Stratégie indopacifique du Canada

Il faut accorder une plus grande place à l’économie numérique

Le premier ministre Justin Trudeau et les ministres Mélanie Joly et Mary Ng ont récemment passé une semaine en Asie pour des rencontres de l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE), du G20 et de la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC).

En parallèle à ces rencontres, le gouvernement fédéral a annoncé plusieurs mesures à caractère économique, totalisant environ 1 milliard de dollars, qui visent à mettre en œuvre la « Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique », dévoilée dimanche par la ministre Joly.

Une grande partie de ces fonds se focalise sur des projets d’infrastructure dans la région et vise à faciliter et à promouvoir l’exportation de ressources naturelles et de produits agricoles et agroalimentaires.

Une telle approche est très bonne et tient compte des avantages économiques (« naturels ») du Canada. Cependant, elle ignore tout un pan de l’économie canadienne, tout comme celle de la région indopacifique : l’économie numérique. Selon certaines études récentes, la région indopacifique est considérée comme la plus dynamique du monde en matière de commerce numérique.

Pour bon nombre d’entreprises canadiennes, notamment de petite et de moyenne tailles, le commerce numérique pourrait être une de meilleures façons de brasser des affaires de l’autre côté du Pacifique.

Après tout, la numérisation permet aux entreprises d’augmenter le champ et la portée géographique de leurs activités. Elle réduit aussi les coûts commerciaux et favorise une adaptation plus facile de la chaîne d’approvisionnement.

Pour ce faire, il est donc important que la stratégie indopacifique du Canada fasse une place importante au commerce numérique, à l’instar des États-Unis, qui ont placé l’économie numérique au cœur de leur cadre économique indopacifique pour la prospérité, auquel le Canada a récemment demandé d’adhérer.

Comme le Canada est un acteur plutôt marginal en matière de commerce numérique à l’échelle mondiale – derrière les États-Unis, le Japon, la Chine, la Corée et même l’Australie –, il est nécessaire de mettre en place une stratégie et des mesures qui vont permettre aux entreprises canadiennes d’augmenter leurs relations commerciales avec la région indopacifique, et aussi avec le reste du monde.

Le développement du commerce numérique avec la région indopacifique ne pourra se faire sans le développement et la mise en œuvre d’une stratégie sur le commerce numérique pour le Canada dans son ensemble.

Une telle stratégie repose sur trois piliers :

  • un accès fiable et inclusif à une infrastructure numérique de haute qualité à des prix compétitifs à l’échelle internationale ;
  • une capacité numérique accrue par l’adoption de technologies numériques bien établies et avancées, en particulier pour les PME, et le développement de compétences numériques chez les travailleurs, les gestionnaires et les entrepreneurs canadiens ;
  • la réduction, voire l’élimination, des obstacles non tarifaires au commerce numérique international, notamment par la voie d’accords internationaux.

Dans le cadre du troisième pilier d’une stratégie sur le commerce numérique, le Canada est déjà très actif dans la région indopacifique en matière de gouvernance du commerce numérique. Au printemps, il a notamment demandé d’adhérer à l’Accord de partenariat sur l’économie numérique (fondé par le Chili, la Nouvelle-Zélande et Singapour), aux côtés de la Chine et de la Corée. Au même moment, le Canada est devenu un des membres fondateurs du Forum mondial sur les règles de protection de la vie privée transfrontalière, qui a été lancé par les États-Unis dans le cadre de sa propre stratégie indopacifique et qui vise à retirer ces règles de l’APEC (pour les mettre à l’abri de l’influence directe de la Chine). Enfin, le Canada est membre de l’Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, qui comprend un chapitre sur le commerce numérique.

Comme les discussions portant sur ces accords incluent surtout des pays de la région indopacifique, il semble donc logique que la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique vise à renforcer « la coopération sur les normes et les règlements au bénéfice du Canada, de la région indopacifique et du commerce fondé sur des règles ».

Bien qu’il soit important de faire partie d’accords sur le commerce numérique pour soutenir la portion économique de la Stratégie du Canada pour l’Indo-Pacifique, ce n’est pas suffisant. Il faut que le Canada s’attarde également à deux autres piliers stratégiques d’une politique sur le commerce numérique. Pour ce faire, il est impératif que le Canada adopte une stratégie sur le commerce numérique qui est claire, cohérente et qui fait appel à une étroite collaboration entre les gouvernements (fédéral et provinciaux) et les entreprises.

1. Consultez le rapport de Patrick Leblond : « Une stratégie sur le commerce numérique pour le Canada »

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