas être reportées sur plusieurs années. Si tu passes à côté cette année, l’année d’après, il est trop tard. Tu vas avoir perdu l’occasion d’ajuster un peu plus ton loyer que dans le passé. Cette année, plus que jamais, les propriétaires doivent faire leurs calculs. »

Craintes

Du côté des locataires, on craint que les propriétaires exagèrent.

« C’est certain que si on assiste à plus de hausses importantes, forcément, il risque d’avoir plus de contestation », convient Cédric Dussault, porte-parole du Regroupement des comités logement et associations de locataires du Québec. Il souligne qu’un locataire a toujours le droit de refuser une augmentation de loyer qu’il juge abusive tout en restant dans son logement.

Ces dernières années, le nombre de cas de fixation de loyer déposés au Tribunal est resté faible, environ 7000 par année.

Un propriétaire doit envoyer son avis d’augmentation de loyer à ses locataires au plus tard trois mois avant l’échéance du bail, le 31 mars pour les baux échéant le 30 juin. Le locataire peut alors accepter la hausse, la refuser et quitter le logement ou la refuser et rester dans le logement. Advenant ce dernier scénario, le proprio a 30 jours pour introduire, à ses frais, une requête de fixation de loyer au TAL. Les parties peuvent toujours s’entendre avant l’audience.

Pourquoi des hausses de loyer aussi élevées cette année ?

Sur la base de ces pourcentages publiés le 17 janvier, le TAL a présenté à titre indicatif un scénario de calcul fictif qui estime l’ajustement de base à 2,3 % pour les logements dont le chauffage est à la charge du locataire. Avec une hypothèse de hausse de taxes municipales de 5 %, la hausse de loyer moyenne estimée par le TAL passe à 2,9 %.

Pour l’année 2023, bien des villes ont alourdi le fardeau fiscal des contribuables fonciers pour faire face à l’inflation. À titre d’exemple, la hausse moyenne est de 4,1 % à Montréal pour le secteur résidentiel. À Longueuil, l’augmentation s’élève à 5,6 %.

Selon la grille de fixation des loyers, la hausse des taxes foncières est absorbée en totalité par les locataires au prorata du loyer payé.

C’est la même chose pour les primes d’assurance qui, elles aussi, montent année après année. Si le TAL est appelé à fixer le loyer, il va tenir compte de la variation dans les primes d’assurance habitation entre les années 2022 et 2021. Le montant des primes est tributaire de la valeur de remplacement de l’immeuble. La valeur des plex (immeubles de 2 à 5 logements) dans la région montréalaise a crû de 9 % en un an en 2021 et d’un autre 8 % en moyenne en 2022, selon les données de l’Association professionnelle des courtiers immobiliers du Québec. Des bonds qui se traduisent par des primes d’assurance à la hausse pour bien des propriétaires.

Dans le cas des appartements chauffés au mazout et compris dans le prix du loyer, le facteur d’ajustement grimpe à 7,3 % en 2023.

Au net, Martin Messier, de l’APQ, s’attend à une hausse moyenne variant entre 4 et 6 % cette année. « Ça fait des décennies qu’on n’a pas vu ça », reconnaît-il.

Le loyer moyen dans la région montréalaise pour un appartement de 2 chambres approche les 1000 $ par mois.

Il était de 930 $ pour les logements occupés en octobre 2021, selon Francis Cortellino, économiste de la Société canadienne d’hypothèques et de logement. Les hausses moyennes tourneront aisément entre 40 et 60 $ par mois cette année.

« Un de mes membres qui a fait 200 000 $ de travaux majeurs pour un 5-plex arrive à un taux d’ajustement de 17 % en utilisant la grille de calcul du TAL. Il a peur que ses locataires le dénoncent dans les médias », raconte Martin Messier.

Ce propriétaire eu la main heureuse en procédant aux travaux en 2022, et non pas en 2021.

Le facteur d’ajustement pour travaux majeurs est de 3,8 % cette année. C’est dire que ce proprio pourra récupérer son investissement en 26 ans. En 2021, à cause de taux d’intérêt plus faibles, le taux d’ajustement était de 2 %, et la période de récupération s’allongeait sur 50 ans.

Rappelons que les logements construits depuis moins de cinq ans ne sont pas assujettis à la grille de fixation de loyer. Autrement dit, les propriétaires peuvent demander l’augmentation qu’ils veulent, et le locataire d’un logement récent a le choix d’accepter la hausse proposée ou de quitter les lieux.

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