Ornithologie

Oiseaux urbains

L’île de Montréal regorge de centaines d’espèces d’oiseaux qui y nichent, s’y nourrissent ou qui y font halte durant leur migration saisonnière. Et le plus beau dans tout cela, c’est qu’ils sont facilement accessibles. À vous d’en profiter !

UN DOSSIER DE FRANÇOIS FOURNIER

Des trésors à quelques pas de chez vous

Il est près de 8 h et les participants arrivent au compte-gouttes au point de rendez-vous fixé par celle qui sera notre guide aujourd’hui pour cette sortie d’ornithologie au Jardin botanique, la présidente de la Société de biologie de Montréal (SBM), Béatrice Bellocq.

Déjà, le soleil se dresse fièrement dans un ciel sans nuages, annonçant une matinée parfaite. À entendre leurs chants, les oiseaux aussi semblent se réjouir de ce soleil matinal.

Chaque nouvel arrivant est accueilli chaleureusement. Avant même le départ, les discussions pleuvent au sujet des oiseaux vus en chemin ou au cours des derniers jours. « J’ai vu un oriole de Baltimore en vous attendant », lance Valérie Landry qui fait ses premiers pas en ornithologie et qui n’en est qu’à sa quatrième sortie. Mais elle a rapidement développé un intérêt. « On a même vu un martin-pêcheur l’autre jour ! », s’exclame-t-elle, surprise d’avoir pu admirer ce visiteur aussi surprenant qu’inattendu en plein cœur du Jardin botanique.

Comme le souligne Mme Bellocq, qui pratique l’ornithologie depuis plus de 45 ans, « en migration, les oiseaux peuvent se retrouver partout, même hors de leur habitat normal. Alors il faut s’attendre à tout ».

Au moment de se mettre en route, Danielle Abran, photographe de la SBM, donne ce conseil : « Il faut chercher là où ça bouge pour ensuite “amener ses jumelles dessus”. C’est une bonne façon de trouver les oiseaux. »

L’autre façon, bien entendu, c’est par leurs chants. Mme Bellocq précise l’importance d’associer le son à l’oiseau pour l’identifier et le localiser. « Vous entendez la “machine à coudre” ? C’est le bruant familier, ça ! Et là ? On dirait un système d’alarme. Ça, c’est le cardinal rouge. Il peut aussi faire le téléphone… »

Pas facile de s’y retrouver, mais Réjean Duval se fait rassurant. « C’est difficile de retenir les chants. L’idéal, c’est de voir l’oiseau chanter. À ce moment, on dirait que ça s’imprègne dans ton cerveau et tu ne l’oublies plus. »

Et M. Duval sait de quoi il parle. Jeune septuagénaire, il pratique l’ornithologie depuis l’âge de 15 ans. Il est une véritable encyclopédie ambulante et il transmet ses connaissances avec générosité.

« L’épervier de Cooper vit et chasse en forêt, pourchassant ses proies à toute vitesse entre les arbres et les arbustes », explique-t-il au moment où le groupe s’approche du nid de ce majestueux résidant du Jardin botanique.

Mais une fois arrivé, point d’épervier. Et encore moins de petites têtes émergeant du nid, comme l’espéraient certains membres du groupe. Les vents violents du week-end précédent ont fortement endommagé le nid. Au pied de l’arbre, seuls témoins de la scène, quelques branchages et des coquilles d’œufs cassées. « Nous n’aurons pas de couvée d’éperviers cette année », lance tristement Claude Ducrot, conseiller et administrateur du site web de la SBM.

À vitesse grand V

« J’ai de belles lunettes neuves et je n’ai rien vu depuis ce matin », lance une dame quelque peu irritée qui éprouve bien des difficultés avec ses nouvelles jumelles. Manifestement, le vendeur a omis de lui expliquer comment les ajuster. Heureusement, quelques membres du groupe s’empressent de l’aider et elle peut enfin savourer le spectacle.

Car spectacle il y a. En quelques heures à peine, des centaines d’oiseaux de 42 espèces différentes sont observés.

À l’étang, les carouges à épaulettes s’époumonent. « Eux autres, les jardiniers ne les aiment pas ! », lance Nicole Labrecque. Horticultrice au Jardin botanique durant 30 ans, elle explique que ces oiseaux sont très territoriaux. « Au printemps, lorsqu’on fait le ménage et qu’on s’occupe des plantes, on se trouve souvent près de leurs nids sans le savoir. Et ils nous attaquent, à grands coups de bec sur la tête. Pic, pic, pic ! », fait-elle en se cognant la tête avec l’index.

Le groupe poursuit son chemin sous le vol erratique de quelques hirondelles. Celles-ci se nourrissent principalement de moustiques en vol. Or, « les hirondelles disparaissent rapidement de nombreux habitats depuis que plusieurs municipalités contrôlent les moustiques à grands coups d’insecticides. Pas de bibittes, pas de pit pit ! », explique M. Duval.

