Nouveau rapport du GIEC

Trois ans pour agir

Limiter la hausse de la température mondiale à 1,5 °C est encore possible si les émissions mondiales de gaz à effet de serre plafonnent au plus tard en 2025, mais l’humanité n’est pas encore en voie d’y parvenir, a prévenu lundi le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Aperçu de son rapport.

Réduire de moitié

Les émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) devront cesser d’augmenter au plus tard en 2025 et être réduites de moitié d’ici 2030, par rapport à leur niveau actuel, pour que la hausse de la température de la Terre n’excède pas 1,5 °C, ce qui constitue l’objectif le plus ambitieux de l’Accord de Paris sur le climat. Or, les émissions annuelles moyennes ont atteint leurs plus hauts sommets de 2010 à 2019, bien que leur taux de croissance ait ralenti par rapport à la décennie précédente, observe le rapport du GIEC publié lundi, rédigé par son Groupe de travail III, qui porte sur les façons d’atténuer le réchauffement climatique.

Haro sur les énergies fossiles

Une « réduction substantielle » de l’utilisation des hydrocarbures est nécessaire pour limiter la hausse de la température mondiale, avertit le GIEC, qui calcule que les émissions projetées de dioxyde de carbone (CO2) provenant des infrastructures de combustibles fossiles existantes et actuellement prévues excèdent le total à ne pas dépasser pour limiter la hausse à 1,5 °C, et mènent plutôt vers une hausse de 2 °C. Tout nouveau projet d’infrastructure dans ce secteur viendrait « verrouiller » le niveau d’émissions à long terme, prévient le rapport, selon lequel l’équivalent de 1000 à 4000 milliards de dollars américains (de 1250 à 5000 milliards de dollars canadiens) de combustibles fossiles doit rester dans le sol pour limiter le réchauffement à 2 °C.

Options accessibles

S’il est urgent d’agir, le rapport du GIEC montre aussi que les moyens de réduire les émissions pour limiter le réchauffement planétaire à 1,5 °C existent et que leur coût est en constante diminution. « Les options d’atténuation coûtant 100 $ US (125 $ CAN) par tonne d’équivalent dioxyde de carbone (t éq. CO2) pourraient réduire les émissions mondiales de GES d’au moins la moitié du niveau de 2019 d’ici 2030 », explique le rapport. Les énergies vertes, la séquestration du carbone en agriculture ou la restauration d’écosystèmes offrent, par exemple, un très grand potentiel de réduction des émissions, à bas coût de surcroît, comparativement au captage du carbone.

Changements de comportement

Modifier les habitudes de consommation, l’utilisation des infrastructures et la fourniture de services pour « des options à faible intensité de GES » permettrait des réductions significatives de l’ordre de 40 à 70 % des émissions mondiales de GES, indique le GIEC. Ces mesures d’« atténuation par la demande » incluent l’adoption de « régimes alimentaires sains, équilibrés et durables », la réduction du gaspillage alimentaire, l’intégration d’énergies renouvelables dans les bâtiments, l’électrification des transports, le recours aux transports actifs et en commun ou encore l’utilisation de produits réparables à plus longue durée de vie. Ces mesures « sont compatibles avec l’amélioration du bien-être pour tous », précise le rapport.

Les Nord-Américains polluent davantage

Les émissions de GES par personne varient beaucoup d’une région à l’autre, même à des revenus équivalents. Les Nord-Américains dominent largement le classement des pires émetteurs, à près de 20 tonnes d’équivalent dioxyde de carbone (t éq. CO2), selon les données de 2019. L’Afrique et l’Asie du Sud sont à l’opposé du spectre, à moins de 4 t éq. CO2 par personne. À l’échelle mondiale, les 10 % de ménages ayant les plus fortes émissions par personne génèrent près de 35 % des émissions totales. De leur côté, les 50 % des ménages émettant le moins de GES par personne sont responsables de moins de 15 % des émissions.

Des bâtiments trop gourmands

Les bâtiments existants comme ceux à construire doivent impérativement « approcher » la carboneutralité pour éviter un autre effet de « verrouillage » des émissions de GES, prévient le GIEC. « Des politiques peu ambitieuses augmentent le risque de blocage » qui verrait les bâtiments contribuer aux émissions « pendant des décennies », explique le rapport. En 2019, les émissions directes et indirectes du secteur ont augmenté d’environ 55 % pour les bâtiments non résidentiels et de quelque 50 % pour les bâtiments résidentiels par rapport à leur niveau de 1990, en raison de l’augmentation de leur superficie, du recours à des sources d’électricité et de chauffage à forte intensité de carbone et de la croissance de la population.

Les fonds et l’ambition sont là

Les actions et politiques visant à réduire les émissions de GES ont connu une « expansion constante » depuis le précédent rapport du Groupe de travail III, en 2014, observe le GIEC. Mais ces politiques sont inégales d’un secteur à l’autre, et le financement est inéquitablement et trop lentement distribué, déplore le rapport, qui estime qu’il faudrait multiplier par trois à six les sommes actuelles pour limiter le réchauffement planétaire à 2 °C. Pourtant, « il y a suffisamment de capital et de liquidités à l’échelle mondiale pour combler l’écart », indique le GIEC.

— Avec Éric-Pierre Champagne, La Presse

Les rapports du GIEC

Le rapport publié lundi constitue le troisième et dernier volet du Sixième rapport d’évaluation du GIEC, dont la synthèse sera publiée l’automne prochain. Il porte sur l’atténuation des émissions dans l’atmosphère de gaz à effet de serre (GES) d’origine humaine. Rédigé par le Groupe de travail III de l’organisation, il fait suite à celui du Groupe de travail II portant sur les conséquences des changements climatiques, publié en février, et à celui du Groupe de travail I se penchant sur les indicateurs scientifiques de l’évolution du climat, publié en août.

+ 1,1 °C

Augmentation de la température mondiale actuelle par rapport à l’ère pré-industrielle

source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)

+ 2,7 °C

Augmentation de la température mondiale prévue selon les engagements actuels de la communauté internationale

source : Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC)

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