COVID-19

Les leaders au féminin sous les projecteurs

Si les femmes politiques du monde entier font si bonne figure dans la lutte contre la pandémie de COVID-19, ce n’est pas en raison de leur genre, mais bien de leur compétence, affirment des leaders québécoises et notre chroniqueuse Marie-Claude Lortie. En pleine crise, les pays paritaires favoriseraient une plus grande « complémentarité de genres », et donc une meilleure gestion. Résultat ? Des dirigeantes solidifient leur influence ; d'autres sortent enfin de l’ombre.

COVID-19

La parité, vaccin contre la crise ?

Bien des pays qui ont réussi à contrôler la pandémie avec succès sont dirigés par des femmes. Le fruit du hasard ? Pas du tout, selon des leaders québécoises de premier plan. Tour d’horizon d’une question plus complexe qu’il n’y paraît.

De la même manière que la tragédie de Lac-Mégantic a révélé les qualités de leadership de la mairesse Colette Roy Laroche, la pandémie a mis en lumière un grand nombre de leaders au féminin au cours des dernières semaines.

Un œil averti aura en effet remarqué que les pays qui déplorent le moins de morts depuis le début de la crise sanitaire sont dirigés par des femmes. On pense à l’Allemagne (Angela Merkel), au Danemark (Mette Frederiksen), à la Nouvelle-Zélande (Jacinda Ardern), à l’Islande (Katrín Jakobsdóttir), à la Finlande (Sanna Marin) et à la Norvège (Erna Solberg).

Les leaders québécoises interviewées par La Presse se réjouissent d’un tel constat. Mais elles croient qu’il serait réducteur d’avancer que c’est uniquement parce qu’elles sont des femmes qu’elles réussissent si bien à juguler la pandémie.

« Ce n’est pas parce qu’elles sont des femmes qu’elles sont plus efficaces pendant la crise », dit l’ancienne mairesse de Lac-Mégantic Colette Roy Laroche. « C’est parce qu’elles sont excellentes. Parce que les femmes qui sont dans un haut poste d’autorité, si elles sont là, c’est parce qu’elles sont vraiment excellentes. »

Lorsque la tragédie ferroviaire de Lac-Mégantic est survenue en juillet 2013, le nom de Colette Roy Laroche n’était pas familier pour la majorité des Québécois. Mais du jour au lendemain, cette femme est devenue un exemple de courage, de communication et de leadership.

« Avant la tragédie, personne ne pouvait dire que j’étais une bonne leader qui pouvait gérer une crise. La tragédie l’a révélé. Et c’est ce qui se passe en ce moment partout dans le monde. Il y avait beaucoup de femmes qui occupaient des postes clés, mais dans l’ombre. Et tout d’un coup, on les découvre », dit Mme Roy Laroche.

Parité hommes-femmes

Quand elle a pris connaissance des données qui montrent que la COVID-19 a révélé l’efficacité du leadership féminin dans le monde, Isabelle Hudon a voulu en savoir plus. Elle a examiné la situation de quatre pays souvent nommés dans les médias internationaux et qui sont dirigés par des femmes : l’Allemagne, le Danemark, l’Islande et la Nouvelle-Zélande.

Sa conclusion est sans appel : ce n’est pas tant la présence d’une femme à la tête d’un État qui change la donne que les efforts menant à la parité en politique.

« Ces quatre pays se classent parmi les dix pays aux Parlements les plus féminisés. L’Islande occupe la première marche du podium », note l’ambassadrice du Canada en France, première femme à occuper ce poste.

Ces quatre pays ont notamment un pourcentage plus élevé de femmes ministres et de femmes parlementaires que la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques, selon des données de 2017 qu’elle a comparées.

« La richesse d’une équipe réside dans sa complémentarité de genres et d’expertises. »

— Isabelle Hudon, gestionnaire et ambassadrice du Canada en France

« Tu ne peux pas marcher seul pour gérer une crise. Tu dois être entouré d’une variété de points de vue. C’est notamment ce qui arrive lorsque tu as une bonne parité hommes-femmes », avance Isabelle Hudon, cofondatrice de L’effet A, initiative qui vise à propulser l’engagement professionnel des femmes.

L’ambassadrice ajoute qu’il ne faut cependant pas minimiser d’autres facteurs qui font qu’un État réussit mieux que d’autres à contrer la COVID-19, dont ses moyens scientifiques et financiers.

Qualités des FEMMES leaders

La nouvelle présidente d’Hydro-Québec, Sophie Brochu, est tout à fait d’accord avec ces propos. « Il faut s’assurer de ne pas être consanguin », lance-t-elle à brûle-pourpoint, en évoquant ces organisations dirigées que par des hommes.

