Morts de Norah et Romy Carpentier

Les mauvaises communications ont nui aux recherches, selon la coroner

La coroner Sophie Régnière lève le voile sur les meurtres de Norah et Romy par leur père, Martin Carpentier, qui s’est ensuite donné la mort, en juillet 2020. Plusieurs problèmes de communication ont nui aux recherches pour les retrouver, concluent les rapports obtenus jeudi.

Selon l’autopsie psychologique, Martin Carpentier aurait tué ses filles de 6 et 11 ans et mis fin à ses jours lors d’un « épisode de dépression majeure avec symptômes psychotiques probables ». Le jour de sa disparition, M. Carpentier avait reçu un courriel sur l’approbation d’une demande de divorce, ce qui aurait pu être « le déclencheur des évènements », écrit MSophie Régnière.

S’il était résolu à divorcer, M. Carpentier craignait de perdre ses filles, surtout depuis sa séparation en 2015. Ses craintes étaient toutefois devenues « obsessionnelles » dans les semaines avant le drame. « M. Carpentier a mentionné à ses proches qu’il n’allait pas bien, écrit la coroner. Il a semblé tenir un discours décousu, étant toujours persuadé qu’on lui enlèverait ses enfants. »

Le soir du 8 juillet 2020, après un repas avec des membres de sa famille, Martin Carpentier est parti avec ses deux filles et n’est jamais revenu. Alors qu’il conduisait sa voiture sur l’autoroute 20 avec Romy et Norah à bord, il a volontairement causé un accident, en se dirigeant vers le terre-plein central. La voiture a heurté un poteau de signalisation et deux autres panneaux en dérapant.

M. Carpentier aurait ensuite abandonné la voiture et se serait enfui avec les deux fillettes. En raison de sa fuite et de messages textes d’adieu envoyés avant l’accident à sa conjointe, le geste serait intentionnel, conclut MSophie Régnière. « L’échec de cette tentative de mourir avec ses filles constitue un point de non-retour pour M. Carpentier », estime la coroner.

Après avoir passé une partie de la nuit dans une roulotte, M. Carpentier s’est enfui dans un boisé à Saint-Apollinaire avec ses filles, où il est resté jusqu’en après-midi. À 13 h 20, une alerte AMBER a été déclenchée. C’est dans ce boisé que Martin Carpentier a tué ses filles avec une branche, avant de se donner la mort à une dizaine de kilomètres de là en soirée.

Un « manque de collaboration »

Dans ses recommandations, la coroner Sophie Régnière note les difficultés rencontrées par les policiers pour obtenir des informations au sujet des personnes disparues, auprès d’un médecin et du personnel des hôpitaux.

Sur les lieux de l’accident, les policiers ont conclu initialement à un délit de fuite et ont communiqué avec les hôpitaux de la région pour savoir si M. Carpentier et ses filles y avaient été admis. Les agents « se sont heurtés à un manque de collaboration pour confirmer ou infirmer la présence de ces personnes, le personnel se retranchant derrière la confidentialité des informations », écrit la coroner. « Ce n’est que plusieurs heures plus tard que cette porte a été fermée par les enquêteurs », poursuit-elle.

Alors que les recherches s’intensifiaient, le médecin de famille de Martin Carpentier a été contacté par les policiers le lendemain. Ce dernier a toutefois « refusé de partager des informations qui auraient permis d’évaluer la condition médicale de celui-ci et, par conséquent, de déterminer le risque pour son intégrité physique ou celle de ses enfants ».

La coroner recommande aux ministères de la Santé et des Services sociaux, de la Sécurité publique et de la Justice d’élaborer conjointement une directive pour le « partage d’informations en contexte d’urgence ».

Les policiers auraient dû faire appel aux agents de la faune, pompiers et bénévoles formés en recherche et sauvetage pour les aider dans leurs recherches dès les premières heures, conclut la coroner. Cela « aurait peut-être pu faire une différence », estime MSophie Régnière.

Urgence médiatique « mal analysée »

Avant le déclenchement de l’alerte AMBER, à 13 h 20, le 9 juillet, un avis de disparition de la Sûreté du Québec (SQ) a été remis aux pompiers pour qu’ils le distribuent aux citoyens, vers 11 h 22. Un journaliste, qui voulait le diffuser, s’est fait dire d’attendre par les policiers, puisqu’une alerte AMBER serait déclenchée.

MSophie Régnière estime que la SQ n’aurait pas dû retarder la diffusion de l’avis de recherche dans les médias et qu’il aurait dû être publié « beaucoup plus tôt, dès le matin, pour profiter des heures de grande écoute du public, au moment du déjeuner et des déplacements pour le travail ». Selon la coroner, « l’urgence médiatique » existait dès 6 h et celle-ci a été « mal analysée ».

Par la suite, un délai d’une heure et demie entre le déclenchement de l’alerte AMBER et sa diffusion a aussi nui à l’efficacité des recherches. Un problème informatique aurait été en cause, en raison du message initial qui comportait plus de caractères que ne pouvait en traiter le système.

La coroner recommande à la SQ de revoir ses protocoles de communication d’urgence, pour que les messages soient diffusés plus vite et plus efficacement.

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