Il fait froid, j’ai faim

Au retour de l’automne et du temps froid, vous avez envie de manger plus, et de manger des aliments plus gras ? Et vous savez qu’inévitablement, ou presque, vous prendrez une livre ou deux pendant l’hiver ? Vous n’êtes pas seul. Tour d’horizon des connaissances scientifiques sur la question.

Dépense énergétique

Une chose est claire : quand on a froid, le corps travaille pour maintenir sa température, et ça implique une augmentation de la dépense énergétique. Cette hausse s’explique par les frissons — des contractions musculaires involontaires — et par l’activation de la graisse brune, un tissu adipeux impliqué dans la lutte contre le froid. Une étude publiée en 1981 donne une idée de l’ampleur de la dépense énergétique associée à des températures fraîches. Les participantes qui avaient passé 30 heures dans une pièce à 22 oC avaient dépensé en moyenne 7 % plus d’énergie que celles qui avaient passé 30 heures à 28 oC, à tenue vestimentaire égale et à diète égale. Soulignons que la dépense énergétique associée au froid varie d’un individu à l’autre.

Consultez l’étude (en anglais)

Prise alimentaire

« Si l’on regarde des modèles animaux, l’augmentation du froid est très largement compensée par une augmentation de la prise alimentaire, explique Kurt McInnis, étudiant au doctorat à l’Université d’Ottawa. En général, à mesure qu’ils brûlent plus, ils mangent plus pour essayer de maintenir leur poids corporel. » Le mécanisme derrière cela est de mieux en mieux compris : chez les rongeurs, explique Kurt McInnis, le froid provoque un « effet croisé » dans le cerveau, qui active non seulement les frissons, mais aussi l’appétit. « Les mammifères sont excellents pour garder cette homéostasie, cette balance entre les apports et les dépenses énergétiques », souligne Stéphanie Fulton, professeure titulaire au département de nutrition de l’Université de Montréal.

Appétit

Et chez l’humain, est-ce que le froid donne faim ? De manière anecdotique, les gens rapportent qu’ils ont faim après avoir fait une activité à l’extérieur, « mais ça n’a jamais été étudié scientifiquement », note Kurt McInnis, dont la thèse de doctorat permettra de « remplir ce gap » dans la littérature scientifique. Pendant huit semaines, à raison d’une période de 90 minutes tous les deux jours, une soixantaine de participants s’exposeront au froid pour voir l’effet que cette exposition aura sur leur appétit, leur consommation de nourriture et leur poids. « Dans les modèles animaux, on observe une tendance à la suralimentation. Est-ce que ce sera la même chose chez l’humain ? On verra », dit Kurt McInnis, qui souligne que la petite taille des rongeurs les rend très vulnérables au froid.

Poids

Le poids des gens fluctue pendant l’année, et en général, il atteint son maximum pendant l’hiver, selon quelques études publiées au cours des dernières années. Selon l’une d’elles, menée au Massachusetts, les participants consommaient en moyenne 86 kilocalories de plus à l’automne qu’au printemps et avaient aussi tendance à faire moins d’activité physique pendant la saison froide. Leur poids variait en moyenne d’un demi-kilo par année. « La variation de poids n’est pas nécessairement due aux conditions climatiques », souligne Stéphanie Fulton, qui précise que l’être humain est particulièrement habile pour se protéger du froid, avec ses maisons chauffées et ses vêtements isolés. En hiver, dit-elle, non seulement on fait moins de sport, mais aussi on a tendance à voir moins de monde — donc, possiblement, à grignoter davantage.

Consultez l’étude (en anglais)

Habitudes

Les habitudes alimentaires qu’on acquiert pendant l’enfance ont aussi un impact sur le choix des aliments, indique Stéphanie Fulton. Si nos parents nous servaient de la fondue au fromage et du rôti de bœuf au retour de l’automne, peut-être aurons-nous tendance à rechercher ces mêmes aliments à l’âge adulte.

« Nos apprentissages et les associations qu’on fait avec certains aliments jouent un rôle très important dans ce qu’on mange et combien on en mange. »

– Stéphanie Fulton, professeure titulaire au département de nutrition de l’Université de Montréal

Ces habitudes, qui nous sont parfois transmises de génération en génération, ne sont pas étrangères à l’agriculture et à la disponibilité des aliments, dit-elle. Par ailleurs, les gens vont aussi manger ce qui est offert dans leur environnement immédiat. Et dans le temps des Fêtes, les gâteries sont particulièrement disponibles…

Évolution

Les espèces ont évolué pour être en mesure de composer avec les variations de température. Avant l’avènement de l’ère industrielle, la saison chaude était celle de l’abondance pour l’humain, et la saison froide, celle des restrictions. À l’instar d’autres espèces, qui font le plein en prévision de l’hiver, est-ce que l’évolution peut expliquer nos fringales ? C’est ce que pensent des chercheurs de l’Université de Bristol, au Royaume-Uni. Selon eux, les gens font face à des « envies subconscientes » d’outremangeur pendant cette période de l’année pour maintenir leur taux de gras. « Dans notre vie moderne, c’est quelque chose qui est moins impliqué », nuance toutefois Stéphanie Fulton.

Consultez l’étude (en anglais)

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