Pour prendre les meilleures décisions possible, il faut une « diversité de genres autour des tables ». « Idéalement, ce qu’on veut, c’est le regard le plus large possible sur les enjeux et occasions. »

« Ce n’est pas une affaire de femmes, ce n’est pas une affaire d’hommes. C’est une affaire de société. Pour y arriver, il faut tendre vers la parité le plus rapidement possible. »

— Sophie Brochu, présidente d’Hydro-Québec

L’historienne Yolande Cohen a aussi remarqué que les pays qui réussissent bien à lutter contre la pandémie sont des endroits où les relations hommes-femmes sont « beaucoup plus égalitaires » et, par le fait même, où la population a une « plus grande capacité d’écouter les dirigeantes ».

Elle donne l’exemple de la « leader incontestée en Allemagne et dans le monde », Angela Merkel. « On parle beaucoup de communication en temps de pandémie, parce que les chefs doivent convaincre leurs citoyens de suivre des règles qui ne sont pas des règles habituelles, explique l’historienne. Mais ça ne sert à rien d’être une bonne communicatrice si personne ne t’écoute. Il faut qu’un certain pouvoir lui soit reconnu et que la population n’hésite pas à lui faire confiance. »

La biographe et chercheuse Jacqueline Cardinal croit aussi que Mme Merkel a toutes les qualités d’une bonne leader en cette période de crise sanitaire. « Les arguments d’autorité, ça ne marche plus en période de crise sanitaire. Ça prend quelqu’un qui est capable de convaincre, de se mettre à la place des autres. Et ça, les femmes l’ont généralement », dit l’auteure de l’ouvrage Cinq clés du leadership appliquées à cinq leaders internationaux.

Elle ajoute que François Legault a aussi cette qualité. Cependant, Donald Trump serait complètement à l’opposé. Jacqueline Cardinal ne mâche pas ses mots en qualifiant son leadership de « catastrophique », notamment parce qu’il est incapable de bien s’entourer et d’avoir une vision à long terme. Des qualités primordiales pour exercer un bon leadership pendant la pandémie.

« La crise actuelle oblige à demander l’avis d’experts. C’est l’une des forces des femmes d’être capables de consulter et de prendre en considération tout ce que les gens peuvent apporter à leur moulin », met en perspective la chercheuse à la Chaire de leadership Pierre-Péladeau de HEC Montréal.

L’après-COVID-19

L’historienne Yolande Cohen croit que le rapport hommes-femmes pourrait changer après la pandémie, puisque les travailleurs du milieu de la santé, qui compte énormément de femmes, sont revalorisés.

« Je pense qu’une société plus écologique et plus juste va nous permettre de considérer que la contribution des femmes ne peut plus être négligée à ce point », espère-t-elle.

Est-ce que plus de femmes auront envie d’occuper des postes de pouvoir après la crise ? Isabelle Hudon répond par l’affirmative. Notamment parce qu’au cœur de toutes réflexions et décisions entourant le virus, ce sont des êtres humains qui sont touchés. Et lorsque c’est le cas, les femmes se sentent beaucoup plus interpellées.

« En ce moment, les femmes ne sont pas mal à l’aise d’être sur la ligne de front et de parler haut et fort. Alors, j’ai l’impression qu’il y aura un “après” plus grand et plus fort pour elles. Elles n’hésiteront plus à s’impliquer et à se rendre visibles », conclut-elle.

COVID-19

Femmes, virus et leadership

Voilà plusieurs jours maintenant qu’a commencé à circuler cette constatation dans les médias du monde entier, mais j’ai tardé à me faire une opinion tranchée sur la question.

Je parle ici de ce constat que parmi les pays ayant le mieux répondu à la crise, il y en a un nombre marqué qui sont dirigés par des femmes. Angela Merkel en Allemagne, Jacinda Ardern en Nouvelle-Zélande, Katrín Jakobsdótti en Islande, Mette Frederiksen au Danemark, Tsai Ing-wen à Taïwan, Sanna Marin en Finlande et Erna Solberg en Norvège ont toutes, à leur façon, permis à leur pays de limiter la crise hospitalière et cherché à amoindrir avec humanité le choc économique.

Certes, c’est une nouvelle qui devrait me réjouir, comme féministe qui écrit depuis des années sur l’importance de mettre en place les conditions nécessaires pour permettre aux femmes d’accéder aux postes de pouvoir.

Mais le côté « regardez comme on est bonnes, on vous l’avait dit qu’on était capables nous aussi » de cette nouvelle m’agace. C’est comme si on attendait une telle constatation pour justifier qu’on avait raison de vouloir accéder au pouvoir.

Les femmes ne devraient pas, comme des ados, avoir à chercher l’approbation de quiconque.

On ne devrait pas être étonné de l’efficacité de toutes ces chefs de gouvernement en temps de gestion de crise.

D’autant que ce n’est pas une catégorie exclusive réservée aux femmes.

Beaucoup de chefs de gouvernement ont bien géré la crise. En Corée du Sud, au Salvador, à Singapour, par exemple. Évidemment, ce ne sont pas toutes des démocraties parfaites. Et parfois, ne pas avoir trop d’opposition aide à l’efficacité.