De pas en pas, grâce aux membres du groupe qui n’hésitent pas à communiquer leur savoir, les connaissances entrent à vitesse grand V.

« Bien sûr qu’on peut apprendre par soi-même. Mais c’est très complexe et très long. La meilleure façon d’apprendre est définitivement de se joindre à un club. »

— Béatrice Bellocq, présidente de la Société de biologie de Montréal

Surtout qu’en multipliant le nombre de paires d’yeux et d’oreilles, on augmente d’autant ses chances d’apercevoir des oiseaux qui, il ne faut pas l’oublier, sont souvent passés maîtres dans l’art de ne pas se faire voir.

Revenus au point de départ au terme de l’avant-midi, les participants dressent ensemble la liste des espèces et du nombre d’individus aperçus au cours de la sortie. Ces données seront aussitôt transmises à eBird, un programme de listes d’observations en ligne et en temps réel lancé en 2002 par le Cornell Lab of Ornithology et l’Audubon National Society. Les données ainsi récoltées par les ornithologues au fil de leurs sorties contribuent au suivi des populations.

« Avant de me joindre à la société, j’ignorais qu’il y avait autant de diversité et d’espèces ici », conclut Valérie Landry.

À propos de la SBM

La Société de biologie de Montréal est un organisme consacré aux sciences naturelles fondé par le frère Marie-Victorin et d’autres professeurs de l’Université de Montréal en 1922. Elle propose des conférences, des excursions et des sorties de découvertes sur le terrain en ornithologie, en botanique, en mycologie (champignons) et en herpétologie (reptiles). Ces activités sont gratuites pour les membres (coût annuel : 30 $ par adulte, 45 $ pour une famille ou 15 $ pour les étudiants). Il est également possible d’y participer à titre de non-membre moyennant des frais de 5 $ par sortie.

Reconnaissez-vous ce chant ?

On peut facilement observer des centaines d’espèces d’oiseaux à Montréal. Pouvez-vous identifier ces quelques spécimens à l’aide des indices fournis ? Ensuite, tentez de les trouver dans la nature afin de les observer de vos propres yeux.

Observatoires à explorer

Il y a une multitude d’excellents endroits à Montréal pour observer les oiseaux. Tous les parcs et bois de l’île recèlent leur juste part de petits trésors ailés. Voici un échantillon de cinq endroits où commencer vos recherches.

Jardin botanique

4101, rue Sherbrooke Est

La diversité des habitats et de la flore en fait un endroit privilégié pour une multitude d’espèces. Il est possible d’emprunter un guide d’observation et des jumelles à la Maison de l’arbre Frédéric-Back. Le site est accessible tous les jours à compter de 9 h. Les résidants de Montréal peuvent se procurer une carte lève-tôt au coût de 8 $ qui permet d’y accéder dès 6 h.

espacepourlavie.ca/tarifs/jardin-botanique-insectarium

Cimetière Mont-Royal

1297, chemin de la Forêt

Plus de 145 espèces d’oiseaux fréquentent le cimetière Mont-Royal, dont le magnifique merlebleu. Il s’agit aussi d’un excellent endroit pour observer divers rapaces tels que le hibou, le duc, la chouette et même l’autour des palombes. On y propose des visites guidées et des causeries sur les oiseaux.

mountroyalcem.com/index.php/fr/

Parc-nature de l’Île-de-la-Visitation

2425, boulevard Gouin Est

Quelque 200 espèces d’oiseaux peuvent y être observées. La proximité avec la rivière des Prairies permet de rencontrer de nombreuses espèces aquatiques et de rivage. Des belvédères en bordure des bassins ou le long de la rivière offrent d’excellents points d’observation.

ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=7377,94551572&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=75&sc=5

Technoparc Montréal

2300, boulevard Alfred Nobel, no 100

On y trouve des milieux humides, des champs, des prairies et des territoires naturellement en friche qui attirent plus de 160 espèces d’oiseaux, dont de nombreux oiseaux aquatiques, tels que la grande aigrette, le héron vert, la marouette de Caroline et le petit blongios, une espèce rare et menacée.

gooiseaux.ca/technoparc-montreal/

Parc des Rapides

Boulevard LaSalle

Situé au bord du fleuve Saint-Laurent, le secteur est désigné refuge d’oiseaux migrateurs et permet d’observer jusqu’à 225 espèces répertoriées. Vous y trouverez entre autres le magnifique bihoreau gris, ou peut-être aurez-vous la chance de surprendre le balbuzard pêcheur en pleine action. Des naturalistes sur place peuvent répondre aux questions.

ville.montreal.qc.ca/portal/page?_pageid=7377,94551572&_dad=portal&_schema=PORTAL&id=83&sc=5

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