Mais ce que je veux dire, c’est que les femmes sont de bonnes leaders dans un groupe de bons leaders. Les isoler donne l’impression que ça va contre les attentes.

Et les sous-entendus du constat m’enquiquinent aussi. « On est meilleures parce qu’on est comme si ou comme ça. »

Non, on n’est pas meilleures parce qu’on est plus ou moins quoi que ce soit. Les femmes sont bonnes parce qu’elles sont bonnes et l’analyse devrait s’arrêter là, parce que le reste, c’est souvent un paquet de généralisations et de stéréotypes. C’est souvent réducteur. Entre Margaret Thatcher et Jacinda Ardern, il n’y a pas immensément de points communs et on ne devrait pas avoir à en trouver.

***

En revanche, ce que la crise fait surtout ressortir, je trouve, c’est que les hommes sont franchement surreprésentés dans la catégorie des leaders irresponsables et particulièrement inefficaces. Voire tragiquement incompétents.

Et je pense ici, bien sûr, à Donald Trump en premier lieu. Celui qui essaie aujourd’hui de nous faire croire qu’il n’a pas dit que le désinfectant par intraveineuse et la thérapie solaire méritaient d’être étudiés, car ils pourraient être efficaces contre le virus. Et qui dirige le pays où il y a maintenant le plus de cas dans le monde.

Mais il n’est pas le seul à faire un boulot médiocre. Il y a aussi Jair Bolsonaro, au Brésil, qui critique les mesures de distanciation sociale, le confinement et autres politiques de lutte contre la propagation du virus.

Récemment, il a carrément participé à une manifestation promilitaire et anticonfinement à Brasília.

Et les dirigeants de l’Indonésie sont aussi particuliers. Saviez-vous qu’en février, le ministre de la Santé de ce pays prétendait encore qu’il n’y avait aucun cas chez lui et que la prière était une façon de prévenir le virus ?

On ne peut pas dire non plus que Boris Johnson, au Royaume-Uni, lui-même frappé par le virus, a été génial avec sa lenteur à prendre le problème au sérieux. Et Vladimir Poutine vous impressionne-t-il ?

Mais est-ce un hasard si les hommes sont surreprésentés dans cette catégorie absurde ?

Ça non.

S’ils sont en première place, c’est parce que les obstacles qui se présentent sur le chemin des femmes qui veulent être leaders préviennent l’accession au pouvoir d’illuminées.

Pour être élue, une femme doit tellement avoir montré et démontré mille fois qu’elle est compétente que rares sont les femmes non diplômées, non expérimentées et non formées qui accèdent aux plus hauts postes juste parce qu’elles ont une grande gueule, des relations louches et une grande folie. (Sarah Palin, brièvement gouverneure d’un tout petit État américain, l’Alaska, est la seule exception qui me vient ici à l’esprit pour confirmer la règle.)

***

Vendredi matin, en lisant les reportages sur les incongruités prononcées par Donald Trump au sujet du désinfectant, je me suis surtout reposé la question que je me pose depuis octobre 2016. Pourquoi est-il là ? Qui sont ceux qui l’ont porté au pouvoir et qui le gardent au pouvoir ?

Je sais que les médias américains ont un travail à faire pour documenter la profondeur et l’étendue de l’anormalité du personnage et la fausseté de tant de choses qu’il peut dire dans une journée, mais quand même, on commence à le savoir que le gars est dans le champ grave.

N’est-ce pas le temps de nous expliquer beaucoup plus et beaucoup mieux qui sont ceux qui empêchent cet important pays de retomber sur ses pattes avec un chef d'État digne de ce nom ?

Ces gens qui ont empêché les États-Unis d’avoir une vraie personne compétente à leur tête ? Quelqu’un qui avait l’expérience, le savoir, le tempérament pour mener cette grande puissance dans l’effort sanitaire actuel.

Si vous cherchez une bonne série à regarder pendant le Grand Confinement, regardez le documentaire sur Hillary Clinton diffusé sur Netflix.

C’est bouleversant.

La documentation minutieuse de l’injustice dont elle a été victime est difficile parfois à digérer, mais importante à comprendre. Parce que la crise mondiale causée par le virus n’aurait probablement pas été la même si le leader de cette immense puissance avait été une personne compétente.

Je ne crois pas que les femmes soient nécessairement de meilleurs leaders, y compris durant cette crise. Il y a des gens talentueux, doués, brillants de tous les genres.

Mais l’obstination de ceux qui ne veulent pas que les meilleures femmes deviennent des leaders, accèdent au pouvoir, déploient leur expertise et leur talent pour aider leurs concitoyens fait partie des grands problèmes actuels de l’humanité.

Ce texte provenant de La Presse+ est une copie en format web. Consultez-le gratuitement en version interactive dans l’application La Presse+.